Affrontement en France entre la gauche et la droite sur la Grèce

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Gauche et droite s'affrontent en france sur la gestion de la question grecque[reuters.com]
(Crédits : Jean-Paul Pelissier)

PARIS (Reuters) - Après l'économie, le chômage et la lutte contre le terrorisme, la Grèce offre à l'exécutif et à l'opposition en France un nouveau prétexte d'affrontement sur l'analyse de la crise, ses conséquences et l'attitude à adopter vis-à-vis d'Athènes.

Elle a ainsi donné lieu mercredi à un affrontement à distance entre Nicolas Sarkozy, qui a profité d'une longue interview dans Le Monde pour faire la leçon à son successeur, François Hollande, et le Premier ministre, Manuel Valls.

"Je ne partage pas l'avis de M. Hollande sur l'idée que la crise grecque serait sans conséquence pour l'Europe", déclare l'ex-président, pour qui la priorité est désormais "davantage de savoir comment protéger la zone euro" que la Grèce elle-même.

Or, accuse-t-il, rien n'est fait en ce sens, "si ce n'est recevoir en grande pompe" le Premier ministre grec Alexis Tsipras "en lui laissant croire qu'il aurait satisfaction".

Nicolas Sarkozy reproche au gouvernement grec de refuser "toute attitude" raisonnable et d'avoir lui-même suspendu "de fait" l'appartenance de la Grèce à la zone euro.

Des propos jugés "irresponsables" et non conformes à la réalité par Manuel Valls, lors d'un déjeuner de presse.

"Il n'y a ni sortie de fait, ni sortie automatique", a fait valoir le Premier ministre, qui est revenu à la charge un peu plus tard à l'Assemblée nationale.

"Ces polémiques, ces analyses trop rapides nuisent au débat", a-t-il dit lors des questions d'actualité. "De telles déclarations sont contreproductives et ne sont pas responsables au regard de l'urgence dans laquelle nous nous trouvons."

Il a en revanche salué les déclarations "responsables" des ex-Premiers ministres Alain Juppé, François Fillon et Jean-Pierre Raffarin, "qui savent que dans ces moments-là (...) chaque déclaration compte, surtout quand elle vient de la France".

Une façon d'enfoncer un coin entre le président du parti Les Républicains et ses principaux rivaux de droite pour l'élection présidentielle de 2017, Alain Juppé et François Fillon.

EN 2011, DÉJÀ ...

La veille, c'est le député LR Pierre Lellouche, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, qui avait accusé la gauche au pouvoir d'avoir une attitude "illisible" vis-à-vis d'Athènes.

"Tantôt on soutient Tsipras, tantôt on soutient les règles de la zone euro", avait-il lancé à l'Assemblée nationale.

En novembre 2011, Nicolas Sarkozy s'était trouvé confronté, comme François Hollande aujourd'hui, à la volonté du Premier ministre grec de l'époque d'organiser un référendum sur un plan européen de règlement de la crise de la dette grecque.

Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel avaient convoqué George Papandréou à Cannes la veille d'un sommet du G20 pour le convaincre de renoncer à une initiative qui avait mis le feu aux poudres sur les marchés financiers.

Ils avaient menacé le Premier ministre grec d'interrompre l'aide européenne si Athènes refusait de mettre en oeuvre les mesures d'austérité prévues par le plan européen.

L'hypothèse d'une sortie de la Grèce de l'euro était déjà évoquée et le gouvernement grec avait renoncé à ce référendum à haut risque, sans que cela règle cependant la crise grecque.

Aujourd'hui, les dirigeants français, tiraillés entre la volonté d'éviter une rupture aux conséquences politiques imprévisibles avec Athènes et la nécessité de ménager leurs partenaires européens, notamment allemands, avouent ne pas comprendre l'attitude d'Alexis Tsipras.

Ce dernier a de nouveau exhorté mercredi les Grecs à voter "non" dimanche prochain aux propositions des créanciers alors que Paris poussait pour une solution négociée avant.

"C'est inexplicable. Il y avait un quasi accord", souligne le député socialiste Yves Blein. "On ne sait plus quoi faire."

Il fait aussi état d'une lassitude de l'opinion publique française, habituellement plutôt encline à critiquer les politiques d'"austérité" imposées par l'Union européenne.

"Je croise beaucoup de gens qui disent, 'maintenant, c'est bon'. On est en train de se rapprocher de l'opinion allemande. Il y a pour le moins un début d'impatience."

(Emmanuel Jarry, avec Julien Ponthus, édité par Yves Clarisse)