Le Brexit n'entamera pas la reprise en France, mais après ?

reuters.com  |   |  901  mots
Pas d'effet du brexit sur l'economie francaise, pas tout de suite[reuters.com]
(Crédits : © Philippe Wojazer / Reuters)

par Myriam Rivet

PARIS (Reuters) - La victoire du "Brexit" au référendum britannique ne devrait pas enrayer la reprise de l'économie française dans l'immédiat mais, à terme, celle-ci en pâtira forcément, estiment des économistes interrogés par Reuters.

Les Britanniques ont choisi de sortir de l'Union européenne lors du référendum de jeudi, à l'encontre des attentes des marchés financiers et de la plupart des analystes.

Les marchés financiers, premier canal de transmission de l'onde de choc, ont eu "une réaction épidermique" vendredi. Mais pour que ces turbulences exercent un impact significatif sur la confiance des entreprises et des ménages français, donc sur l'investissement et la consommation - et finalement la croissance - il faut non seulement que la chute soit forte mais aussi qu'elle dure longtemps, explique Julien Marcilly, économiste en chef de l'assureur crédit Coface.

Selon lui, cette hypothèse semble exclue, d'autant plus que les banques centrales, en premier lieu la Banque d'Angleterre (BoE) et la Banque centrale européenne (BCE), se sont déjà déclarées armées pour soulager les tensions.

"Si les marchés ne chutent que modérément, ce qui est le plus probable à ce stade (...) on ne s'attend pas à voir d'effet très négatif sur la croissance à court terme", souligne-t-il.

Un avis partagé par François Letondu, économiste chez Société générale. "En l'absence de contagion financière trop importante, il va y avoir un choc négatif sur la croissance française cette année mais il ne devrait pas être de nature à vraiment casser la dynamique de la reprise française, qui paraît suffisamment solide et tirée par des facteurs domestiques - la consommation des ménages en particulier - pour pouvoir continuer dans les prochains mois."

SEULE CERTITUDE, L'EFFET NÉGATIF

Dans une note de conjoncture publiée la semaine dernière, l'Insee disait tabler sur une croissance de 1,6% cette année, un scénario pour lequel l'impact d'un éventuel Brexit n'était pas chiffré.

Cet ordre de grandeur reste cohérent pour 2016 mais le répit pour l'économie française devrait être de courte durée et les conséquences du scrutin britannique devraient se faire sentir dès l'an prochain.

Le ralentissement de l'économie britannique et la dépréciation de la livre sterling consécutifs au Brexit pèseront sur les échanges commerciaux avec la France, mais affecteront surtout la valeur des stocks d'investissements directs étrangers au Royaume-Uni.

Dans une étude publiée le mois dernier, l'assureur crédit Euler Hermes estimait que l'impact d'un Brexit sur la période 2017-2019 pourrait représenter jusqu'à 3,2 milliards d'euros de pertes pour les exportations cumulées de biens et services et que la perte sèche potentielle en investissements cumulés pourrait atteindre 5,2 milliards d'euros.

Mais les données sur le sujet restent peu nombreuses, puisque l'impact du Brexit sur l'économie française dépendra des modalités du divorce entre les Britanniques et les Européens.

"Sur le long terme, tout dépend des négociations, donc on a un univers des possibles qui est absolument gigantesque", observe François Letondu en ajoutant : "Une chose est sûre ça ne sera pas un effet positif."

EFFET DOMINO ?

"Plus les choses seront claires plus on limitera les dégâts pour tout le monde", résume Axelle Lacan, économiste chez COE-Rexecode.

Mais il est difficile de prévoir comment l'Union européenne va gérer cet événement inédit et l'incertitude est d'autant plus grande que "les négociations risquent de s'embourber très vite, faute d'attelage très robuste pour mener les négociations côté européen dans les six à neuf mois qui viennent", estime Jean-Michel Six, chef économiste pour l'Europe de l'agence de notation Standard & Poor's.

Alors que 2017 sera une année électorale à la fois en France et en Allemagne, François Hollande traverse actuellement une période difficile et la coalition d'Angela Merkel a été fragilisée par la question de l'immigration.

De son côté, le président du Conseil italien Matteo Renzi, dont le parti a subi un revers aux municipales du week-end dernier, prépare le référendum sur son projet de réforme constitutionnelle.

Quant à l'Espagne, de nouvelles élections législatives se tiennent dimanche, six mois après un premier scrutin n'ayant pas permis de dégager une majorité parlementaire à même de trouver un accord de gouvernement.

Et au-delà de l'issue des négociations, Axelle Lacan souligne que les effets du Brexit sur l'économie française ne doivent pas être mesurés à la seule relation bilatérale entre les deux pays.

"Ce qui va être important pour la France, c'est également de voir la réaction d'autres pays européens qui étaient candidats à la sortie en cas de Brexit - le Danemark, la République tchèque, la Suède", note-t-elle en soulignant qu'un éventuel "effet domino" dépendra de l'issue des discussions entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Malgré ses sombres perspectives, cette économiste n'exclut pas que ces remous contraignent l'Union européenne à clarifier son fonctionnement.

"On va peut être aller vers quelque chose de plus clair, avec un resserrement sur la zone euro, ça peut également avoir une vertu d'assainissement du fonctionnement européen", espère-t-elle.

(Edité par Yves Clarisse)