Phase cruciale pour l'épreuve de force sur la loi Travail

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PARIS (Reuters) - L'épreuve de force autour du projet de réforme du code du travail entre cette semaine dans une phase décisive, après le retour du G7 ce week-end de François Hollande, pressé de toutes parts de trancher le noeud gordien de la loi El Khomri.

Manuel Valls promet d'aller "jusqu'au bout" sur ce texte et paraît miser sur l'essoufflement de la crise sociale la plus dure du quinquennat, qui menace la reprise économique française.

"Nous sommes dans un moment crucial", dit-il au Journal du dimanche. "C'est l'idée même de réforme qui se joue. Il s'agit d'une clarification dans le syndicalisme, d'une clarification à gauche, d'une clarification dans la société française", ajoute celui qui dit ne pas vouloir rejoindre "la longue liste des (...) politiques qui ont renoncé face à un mouvement social".

"Si nous cédions à la rue et à la CGT, parce que nous serions obsédés à court terme par (les élections de) 2017, il ne resterait plus rien", fait-il valoir.

Manuel Valls a néanmoins repris langue avec le numéro un de la CGT, Philippe Martinez, ainsi qu'avec les leaders de Force ouvrière, de la CFDT, de la CFTC, de la CFE-CGC et de l'Unsa à qui il a téléphoné samedi "pour faire le point de la situation", a-t-on appris dans son entourage.

Il a réaffirmé au secrétaire général de la CGT et à son homologue de FO la position de l'exécutif, et s'est efforcé de rassurer les dirigeants des syndicats réformistes, dont Laurent Berger (CFDT), qui soutiennent le texte, précise cette source.

FLOTTEMENT

Jusqu'ici, le chef de l'Etat a soutenu la même ligne que le Premier ministre et les deux hommes se sont parlés samedi pour s'assurer que c'était toujours le cas, indique une source gouvernementale. Manuel Valls s'est aussi assuré de la coopération des acteurs de l'industrie pétrolière pour atténuer l'impact des grèves dans ce secteur.

Mais à l'approche du coup d'envoi de l'Euro de football, le 10 juin, un flottement est perceptible au sein du gouvernement comme dans la majorité ou sur ses marges.

Le ministre des Finances, Michel Sapin, confiait vendredi que "le premier devoir, c'est la fermeté". Mais il est aussi de ceux qui ont évoqué une éventuelle réécriture de l'article 2, le plus contesté, qui affirme la primauté des accords d'entreprises sur les accords conclus dans les branches professionnelles et les conventions nationales.

Une cinquantaine de députés de gauche ont demandé vendredi à François Hollande de reprendre le dialogue avec l'ensemble des syndicats afin de trouver une sortie de crise.

Le député socialiste Jean-Marc Germain, proche de la maire de Lille Martine Aubry, a proposé une autre porte de sortie : que Manuel Valls s'engage à ne pas recourir à l'article 49-3 de la Constitution quand le texte reviendra en juillet en deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

"Que le Premier ministre (...) dise, 'sur ce texte c'est le Parlement, in fine, qui aura le dernier mot", a-t-il suggéré.

"MÉTHODE DOUCE"

La "méthode douce" consistant à laisser le Parlement procéder aux amendements susceptibles de rallier une majorité et de calmer la rue ne tente pas seulement l'aile gauche du PS.

C'est au mot près ce que propose un membre du gouvernement : "Dire que le Parlement aura le dernier mot, éviter de recourir au 49-3, puis laisser les parlementaires négocier et trouver une solution acceptable pour FO et la CFDT."

Pour ce ministre, s'obstiner n'est pas tenable : "Si l'Euro est perturbé devant les caméras du monde entier, vous détruisez l'image de la France pour 50 ans", dit-il.

Le premier secrétaire du PS s'est voulu rassurant. "Je connais les responsables de la CGT, je ne peux pas croire une seule seconde qu'ils prennent en otage la France" durant l'Euro, a déclaré Jean-Christophe Cambadélis dans "Le Grand Jury" RTL-Le Figaro-LCI.

Une source gouvernementale reconnaît la difficulté de trouver une "voie médiane" tout en assurant être "très attentif à la mobilisation" et aux risques d'incidents.

"L'engagement de ne pas utiliser le 49-3 est très difficile à prendre", estime cette source. "Le désir de compromis ne doit pas conduire à tout brouiller."

La fédération FO des transports menace de perturber les transports dans les villes-hôtes de l'Euro et doit se coordonner lundi avec son homologue de la CGT.

Quatre raffineries sont toujours à l'arrêt et deux en débit réduit. "On ne peut pas parler d'une crise qui est terminée", reconnaissait samedi Alain Vidalies, secrétaire d'Etat aux Transports.

La CGT a déposé un préavis de grève pour les 3, 4 et 5 juin dans l'aviation civile. Des préavis de grève reconductible ont été déposés pour le milieu de la semaine prochaine à la SNCF, où les négociations sur une nouvelle organisation du travail piétinent.

Mais paradoxalement, c'est peut-être là que réside une des pistes les plus sérieuses de sortie de crise, à en croire un intime de François Hollande cité par le Journal du Dimanche.

"A la SNCF, à la RATP, à Air France, dans l'aviation civile, des discussions sont déjà ouvertes", dit-il. "Dans les ports, Alain Vidalies mène une négociation européenne sur les dockers. La CGT sait qu'elle n'obtiendra pas le retrait de la loi, mais il faut qu'ils obtiennent des choses dans d'autres secteurs."

Une piste également évoquée dimanche par Jean-Christophe Cambadélis. "Je pense que dans le moment présent, il faut de la fermeté, mais pas de fermeture", a-t-il dit. "Après, quand le moment sera venu, au moment du débat parlementaire (...) il faudra éclairer sans dénaturer."

(Emmanuel Jarry et Chine Labbé, avec Elizabeth Pineau et Ingrid Melander)