Hollande défend son bilan de président de gauche réformiste

reuters.com  |   |  886  mots

par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - François Hollande a fait mardi un pas vers une nouvelle candidature en se plaçant dans la lignée des grandes figures socialistes, en défenseur de son bilan "de gauche" d'autant plus estimable à ses yeux que les temps sont "difficiles".

Devant un parterre de ministres, Manuel Valls en tête, de parlementaires et de sympathisants, le président a devisé sur "la gauche et le pouvoir", thème du colloque qu'il était venu conclure, à l'appel notamment de la Fondation Jean Jaurès.

Il s'est placé dans les pas de Léon Blum, François Mitterrand, Jacques Delors et Lionel Jospin, figures d'une gauche habituée aux "épreuves" et pourvoyeuse de "progrès".

"Ce n'est jamais parce que la gauche est au pouvoir que c'est difficile, c'est parce que c'est difficile que la gauche est au pouvoir", a-t-il martelé. "Relever le défi, tenter de réussir là où d'autres ont échoué, c'est l'honneur d'un gouvernement de gauche."

A ceux tentés par la nostalgie, il a vanté l'esprit de "conquête" d'une gauche trop à l'aise dans l'opposition.

"La gauche est souvent belle, ravissante même, sous la droite", a-t-il lancé. "La gauche n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle se conjugue au passé. On mythifie le moment venu ses avancées, sans penser à les revendiquer, à les valoriser."

De la laïcité aux congés payés en passant par la décentralisation, la retraite à 60 ans, la semaine de 35 heures et l'abolition de la peine de mort, le président s'est placé dans la lignée d'une gauche qui "écrit son action autant qu'elle l'inscrit dans la mémoire collective."

"REDISTRIBUER"

Président décrié jusque dans son camp et malmené dans les sondages d'opinion, François Hollande a fait le bilan de son propre quinquennat dont il a vanté les avancées et assumé les manquements, passant toutefois sous silence certains échecs, comme le récent fiasco de l'inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution.

"C'est vrai, je le concède, la crise de la zone euro par exemple a duré plus que je ne l'avais imaginé en 2012", a-t-il reconnu. "De la même manière, il est aussi exact que les prévisions de croissance n'ont été nulle part vérifiées."

"Mais je ne m'étais pas trompé sur le diagnostic : il fallait d'abord redresser pour ensuite redistribuer. J'en vois même certains qui nous reprochent de le faire, de redistribuer."

Au nombre des "épreuves" imprévues de son mandat, le président a cité les guerres au Mali et les attentats en France, l'Histoire "tragique" que la gauche, qui "rêve d'harmonie, de concorde, de paix", refuse souvent d'assumer.

Pour la dernière année de son quinquennat, le président a vanté les mérites du "compromis juste et équitable" qui a selon lui présidé à l'élaboration de la très controversée loi sur Travail, en débat au Parlement à partir de ce mardi.

"Il n'y a ni table rase, ni ligne d'arrivée", a-t-il dit à l'adresse de ceux qui, dans son camp, critiquent ses mesures social-démocrates, et estimé que la gauche "doit avoir le courage d'agir sans trembler", en prenant en compte le "réel".

"IL PLANTE LE DÉCOR"

Dans la bataille pour la baisse du chômage, dont il a fait une condition d'une nouvelle candidature en 2017, "tout se joue maintenant", a-t-il prévenu. "Jamais je ne dirai qu'en la matière tout a été fait."

Pour autant, a-t-il ajouté, pas question d'emprunter à d'autres pays des idées jugées mauvaises : "ni les mini-jobs des uns, ni [le report de] l'âge de retraite des autres".

Dans un contexte de défiance sur fond de montée de l'extrême droite, le président a appelé de ses voeux un regain de "cohésion nationale", faisant remarquer que "la France est aimée bien plus qu'elle ne s'aime elle-même".

Face à des mouvements de contestation comme "Nuit debout", qui critiquent la démocratie représentative, et la place grandissante des réseaux sociaux dans les débats, il a défendu le respect des institutions : "Quels que soient les modes de participation, les formes d'expression (...) jamais rien ne remplacera le vote, la démocratie et le suffrage universel".

Le chef de l'Etat a sonné la mobilisation de son camp.

"Avançons sans regret, sans calcul, sans répit et sans savoir, comme disait Jaurès, quelle récompense nous sera réservée. La récompense, elle ne sera pas dans l'Histoire, la récompense, elle sera dans l'avenir."

Dans le public, le député Christophe Borgel a vu dans la prestation présidentielle des jalons pour l'avenir.

"Ce n'est pas un discours de campagne, mais il plante le décor du débat dans la gauche et du débat vis-à-vis de la droite", a-t-il dit à Reuters. "La salle, dont une partie doute, est ressortie en se disant 'bon, ça va, il en a sous la pédale'".

Pour la députée Annick Lepetit, le candidat François Hollande pointe sous les habits du président.

"Dès qu'il s'éloigne de son texte, il devient authentique, il parle avec les tripes", a-t-elle confié à Reuters.

(Avec Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)