La SNCF négocie des compensations avec le gouvernement

reuters.com  |   |  753  mots

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - La direction de la SNCF, en désaccord avec un compromis conclu par le gouvernement avec la CFDT sur un nouveau cadre social pour l'entreprise, discute de compensations financières avec l'Etat, a-t-on appris mardi de source proche des négociations.

Le gouvernement, engagé dans une épreuve de force avec les opposants à la loi Travail, dont la CGT et Force ouvrière (FO), s'efforce de désamorcer les conflits catégoriels.

Les pressions exercées sur la direction de la SNCF pour qu'elle accepte des concessions dans les négociations sur une nouvelle organisation du travail ont créé de vives tensions entre son président, Guillaume Pepy, et le gouvernement.

Au point que la SNCF a dû démentir formellement qu'il ait menacé de démissionner ou même remis sa démission.

Interrogé mardi sur ces rumeurs par des journalistes, le Premier ministre, Manuel Valls, a déclaré que la démission de Guillaume Pepy n'était "pas à l'ordre du jour".

"Nous sommes évidemment très attentifs à la situation de la SNCF, c'est le rôle de l'Etat actionnaire", a-t-il ajouté.

Le secrétaire d'Etat aux Transports avait aussi démenti ces rumeurs sur France Inter en admettant qu'il y avait eu "débat".

"Il ne peut pas y avoir deux stratégies. En l'occurrence, il y avait la nécessité pour moi d'avoir un accord d'entreprise. (...) J'ai souhaité qu'on accélère", a-t-il insisté.

CAVALIER SEUL DE LA CFDT

Selon des sources syndicales et proche des discussions, Alain Vidalies a repris la main samedi et négocié directement avec la CFDT et l'Unsa.

La fédération CFDT des cheminots, qui a absorbé la Fédération générale autonome des agents de conduite (Fgaac) a conclu avec lui un compromis qui maintient le statu quo actuel pour les conducteurs de train, notamment en matière de repos.

Elle a ensuite levé le préavis de grève reconductible qu'elle avait déposé, comme les trois autres syndicats représentatifs des cheminots (CGT, Unsa ferroviaire et Sud Rail), pour ce mardi soir.

Si la CFDT n'est que le quatrième syndicat de la SNCF, elle représente environ 30% des agents de conduite, ce qui représente une influence importante en cas de grève.

Alain Vidalies a démenti avoir négocié en l'absence de la direction. Lors de "Toutes les réunions qui ont eu lieu ce week-end, la DRH de la SNCF était présente", a-t-il dit.

Mais la direction de la SNCF, qui veut revoir l'organisation du travail dans l'entreprise pour gagner en compétitivité, dans la perspective de l'extension de la concurrence en Europe, est en désaccord avec le compromis conclu avec la CFDT.

"Ça a amené des échanges nourris ce week-end", souligne-t-on de source proche des discussions. "La position de Guillaume Pepy a été de dire 'si vous lâchez sur le social il faut compenser'."

Direction et gouvernement ont donc engagé une discussion censée être bouclée pour lundi sur ces compensations.

DÉSENDETTEMENT

L'objectif est "un deal plus global, qui permettrait à l'entreprise de retrouver des marges de manoeuvre pour essayer de gagner sur le terrain économique ce qu'elle ne pourra pas gagner sur le terrain social", précise-t-on de même source.

Selon celle-ci, les discussions avec l'Etat tournent notamment autour du désendettement de la SNCF, qui a accumulé une dette de 50 milliards d'euros. Les solutions étudiées pourraient prendre la forme de taux d'intérêt de faveur, de moratoires ou d'une reprise partielle de la dette.

Les discussions avec les syndicats n'en sont pas terminées pour autant, dit-on de source proche de l'entreprise.

La direction doit envoyer d'ici 24 heures aux syndicats un projet d'accord, qui fera l'objet d'un rendez-vous censé être conclusif le 6 juin, ajoute-t-on de même source.

D'ici-là, le gouvernement anticipe un "mouvement sérieux" de grève à la SNCF, alors que l'Unsa, deuxième syndicat de la SNCF, qui juge déséquilibré le compromis conclu avec la CFDT et doute de l'engagement de la direction, a maintenu son préavis de grève reconductible, comme la CGT et Sud Rail.

"On discute d'un texte qui va réguler les relations de travail dans l'entreprise pendant 15 ans. Il y a quand même la question de la pérennité de l'entreprise", a déclaré à Reuters le secrétaire général de l'Unsa, Luc Bérille.

(Emmanuel Jarry, avec Simon Carraud et Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)