Exclu par son parti, Mugabe s'accroche au pouvoir au Zimbabwe

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Robert mugabe a 24 heures pour quitter la presidence du zimbabwe[reuters.com]
(Crédits : Philimon Bulawayo)

par MacDonald Dzirutwe et Joe Brock

HARARE (Reuters) - Le président zimbabwéen Robert Mugabe a défié dimanche soir son parti et les centaine de milliers de personnes qui ont manifesté pour réclamer son départ en refusant d'annoncer sa démission lors d'un discours télévisé.

Deux sources - un membre du gouvernement et un responsable au fait des tractations avec l'armée - avaient pourtant indiqué que Reuters que le chef de l'Etat âgé de 93 ans s'était rendu à l'évidence après avoir été mis sur la touche par son parti plus tôt dans la journée.

La Zanu-PF a écarté Robert Mugabe de la présidence du parti et lui a donné 24 heures, soit jusqu'à lundi midi, pour quitter le pouvoir, sous peine d'entamer une procédure de destitution.

Mais dans son adresse télévisée, le président zimbabwéen s'est présenté en seul dirigeant légitime du pays, affirmant que l'intervention de l'armée qui l'a placé mercredi en résidence surveillée n'avait à aucun moment remis en cause son autorité en tant que chef de l'Etat et en tant que commandant en chef des forces armées.

Tout en jugeant les préoccupations des militaires et de son parti "légitimes", il a assuré qu'il présiderait en décembre le congrès de la Zanu-PF, véritable défi lancé à son ancien vice-président, Emmerson Mnangagwa, qu'il avait limogé le 6 novembre et qui l'a remplacé en milieu de journée à la tête du parti.

Dès la fin du discours de Mugabe, le secrétaire général de l'influent groupe des vétérans de la guerre de libération, Chris Mutsvangwa, a annoncé que la procédure de destitution serait lancée lundi et que les Zimbabwéens redescendraient dans la rue mercredi pour faire pression sur le vieux dirigeant, au pouvoir depuis 37 ans.

Mugabe, seul dirigeant qu'ait connu le Zimbabwe depuis son indépendance du Royaume-Uni en 1980, d'abord comme Premier ministre puis comme président, a déjà perdu une grande partie de son aura de héros de la lutte anticoloniale.

"IL A TRAHI LE PAYS TOUT ENTIER"

Après la manifestation géante pour réclamer son départ, samedi, c'est sous les vivats des 200 délégués de la Zanu-PF qu'il a été écarté dimanche de la présidence du parti réuni en comité central extraordinaire, scène de liesse inimaginable il y a encore une semaine.

Outre l'ultimatum lancé à Mugabe et son remplacement par Emmerson Mnangagwa, 75 ans, la Zanu-PF a exclu l'épouse du chef de l'Etat, Grace, 52 ans, dont les ambitions présidentielles ont précipité l'intervention de l'armée.

Depuis le début de la crise, Mugabe n'a donné aucune indication de vouloir renoncer au pouvoir de son propre chef, malgré les pressions de ses anciens alliés et les médiations, dont celle du président sud-africain Jacob Zuma.

Dimanche, il a rencontré une nouvelle fois les chefs de l'armée et de la police sans se laisser infléchir, refusant selon son entourage de "légitimer" le coup d'Etat militaire.

"Je suis effaré", a réagi le chef de file de l'opposition, Morgan Tsvangirai. "Pas seulement moi, mais tout le pays. Il joue à un jeu. Il a trahi le pays tout entier."

Auparavant, le dirigeant des vétérans, Chris Mutsvangwa, avait pourtant estimé que Mugabe cherchait "une porte de sortie honorable".

La résistance de Mugabe retarde l'accession au pouvoir d'Emmerson Mnangagwa, qui prévoirait de former un gouvernement d'unité nationale intérimaire dont la première tâche serait de stabiliser une économie en chute libre et de rétablir le contact avec le monde extérieur.

La Communauté de développement d'Afrique australe (CDAA) discutera de la crise politique au Zimbabwe mardi lors d'un sommet qui se tiendra à Luanda, la capitale angolaise, a annoncé dimanche l'Afrique du Sud.

La CDAA, qui compte 15 membres dont le Zimbabwe, est une organisation qui vise à promouvoir le développement économique du sud de l'Afrique.

(Danielle Rouquié et Tangi Salaün pour le service français)