Le "non" grec renforce les arguments des europhobes

reuters.com  |   |  687  mots

par Guy Faulconbridge

LONDRES (Reuters) - La victoire du "non" au référendum en Grèce a déstabilisé les dirigeants européens mais elle est surtout venue apporter de l'eau au moulin des europhobes et des eurosceptiques qui voient dans ce résultat une mort annoncée de l'ensemble du projet de l'Europe.

Le refus des électeurs grecs d'approuver les propositions des créanciers en échange d'une poursuite de l'aide internationale à leur pays constitue un des plus cuisants revers essuyés par la construction européenne depuis la création de la monnaie unique en 1999.

"Le projet de l'UE est en train de mourir", a jugé Nigel Farage, chef de file du Parti de l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) qui avait rassemblé 12,7% des voix lors des législatives en Grande-Bretagne le 7 mai.

"Il est formidable de voir le courage du peuple grec face à la tyrannie politique et économique de Bruxelles", a poursuivi le dirigeant europhobe.

Nigel Farage souhaite désormais que les Britanniques s'inspirent de l'exemple des Grecs lors du référendum que le Premier ministre David Cameron a promis d'organiser avant la fin de 2017 sur le maintien de la Grande-Bretagne dans l'Union européenne.

Dans tous les pays d'Europe, les eurosceptiques ont salué les électeurs grecs pour avoir su s'opposer à ce que certains considèrent comme une "oligarchie" à la tête du bloc des 28 Etats membres.

Pour les opposants à l'intégration européenne, situés le plus souvent à la gauche et à l'extrême droite de l'éventail politique, la crise grecque doit être prise comme une leçon.

Elle démontre, jugent-ils, la faiblesse politique des institutions de la zone euro et elle trahit l'échec des élites à tenir compte des attentes de leurs peuples.

Selon eux, l'euro et l'Union européenne sont des constructions politiques imaginées par des élites cachées qui ont conduit 500 millions d'Européens à la stagnation économique et se sont révélées incapables de protéger les salariés face à la mondialisation, l'immigration et le déclin.

"Non à l'Union soviétique du chômage et de l'immigration. Oui à une nouvelle Europe fondée sur le travail et le respect du peuple", écrit Matteo Salvini, leader de la Ligue du Nord en Italie, sur son compte Twitter.

FAIBLESSE DES INSTITUTIONS

Si la question immédiate est celle d'une sortie éventuelle de la Grèce de la zone euro, l'impact d'un "Grexit" pourrait avoir des conséquences à plus long terme sur les opinions publiques européennes.

"Le 'non' grec doit aboutir à une sortie rapide de la Grèce de l'Eurozone. Le plus tôt sera le mieux", a commenté le populiste néerlandais Geert Wilders. "Aujourd'hui commence un démantèlement de la zone euro."

Pour la présidente du Front national, le "non" grec est une victoire sur "l'oligarchie de l'Union européenne".

"Les pays européens doivent profiter de cet événement pour se mettre autour d'une table, constater l'échec radical de l'euro et de l'austérité, et organiser la dissolution concertée de la monnaie unique, condition indispensable au retour réel de la croissance, de l'emploi et au désendettement", a estimé le dirigeante frontiste.

Les europhobes britanniques voient dans le rejet grec une toile de fond idéale pour organiser le référendum promis par David Cameron et dont la date n'a pas encore été fixée. Pour l'instant, le chef du gouvernement conservateur tente de négocier avec ses partenaires des aménagements en faveur de son pays.

"Le chaos général qui entoure la crise grecque met tragiquement en lumière la faiblesse et l'inflexibilité des institutions européennes", a jugé Richard Tice, homme d'affaires qui participe au financement de la campagne "Out" ("sortie") en Grande-Bretagne.

"Il est peu probable qu'on puisse améliorer la popularité du projet européen ou de l'euro avant le référendum au Royaume-Uni. Il n'y a pas plus de chance que ces mêmes institutions comprennent la nécessité d'une réforme majeure que le lobby pro-UE accepte qu'elle ait lieu", a-t-il ajouté.

(Pierre Sérisier pour le service français)