Greenpeace dévoile une partie des documents sur le TTIP

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Greenpeace devoile des documents sur le traite transatlantique de libre-echange[reuters.com]
(Crédits : Fabrizio Bensch)

par Caroline Copley

BERLIN (Reuters) - La conclusion du partenariat commercial transatlantique (TTIP) entre l'Union européenne et les Etats-Unis altérerait les normes de sécurité alimentaire et environnementale européennes, a estimé lundi Greenpeace, qui s'appuie sur des documents confidentiels portant sur une partie des négociations.

Selon ses partisans, le TTIP - ou Tafta en français - pourrait générer 100 milliards de dollars d'activité supplémentaire des deux côtés de l'Atlantique chaque année.

Pour Greenpeace, en revanche, ce traité accorderait trop de poids aux multinationales au détriment des consommateurs et des gouvernements.

Greenpeace Pays-Bas a publié lundi 248 pages de "textes consolidés" qui portent sur 13 chapitres, soit près de la moitié de l'accord, sur le site TTIP-leaks.org. Ces documents datent de début avril et ont été rédigés avant un cycle de négociations organisé la semaine dernière à New York.

"Nous avons fait cela pour lancer le débat", a expliqué Jürgen Knirsch, spécialiste des traités commerciaux chez Greenpeace, lors d'une conférence de presse, ajoutant que les documents démontraient qu'il fallait suspendre les négociations.

"La meilleure chose que la Commission européenne puisse faire, c'est dire: 'désolé, nous avons fait une erreur'."

TEMPÊTE DANS UN VERRE D'EAU

Pour la Commission européenne, ces documents reflètent les positions des négociateurs et pas la conclusion des tractations.

Cecilia Malmström, commissaire européenne au Commerce, a qualifié les révélations de Greenpeace de "tempête dans un verre d'eau" et déclaré que les Européens ne renonceraient à aucun de leurs principes dans le seul but de signer un accord avec les Etats-Unis avant la fin du mandat de Barack Obama.

"Si ce n'est pas acceptable, il nous suffit de dire 'désolé, mais nous devons le geler' et attendre le prochain gouvernement. Bien sûr, nous allons perdre du temps, mais nous ne pouvons accepter un 'TTIP allégé' ou quelque chose qui ne soit pas assez bon", a-t-elle ajouté.

Le représentant américain au Commerce, (USTR), a lui aussi rejeté les conclusions tirées des divulgations de Greenpeace, qui sont, selon son porte-parole, au mieux "trompeuses", au pire "tout à fait erronées".

Le gouvernement français avait, avant même la publication de documents par Greenpeace, menacé de bloquer la négociation menée au nom des Vingt-Huit par la Commission européenne.

Pour le Premier ministre Manuel Valls, les positions de l'Union européenne et des Etats-Unis sont encore trop éloignées pour conclure un accord avant la fin de l'année, objectif affiché par Barack Obama et l'exécutif européen.

La délégation socialiste au Parlement européen a estimé lundi que les documents publiés par Greenpeace, notamment sur l'abandon présumé du principe de précaution, devaient inciter les Européens, et la France, à prendre leurs responsabilités.

"L'Union européenne, dès lors, doit s'interroger et envisager de suspendre les négociations", dit-elle dans un communiqué, jugeant que la Commission avait "démissionné".

DIVERGENCES PROFONDES

Pour le Parti de gauche, en campagne contre le projet de traité depuis des années, la preuve est faite que les garanties données par l'exécutif européen ne sont pas respectées.

"Les négociations doivent s'arrêter et ce traité être abandonné", peut-on lire dans un communiqué. "Le climat, la biodiversité, la justice sociale ne sont pas compatibles avec ces règles de libre marché que les oligarchies veulent imposer sur toute la planète."

Selon Greenpeace, les documents montrent que les divergences sont désormais profondes entre les deux rives de l'Atlantique. Mais, pour Cecilia Malmström, il n'y a rien d'extraordinaire à dire qu'il existe de désaccords et que l'Union est aussi ouverte que possible dans les négociations.

Jürgen Knirsch estime que les documents démontrent que les Etats-Unis veulent remplacer le "principe de précaution européen", qui interdit la commercialisation de produits potentiellement dangereux lorsque leurs effets sont inconnus ou contestés, par une approche plus souple.

Cecilia Malmström garantit de son côté que le principe de précaution fait partie de l'acquis communautaire et que les allégations de Greenpeace sont fausses, appelant les gouvernements européens à faire preuve de pédagogie sur le sujet auprès de leurs citoyens.

En Europe, où la méfiance est de mise vis-à-vis des importations de produits agricoles américains, en raison du recours intensif aux organismes génétiquement modifiés (OGM), on assure que la position défendue par la Commission n'a pas changé.

Les négociateurs se sont fixé pour objectif d'élaborer les textes consolidés d'ici juillet avant d'aborder les questions les plus délicates dans le courant du deuxième semestre.

(Avec la contribution d'Yves Clarisse, Nicolas Delame pour le service français)