La Turquie refuse de changer ses lois antiterroristes

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Ankara refuse de modifier son arsenal juridique de lutte contre le terrorisme[reuters.com]
(Crédits : © Osman Orsal / Reuters)

par Robin Emmott

BRUXELLES (Reuters) - La Turquie a refusé jeudi la demande de l'Union européenne qui souhaitait qu'elle modifie sa législation contre le terrorisme, considérée comme trop vague, expliquant que l'attentat qui a fait 43 morts mardi soir à l'aéroport d'Istanbul justifiait au contraire sa position de fermeté.

Les autorités turques, qui se trouvent à Bruxelles dans le cadre des négociations sur une éventuelle entrée de la Turquie dans l'UE, ont aussi fait valoir que les futurs Vingt-Sept avaient besoin plus que jamais de la Turquie, de son poids économique et géopolitique, à la suite du vote britannique en faveur d'une sortie de l'UE.

L'UE a de nouveau demandé qu'Ankara modifie son arsenal juridique de lutte contre le terrorisme, faisant valoir qu'il était attentatoire à la liberté d'expression et autorisait les arrestations arbitraires de personnes soupçonnées de militantisme. Ankara a dit non.

"La Turquie lutte aujourd'hui contre le terrorisme", a déclaré son ministre des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu lors d'une conférence de presse avec de hauts responsables de l'UE. "De nouvelles demandes adressées à la Turquie encourageraient les terroristes. Nous ne pouvons procéder à aucun changement de nos lois de lutte contre le terrorisme."

Après l'attentat de mardi, la police turque a procédé à l'arrestation de 13 personnes, dont trois étrangers, lors de perquisitions à Istanbul.

Les modifications des lois antiterroristes au sein de l'UE font partie des négociations relatives à la demande de la Turquie de voir ses ressortissants voyager en Europe sans visa dans le cadre de l'accord sur les migrants négocié avec Ankara au mois de mars.

"PAS DE CONSENSUS"

"La Turquie est une puissance européenne majeure (...) L'Europe a besoin d'un nouveau départ et d'une nouvelle vision et devra inclure la Turquie", a fait valoir le ministre turc des Affaires européennes, Omer Celik, qui se trouvait lui aussi à Bruxelles.

"Quelle que soit la situation après le Brexit, la position de la Turquie sera plus forte. Toute perspective sans la Turquie sera faible", a-t-il ajouté.

Paradoxalement, le Royaume-Uni a souvent soutenu la Turquie dans sa candidature à l'UE, face aux réticences de la France et de l'Allemagne.

Mais ces dernières semaines, les partisans du "Leave" au référendum de jeudi dernier ont joué avec succès sur la peur des Britanniques d'une immigration incontrôlée, en provenance d'Europe, mais aussi de Turquie.

Pour tenter de convaincre ses compatriotes de rester dans l'UE, le Premier ministre britannique David Cameron a même suggéré que la Turquie ne pourrait pas adhérer à l'UE avant l'an 3000, au grand dam d'Ankara.

A rebours aussi, la chancelière allemande Angela Merkel, a priori réticente à l'entrée d'Ankara dans l'UE, a accepté à contre-coeur de soutenir une accélération du processus de négociations, parce qu'elle a besoin d'Ankara pour endiguer le flux de migrants. L'Allemagne a accueilli plus d'un million de réfugiés sur son sol l'an dernier.

Petite victoire pour la Turquie, l'UE a ouvert jeudi les négociations sur le "chapitre 33" de son processus d'adhésion à l'UE, qui porte sur les politiques budgétaires, et qui constitue l'un des 35 chapitres qui font partie du processus d'accession.

Mais la Slovaquie, qui prendra vendredi la présidence de l'UE pour six mois, ne s'est pas montrée très encourageante sur l'évolution du processus de négociations, ouvert depuis 2005.

"J'aimerais pouvoir ouvrir plus de chapitres durant notre présidence mais, honnêtement, je ne vois pas de consensus", a déclaré aux journalistes le ministre slovaque des Affaires étrangères, Miroslav Lajcak, à Bratislava.

(Avec Tulay Karadeniz et Seda Sezer à Istanbul et Gabriela Baczynska à Bratislava; Pierre Sérisier et Danielle Rouquié pour le service français)