Merkel préfère des élections à un gouvernement minoritaire

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Steinmeier ecarte de nouvelles elections, appelle a la responsabilite[reuters.com]
(Crédits : Axel Schmidt)

par Andreas Rinke et Emma Thomasson

BERLIN (Reuters) - De nouvelles élections seraient préférables à la formation d'un gouvernement minoritaire, a jugé lundi Angela Merkel après l'échec des discussions avec les libéraux du FDP et les écologistes pour former une coalition.

"Mon point de vue est que de nouvelles élections seraient une meilleure voie", a dit la chancelière allemande dans une interview accordée à la chaîne de télévision ARD, après un entretien avec le président Frank-Walter Steinmeier qui a invité les partis à s'entendre pour éviter un retour aux urnes.

Elle a souligné qu'elle ne souhaitait pas de diriger un gouvernement minoritaire. Sur l'antenne de la ZDF, Merkel a par ailleurs assuré qu'elle n'avait pas envisagé de démissionner après l'échec, dimanche soir, des négociations menées depuis près d'un mois avec les libéraux et les écologistes.

Regrettant la décision du FDP qui a mis fin aux discussions dimanche soir, elle a estimé que le parti de Christian Lindner ne reviendrait probablement pas sur sa décision. Elle a en revanche vanté la qualité des relations nouées avec les écologistes.

Interrogée sur une éventuelle reconduction de la "grande coalition" formée avec les sociaux-démocrates, une piste que ces derniers excluent, Merkel a dit qu'elle attendrait l'issue de la réunion programmée mercredi entre la direction du SPD et le président Steinmeier.

"J'espère qu'ils réfléchiront intensément à prendre la responsabilité" de gouverner, a-t-elle poursuivi. "Si de nouvelles élections ont lieu, nous devrons l'accepter. Je n'ai peur de rien", a-t-elle assuré.

Lundi en début d'après-midi, le président allemand a écarté l'hypothèse de nouvelles élections à brève échéance et a appelé à la responsabilité de la classe politique "pour permettre la formation d'un gouvernement dans un avenir prévisible".

MERKEL FRAGILISÉE

"Tous les partis politiques élus au Parlement allemand ont une obligation envers l'intérêt commun de servir notre pays", a-t-il dit dans une brève allocution. "J'attends de tous qu'ils soient disposés à parler pour permettre la formation d'un gouvernement dans un avenir prévisible", a-t-il poursuivi après avoir reçu Angela Merkel à la mi-journée.

"Huit semaines après les élections au Bundestag, les discussions exploratoires en vue de former un gouvernement n'ont jusqu'ici donné aucun résultat et nous sommes maintenant confrontés à une situation qui ne s'est encore jamais produite dans l'histoire de la République fédérale d'Allemagne, depuis 70 ans", a insisté Steinmeier.

Les voisins de l'Allemagne seraient alarmés si la classe politique allemande se révélait incapable d'être à la hauteur de ses responsabilités, a-t-il souligné, annonçant qu'il allait consulter dans les prochains jours les dirigeants des partis impliqués ou non dans les négociations.

Les sociaux-démocrates du SPD, qui ont gouverné avec Angela Merkel dans le cadre d'une grande coalition entre 2013 et 2017, ont réaffirmé lundi leur refus de participer à une nouvelle expérience de ce type et réclamé un retour aux urnes.

L'Allemagne attend un nouveau gouvernement depuis les élections législatives du 24 septembre, qui se sont soldées par un net affaiblissement de la CDU, un revers historique pour le SPD et l'entrée en force au Bundestag du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD).

Les derniers sondages d'opinion n'ont guère mesuré d'évolutions par rapport aux résultats de septembre. Une enquête de l'institut Forsa pour RTL crédite le bloc conservateur CDU-CSU de 31% des intentions de vote, le SPD de 21%, les Verts et l'AfD de 12% et le FDP de 10%.

"MAUVAISE NOUVELLE POUR L'EUROPE"

Les discussions achoppaient depuis plusieurs semaines sur le sujet sensible de l'immigration, mais le départ du FDP a surpris les observateurs, ce dossier et celui de l'environnement n'étant pas les "marqueurs" principaux du parti de Christian Lindner.

"Aujourd'hui, il n'y a pas eu de progrès, plutôt des régressions parce que les compromis envisagés ont été remis en question", expliquait tard dimanche soir le chef de file du FDP, avant d'ajouter: "Mieux vaux ne pas gouverner que mal gouverner. Au revoir !"

Si le SPD ou le FDP revenaient sur leur décision, ils pourraient réclamer en échange le départ d'Angela Merkel, au pouvoir depuis douze ans mais considérablement affaiblie par les législatives de septembre. Alexander Gauland, chef de file de l'AfD, l'a d'ores et déjà réclamé.

L'échec des négociations n'a provoqué aucun mouvement de panique sur les marchés financiers, les investisseurs semblant garder confiance dans la capacité de Merkel à trouver un moyen pour rester à la tête de la première économie d'Europe. L'hypothèse d'un nouveau scrutin est la plus redoutée par les marchés.

(avec Paul Carrel; Nicolas Delame, Henri-Pierre André et Jean-Philippe Lefief pour le service français)