Gestion : Moins de recherche sell-side après MiFID II

reuters.com  |   |  1152  mots
Gestion: moins de recherche sell-side apres mifid ii[reuters.com]
(Crédits : Eric Gaillard)

par Helen Reid

LONDRES (Reuters) - Les sociétés de gestion d'actifs utiliseront sensiblement moins de recherche en provenance des banques et des courtiers après l'entrée en vigueur de la directive MiFID II, montre une enquête réalisé par le CFA Institute, qui regroupe des professionnels de la finance britannique, publiée lundi.

MiFID II, qui entrera en vigueur le 3 janvier, se traduira par de profonds changements pour les métiers de l'intermédiation financière et imposera notamment aux fournisseurs et aux utilisateurs de comptabiliser les coûts de la recherche financière séparément des commissions d'exécution d'ordre.

Dans les faits, les émetteurs de la recherche comme les banques et les courtiers devront désormais la facturer et donc lui fixer un prix, ce qui a donné lieu à des négociations sur la valeur que les sociétés de gestion, le buy-side, accordent aux diférents types de recherche qu'elles reçoivent.

Ce changement vise à éviter de potentiels conflits d'intérêt au détriment des clients des sociétés de gestion, ces dernières étant susceptibles de rétribuer les banques et courtiers, le sell-side, en leur confiant des ordres et en leur payant des commissions d'exécution en contrepartie de la recherche qui leur est adressée 'à titre gracieux'.

Sur les 330 sociétés de gestion réparties dans les 28 pays de l'Union européenne (UE) qui ont répondu à l'enquête du FCA Institute conduite à la fin septembre, 78% ont dit que MiFID II les conduirait à réduire le volume de la recherche sell-side qu'elles utilisent. Seulement 2% d'entre elles ont dit qu'elles pensaient en utiliser plus.

Dans le même temps, les sociétés de gestion prévoient de renforcer leur capacité de recherche interne, 44% d'entre elles déclarant qu'elles y auront plus largement recours.

Cela représente "un déplacement significatif du sell-side vers le buy-side en ce qui concerne l'origine de la recherche", a commenté Rhodri Preece, charé de la politique des marchés de capitaux pour la zone Europe-Moyen-Orient-Afrique du CFA Institute.

EFFETS DE TAILLE

"Cela peut laisser penser que les sociétés de gestion pensent qu'elles peuvent mieux contrôler leur base de coûts en produisant plus de recherche en interne qu'en l'achetant", a-t-il ajouté.

La détermination et la capacité à absorber les coûts de recherche plutôt qu'à les transmettre à leurs clients dépend toutefois en grande partie de la taille des sociétés de gestion.

Les acteurs les plus importants sont les plus enclins à absorber les coûts de la recherche, un peu plus des deux tiers (67%) des sociétés de gestion ayant plus de 250 milliards d'euros d'encours se déclarant prêtes à supporter les coûts de la recherche sans les refacturer à leurs clients.

Cette proportion tombe à 42% pour les sociétés ayant moins d'un milliard d'euros d'actifs en gestion. En revanche, 22% d'entre elles prévoient de faire payer la recherche à leurs clients, une proportion qui n'est que de 9% dans la catégorie des grandes sociétés de gestion.

Les petites sociétés de gestion sont aussi plus hésitantes que les grandes quant à la politique qu'elles mettront en oeuvre, un quart d'entre elles disant ne pas savoir si elles absorberont les coûts au détriment de leurs marges ou au contraire les répercuteront sur leurs clients.

ENCORE BEAUCOUP D'INCERTITUDES

A moins de six semaines de l'entrée en vigueur de MiFID II, le prix de la recherche demeure un sujet controversé et encore flou.

Les sociétés de gestion ont été interrogées sur leur estimation du coût annuel de la recherche sur les différentes classes d'actifs, exprimé soit en point de base (centième de point de pourcentage) des actifs sous gestion soit en montant absolu.

Pour les actions, la médiane des estimations ressort à 10 points de base, soit l'équivalent d'un million d'euros annuel pour une société ayant un milliard d'euros d'actifs en gestion.

La fourchette des estimations va toutefois de 5 à 20 points de base, illustrant l'incertitude sur la valorisation de la recherche mais aussi la variété des stratégies d'investissement auxquelles elle s'applique.

Pour la classe d'actifs taux-changes-matières premières, la médiane des estimations s'établit à 3,5 points de base, un niveau plus faible que pour les actions parce que la recherche dans cette classe d'actifs a pu apparaître d'autant plus gratuite que la rémunération des intermédiaires est incorporée dans l'écart des prix acheteurs-vendeurs, a expliqué Rhodri Preece.

Les évolutions de cours dans cette classe d'actifs sont aussi plus dépendantes de la macroéconomie que dans le cas des actions qui offrent plus de possibilités de développer des idées originales et des convictions fortes justifiant une tarification plus élevée.

Le type de recherche que les sociétés de gestion apprécient le plus dépend aussi de leur taille. Les grandes sociétés de gestion sont plus susceptible d'allouer une part plus importante de leur budget de recherche au contact direct avec les analystes tout en soulignant l'incertitude entourant la tarification d'une telle prestation, a dit Gary Baker, directeur général Europe-Moyen-Orient-Afrique du CFA Institute.

Pour 69% des gérants spécialisés sur l'obligataire, les coûts de la recherche dans ce domaine devraient augmenter alors que seuls 29% des gérants actions pensent qu'il en sera de même les concernant. Parmi ces derniers, près de 50% s'attendent même à une baisse des coûts.

Les gérants obligataires anticipent sans doute que les spreads acheteurs-vendeurs vont rester plus ou moins les mêmes et qu'ils devront payer la recherche en sus.

Interrogées sur l'évolution des coûts de recherche et d'exécution des ordres avec l'entrée en vigueur de MiFID II, 49% des petites sociétés de gestion ont dit s'attendre à une augmentation alors que la même proportion des grandes firmes de gestion a dit s'attendre à une baisse.

"Cela montre sans doute que plus une société de gestion est grande plus elle pense disposer d'un pouvoir de négociation", a dit Rhodri Preece. "Le sentiment est que les règles vont sans doute se traduire par un désavantage compétitif pour les petites sociétés de gestion."

Dans les commentaires joints aux réponses à l'enquête, les sociétés de gestion ne cachent pas leur désapprobation de ces nouvelles règles. "Hausse des coûts", "Piètre résultat pour les clients et les investisseurs" figurent parmi les jugements les plus fréquemment portés.

"Les conséquences exactes ne seront pas connues avant un moment", a dit Gary Baker. "La qualité de la recherche dans son ensemble va s'améliorer mais cela va être long et douloureux."

(Marc Joanny pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)