Le contrôleur contre le regroupement des islamistes en prison

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Le controleur des prisons n'est pas favorable au regroupement des islamistes[reuters.com]
(Crédits : © Charles Platiau / Reuters)

PARIS (Reuters) - Le contrôleur général des lieux de privation de liberté n'est pas favorable à la généralisation du regroupement des islamistes dans des quartiers dédiés en prison, une mesure annoncée par le Premier ministre en janvier dernier.

Dans un avis rendu public mardi, elle pointe le risque de cohabitation de détenus aux degrés de radicalisation variés, mais aussi de "glissement" de ce régime de regroupement vers l'isolement complet des personnes placées dans ces quartiers.

Depuis octobre dernier, Paris teste le regroupement des détenus radicalisés à la prison de Fresnes (Val-de-Marne), sur initiative du directeur d'établissement. Vingt-deux islamistes ont été répartis dans sept cellules doubles, cinq cellules individuelles et une cellule triple.

Au vu de résultats "positifs", selon le ministère de la Justice, le gouvernement a décidé en début d'année d'étendre cette mesure à quatre autres quartiers pénitentiaires avant fin 2015.

Cette décision, contraire à ce qui se pratique en Espagne par exemple, divise les observateurs.

"C'est un peu comme avec les déchets radioactifs", disait récemment à Reuters un magistrat spécialisé. "Soit vous les dispersez, soit vous les regroupez sur un site ultra-sécurisé. Il y a toujours un risque de radioactivité, mais cela permet peut-être une meilleure gestion du risque."

Pour rendre son avis, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, a visité avec ses équipes la prison de Fresnes ainsi que les maisons d'arrêt de Bois-d'Arcy (Yvelines) et d'Osny (Val d'Oise) et le centre pénitentiaire sud-francilien, pressentis pour accueillir des unités de regroupement de détenus radicaux.

"EMPRISE" DES CODÉTENUS

Le critère retenu pour le placement dans le quartier à Fresnes - avoir été condamné ou mis en cause pour des faits en lien avec une entreprise terroriste - rate partiellement la cible des détenus radicalisés, souligne-t-elle.

Par ailleurs, les surveillants de Fresnes ne notent pas d'effet apaisant sur le reste de la détention.

Les détenus regroupés s'inquiètent aussi d'un risque de "discrimination et de stigmatisation" et de ne pouvoir se défaire de l'emprise de leurs codétenus, indique-t-elle.

La France, comme tous ses voisins européens, tâtonne dans sa lutte contre l'islamisme, à la recherche d'une réponse judiciaire proportionnée qui prenne en compte le risque de radicalisation dans ses prisons surpeuplées.

Adeline Hazan appelle les pouvoirs publics à évaluer les programmes de "déradicalisation" qui ont commencé depuis mai dans certaines prisons et à lancer une réflexion sur la prise en charge des jeunes de retour des zones de djihad armé.

"L'incarcération ne peut pas être le mode de traitement indifférencié d'un phénomène qui touche désormais plusieurs centaines de personnes au degré d'engagement très disparate", dit-elle.

Dans une réponse à son avis, la ministre de la Justice souligne que la logique de dispersion des détenus islamistes "a rapidement été mise en échec par l'augmentation de nombre d'écrous de cette nature", surtout en région parisienne.

"Nous construisons progressivement et de manière collective des réponses et mettons en place des expérimentations par définition évolutives mais toujours dans le respect de la loi", assure Christiane Taubira. "Des évaluations sont réalisées au fur et à mesure et les enseignements en sont tirés pour progresser."

Début juin, 190 détenus étaient écroués pour des faits de terrorisme, contre 90 fin 2013, selon la ministre.

(Chine Labbé, édité Yves Clarisse)