Le Premier ministre hongrois met en garde les migrants

reuters.com  |   |  898  mots
Viktor orban defend l'erection d'une cloture entre la hongrie et la serbie[reuters.com]
(Crédits : Eric Vidal)

par Alastair Macdonald

BRUXELLES (Reuters) - Les réfugiés ne devraient pas risquer la vie de leurs enfants en essayant de gagner l'Europe, a déclaré jeudi le Premier ministre hongrois Viktor Orban en réaction à l'émoi suscité par la publication de la photo d'un enfant syrien de trois ans mort noyé en Turquie.

Lors d'une visite à Bruxelles, le dirigeant nationaliste hongrois a préconisé un contrôle étroit des frontières face à la crise des migrants et affirmé que son pays ne souhaitait pas accueillir de réfugiés musulmans.

La photo du petit Aylan, dont le corps sans vie a été retrouvé sur une plage turque, ne peut être un argument en faveur de l'ouverture des frontières de l'Europe aux migrants, a estimé Viktor Orban.

"Si nous donnions l'impression que 'nous sommes prêts à accepter tout le monde', ce serait un échec moral. Ce qu'il faut, sur le plan moral, humain, c'est dire clairement: s'il vous plaît, ne venez pas", a poursuivi le Premier ministre.

"La Turquie est un pays sûr. Restez-y. C'est risqué de venir. Pour votre famille, pour vos enfants, pour vous-mêmes, il vaut mieux rester", a-t-il dit.

Lors d'une conférence de presse tenue par la suite, Viktor Orban a déclaré que la tutelle exercée sur la Hongrie par l'empire ottoman impliquait que les Hongrois ne pouvaient pas accepter un grand nombre d'immigrés musulmans, un argument déjà employé récemment par la Slovaquie voisine.

"Nous ne voulons pas, et je crois que nous avons le droit de décider que nous ne voulons pas d'un grand nombre de musulmans dans notre pays", a dit le chef du gouvernement de Budapest.

Viktor Orban a défendu l'érection d'une clôture de barbelés sur les 175 km de frontière entre la Hongrie et la Serbie, ajoutant que son pays comptait également dresser un mur à la frontière croate si des migrants venaient à emprunter cette route alternative.

MESURES D'ICI MI-SEPTEMBRE

Dans la matinée, à l'issue d'un entretien avec le président du Parlement européen Martin Schulz, le Premier ministre hongrois a déclaré que son pays devrait avoir adopté d'ici la mi-septembre un paquet de mesures visant à contenir l'afflux de migrants sur son sol.

"Nous, Hongrois, avons peur, les Européens ont peur parce qu'ils voient que les dirigeants européens, et parmi eux les chefs de gouvernement, ne sont pas en mesure de contrôler la situation", a-t-il dit.

Viktor Orban a ajouté que son gouvernement était résolu à appliquer les règles de l'UE en empêchant des personnes de pénétrer par ses frontières extérieures, à l'exception de points de contrôle, et d'enregistrer et d'identifier toutes les demandes d'asile. Il s'est dit prêt à examiner un système de répartition contraignant des migrants au sein de l'Union européenne, même s'il a souligné ne pas avoir reçu une telle offre de la part des responsables européens.

Sur la gestion par Budapest de milliers de migrants arrivés récemment en Hongrie pour gagner l'Allemagne, où la chancelière Angela Merkel a promis que son pays prendrait en charge tous les réfugiés syriens, Viktor Orban a déclaré: "Le problème n'est pas un problème européen, le problème est un problème allemand. (...) Personne ne souhaite rester en Hongrie."

"Je suis venu ici pour dire au président que la Hongrie a fait tout son possible pour respecter les réglementations. Nous mettons au point au parlement hongrois un ensemble de mesures, nous mettons en place une barrière matérielle; et tout cela permettra d'aboutir à une situation nouvelle en Hongrie comme en Europe à partir du 15 septembre. Désormais, nous avons une semaine pour nous préparer", a-t-il expliqué.

"RACINES CHRÉTIENNES"

Dans une tribune publiée dans le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, Viktor Orban écrit que l'afflux de réfugiés menace les racines chrétiennes de l'Europe et que les Etats du "vieux continent" doivent contrôler leurs frontières avant de décider combien de candidats à l'asile ils peuvent accepter sur leur sol.

Les peuples européens, estime-t-il, sont en désaccord avec la majorité des gouvernements sur la crise des migrants.

"Les populations souhaitent que nous maîtrisions la situation et protégions nos frontières", écrit-il. "C'est seulement lorsque nos frontières seront protégées que nous pourrons nous poser la question du nombre de personnes que nous sommes en mesure d'accepter, et de savoir s'il doit y avoir des quotas."

Selon Orban, la Hongrie est "envahie" par les réfugiés, dont la majorité ne sont pas des chrétiens mais des musulmans.

"C'est une question importante, parce que l'Europe et la culture européenne ont des racines chrétiennes. Et n'est-il pas déjà en soi alarmant que la culture chrétienne de l'Europe soit à peine en mesure de maintenir ses propres valeurs chrétiennes?", s'interroge-t-il.

La question a été abordée par le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, que le Premier ministre hongrois a également rencontré. "Pour un chrétien", a déclaré Donald Tusk. "peu importent la race, la religion ou la nationalité de la personne dans le besoin".

(Avec Philip Blenkinsop; Eric Faye et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)