Huitième journée de mobilisation contre la loi Travail

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Le front du refus se durcit[reuters.com]
(Crédits : Stephane Mahe)

PARIS (Reuters) - Les syndicats engagés dans un rapport de force avec le gouvernement, résolu à maintenir son projet de loi Travail, organisent ce jeudi une huitième journée de mobilisation dans un climat de crispation, chacun accusant l'autre de radicalisation.

Mené par la CGT, ce front du refus a durci ces jours-ci le mouvement en bloquant raffineries et dépôts de carburant et en multipliant les appels à la grève dans des secteurs stratégiques comme les centrales nucléaires, accentuant la fracture avec les syndicats réformistes qui soutiennent le texte.

Nouveaux venus dans la contestation, les personnels des 19 centrales nucléaires ont voté mercredi une grève qui a déjà entraîné des baisses de production d'électricité, pour l'instant marginales, a-t-on appris auprès de la CGT.

Selon une porte-parole d'EDF, le taux de grévistes était de 9,89% pour le quart de nuit et la matinée dans les installations du groupe en France.

De 20% à 30% des stations-service de France étaient par ailleurs fermées jeudi ou connaissaient des difficultés d'approvisionnement, d'après le gouvernement.

Les opposants au projet de loi de Myriam El Khomri peinent cependant à faire le plein de manifestants dans la rue : seules 129.000 personnes se sont joints aux cortèges le 19 mai selon le ministère de l'Intérieur, 400.000 selon la CGT.

Le Premier ministre, Manuel Valls, a réitéré jeudi son refus d'abandonner le texte et de retoucher son article 2, le plus contesté, qui affirme la primauté des accords d'entreprise.

"Ça n'est pas la CGT qui peut bloquer le pays, pas la CGT qui peut imposer un texte de loi", a-t-il déclaré sur BFM TV.

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a pour sa part dénoncé "un gouvernement qui se radicalise".

QUOTIDIENS NATIONAUX BLOQUÉS

"Plusieurs ministres, dont le premier d'entre eux en tête, refusent le dialogue et le débat de fond et ont fait le choix délibéré de l'invective et de l'autoritarisme", écrit-il dans une tribune publiée dans le journal L'Humanité.

Le quotidien, proche du Parti communiste, était le seul de la presse nationale à paraître jeudi, en raison d'un blocage des autres titres nationaux par le syndicat du Livre CGT.

A Paris et dans les régions, les actions ont débuté dès le début de la matinée.

Dans l'Ouest, près de 500 manifestants ont par exemple filtré les accès à la zone industrielle de l'aéroport Nantes-Atlantique, où se trouve notamment une usine Airbus et, dans le Nord, un embouteillage de 15 kilomètres s'est formé sur l'autoroute Lille-Dunkerque à la suite de blocages.

Un conducteur a tenté de forcé un barrage à Vitrolles, faisant deux blessés, avant d'être interpellé et placé en garde à vue, selon la préfecture de police des Bouches-du-Rhône.

La circulation a été interrompue dans les deux sens sur les ponts de Tancarville et de Normandie, en Seine-Maritime.

Le dépôt pétrolier de Porte-les-Valences, dans la Drôme, était bloqué jeudi matin par plusieurs dizaines de manifestants hostiles au projet de loi Travail.

Pour le moment, le gouvernement exclut tout risque de pénurie et assure que les forces de l'ordre continueront à débloquer les dépôts pétroliers.

PAS D'ISSUE EN VUE

En raison d'une grève des dockers, 21 navires attendaient dans la matinée en rade de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), a déclaré à Reuters une porte-parole du port de Marseille.

La SNCF prévoit quant à elle une amélioration du trafic, au deuxième jour de la grève de 48 heures lancée par la CGT et Sud Rail, en attendant un mouvement plus large et illimité à partir du 31 mai prochain.

La compagnie ferroviaire tablait jeudi sur un trafic quasi-normal pour les RER, quatre TGV sur cinq, deux TER sur trois et trois Intercités sur cinq. Mercredi, seuls 10,6% des agents avaient participé au mouvement.

Selon Aéroports de Paris, 15% des vols étaient annulés à Orly et des retards à prévoir à Roissy.

Malgré le début de paralysie dans certains secteurs, 62% des Français estiment le mouvement de contestation "justifié", d'après un sondage Ifop pour RTL.

Aucune issue à ce bras de fer n'est pour le moment en vue, malgré des appels au sein de la majorité socialiste à retoucher des dispositions du texte.

Une journée nationale de grèves et de manifestations interprofessionnelles est d'ores et déjà prévue le 14 juin, après le coup d'envoi de l'Euro de football le 10.

SUD RATP appelle à une grève illimitée à partir du 10 juin pour dénoncer la loi Travail et la remise en cause du statut des agents du groupe et défendre leurs salaires.

La CGT, premier syndicat à la RATP avait de son côté appelé mardi à une grève illimitée à compter du 2 juin pour les mêmes motifs.

(Simon Carraud, avec Service France, édité par Emmanuel Jarry)