L'Otan apporte son soutien à la Turquie face à l'Etat islamique

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Soutien de l’otan a la turquie dans sa lutte contre le terrorisme[reuters.com]
(Crédits : © Francois Lenoir / Reuters)

par Robin Emmott

BRUXELLES (Reuters) - Les pays membres de l'Otan ont apporté mardi leur soutien à la Turquie dans sa lutte contre les insurgés en Syrie et en Irak mais plusieurs nations ont exhorté Ankara à ne pas faire dérailler le processus de paix avec les Kurdes par un recours excessif à la force militaire.

Au terme d'une réunion d'urgence de 90 minutes convoquée à Bruxelles à la demande de la Turquie, le Conseil de l'Atlantique Nord a apporté ce qu'Ankara attendait: un soutien politique.

"Nous sommes tous unis dans la condamnation du terrorisme, en solidarité avec la Turquie", a déclaré lors d'une conférence de presse le général de l'Otan, Jens Stoltenberg.

Un attentat suicide imputé au groupe Etat islamique a fait 32 morts le 20 juillet à Suruç, près de la frontière syrienne.

Depuis, la Turquie, jusque là réticente à se lancer pleinement dans la coalition mise en place par les Etats-Unis contre l'organisation extrémiste sunnite, a modifié radicalement sa stratégie, déclenchant des raids contre l'EI en Syrie mais aussi et contre les séparatistes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), qui ont lancé après l'attentat plusieurs attaques de représailles contre des policiers accusés de collaboration avec l'EI.

"Nous condamnons fermement les attaques terroristes contre la Turquie et présentons nos condoléances au gouvernement turc et aux familles des victimes de Suruç et d'autres attentats contre des policiers et des militaires", précise le communiqué du Conseil de l'Atlantique Nord.

La Turquie, qui avait invoqué l'article 4 du Traité de l'Atlantique-Nord autorisant un membre de l'Otan à demander des consultations en cas de menace contre son intégrité territoriale, n'avait pas demandé un appui militaire de ses 27 alliés de l'Otan.

QUESTIONS SUR LE PROCESSUS DE PAIX AVEC LES KURDES

Certaines capitales européennes redoutent cependant que le président turc Recep Tayyip Erdogan ne se serve de la lutte engagée contre l'EI pour bombarder des groupes kurdes qu'il qualifie de menace contre l'intégrité de l'Etat turc.

D'après un responsable de l'Otan présent à la réunion, plusieurs nations en ont appelé à "un recours proportionné à la force militaire" dans les opérations menées contre des séparatistes kurdes.

Les alliés européens, conscients de l'importance de la Turquie dans la lutte contre les djihadistes de retour en Europe, ont indiqué que la décision d'Ankara de bombarder des camps du PKK en Irak était justifiée.

Mais ils ont indiqué dans le même temps qu'ils ne souhaitaient pas qu'Erdogan abandonne le processus de paix qu'il a initié en 2012 pour tenter d'en finir avec une insurrection à l'origine de la mort de 40.000 personnes en Turquie depuis 1984.

La chancelière allemande Angela Merkel s'est entretenue avec lui dimanche par téléphone pour l'inviter à faire preuve de mesure et à ne pas renoncer aux discussions de paix avec le PKK.

La Commission européenne a reconnu lundi le droit des Turcs à se défendre contre le "terrorisme", tout en soulignant la nécessité de ne pas mettre en danger le processus de règlement du conflit avec les Kurdes de Turquie.

"La réconciliation doit continuer", a déclaré pour sa part l'ambassadrice des Pays-Bas auprès de l'Otan, Marjanne de Kwaasteniet.

Dans une interview accordée à la chaîne turque ATV, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a estimé qu'il était important que l'Otan comprenne "correctement les intentions" de la Turquie.

De son côté, tenant une conférence de presse à Ankara au moment où les ambassadeurs de l'Otan se réunissaient à Bruxelles, le président Erdogan a jugé "impossible" de poursuivre le processus de paix avec les séparatistes kurdes "qui menacent notre unité nationale".

Le porte-parole de son parti de la Justice et du Développement (AKP), Besir Atalay, a déclaré par la suite que le processus de paix pourrait se poursuivre si les "éléments terroristes" déposent les armes et quittent le pays.

"Nous ne pouvons pas affirmer que le processus de paix est de facto terminé. Il y a pour l'heure une stagnation du mécanisme mais il pourrait repartir si ces intentions apparaissent", a-t-il précisé devant la presse.

(avec Nick Tattersall et Tulay Karadeniz à Ankara; Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André pour le service français)