Le nouveau gouvernement turc illustre les pouvoirs accrus d'Erdogan

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Recep tayyip erdogan renforce son emprise dans le nouveau gouvernement turc[reuters.com]
(Crédits : Handout)

par Gulsen Solaker

ANKARA (Reuters) - Le nouveau Premier ministre turc Binali Yildirim, qui a dévoilé mardi la composition de son gouvernement, s'est engagé à travailler immédiatement à l'instauration du régime présidentiel qu'appelle de ses voeux le chef de l'Etat, Recep Tayyip Erdogan.

Le cabinet annoncé par Binali Yildirim suggère une continuité dans la politique mise en oeuvre et ne laisse guère de doute sur l'identité de son inspirateur. Erdogan présidera du reste mercredi la première réunion du nouveau gouvernement, a-t-on appris dans son entourage.

Binali Yildirim, qui était jusqu'à présent ministre des Transports, a été élu dimanche à la tête du parti de la Justice et du Développement (AKP) et a été nommé Premier ministre dans la foulée en remplacement d'Ahmet Davutoglu.

La moitié des portefeuilles changent d'attribution, mais les principaux ministres chargés de la politique économique restent en place, parmi lesquels le vice-Premier ministre Mehmet Simsek, apprécié des investisseurs étrangers, et le ministre des Finances, Naci Agbal.

Leur maintien en fonctions a été salué sur les marchés, où la livre turque a progressé face au dollar. Les deux hommes poussent en faveur de réformes structurelles visant à accroître la productivité des salariés turcs et à augmenter l'épargne des ménages.

Le ministre de l'Economie Nihat Zeybekci, un proche du président, reste au poste qu'il occupe depuis novembre, de même que Berat Albayrak, gendre d'Erdogan, qui conserve le ministère de l'Energie.

Le portefeuille des Affaires étrangères reste confié à Mevlut Cavusoglu tandis que l'ex-porte-parole de l'AKP Omer Celik devient ministre des Relations avec l'Union européenne.

Tous deux auront la charge du respect de l'accord conclu le 18 mars avec les Européens pour endiguer l'arrivée sur le sol européen de réfugiés et de migrants via la Turquie en échange d'une aide financière renforcée, d'une libéralisation des visas pour les Turcs se rendant en Europe et d'une relance des négociations d'adhésion.

"OCCASION HISTORIQUE"

Devant le groupe parlementaire de l'AKP, Binali Yildirim a annoncé qu'il ne laisserait pas passer l'"occasion historique" de modifier la Constitution issue du coup d'Etat militaire de 1980.

"Nous devons modifier la constitution pour qu'elle corresponde à la situation de facto. C'est la tâche la plus importante de l'AKP", a-t-il ajouté, ainsi qu'il l'avait déjà annoncé lors du congrès extraordinaire du parti islamo-conservateur dimanche à Ankara.

Cette réforme institutionnelle instaurera un système exécutif présidentiel conforme au projet du président Erdogan. L'ancien Premier ministre est devenu en 2014 le premier président de la République turque élu au suffrage universel direct et non plus désigné par le Parlement.

Il prône depuis un élargissement des prérogatives présidentielles et veut faire passer la fonction présidentielle d'un poste largement protocolaire à une pratique plus proche des institutions américaines ou françaises.

Ses détracteurs y voient une nouvelle manifestation de la dérive autoritaire dont ils l'accusent. L'évolution politique de la Turquie, membre de l'Otan, inquiète également ses partenaires européens. Lundi, le président du Parlement européen, le social-démocrate allemand Martin Schulz, a estimé que la concentration des pouvoirs entre les mains de Recep Tayyip Erdogan marquait un "éloignement à couper le souffle des valeurs européennes".

(Avec Ece Toksabay et Orhan Coskun; Marc Angrand et Henri-Pierre André pour le service français)