L'UE va dénoncer l'accord fiscal entre Dublin et Apple

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Bruxelles va invalider les arrangements fiscaux d'apple[reuters.com]
(Crédits : © Chance Chan / Reuters)

par Padraic Halpin et Foo Yun Chee

BRUXELLES (Reuters) - La Commission européenne rendra mardi une décision invalidant les arrangements fiscaux de l'Irlande avec Apple, rapportent des sources proches du dossier, l'une d'elles précisant qu'il sera ordonné à Dublin de récupérer plus d'un milliard d'euros d'arriérés d'impôts.

La commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, donnera à midi (10h00 GMT) une conférence de presse consacrée à un cas antitrust, ont fait savoir ses services sans autre précision. Elle devrait détailler son verdict et expliquer pourquoi cet arrangement qui encourageait le géant américain à domicilier une grande partie de ses revenus en Irlande est contraire à la législation européenne interdisant aux Etats d'accorder un traitement de faveur à certaines entreprises.

Cette décision devrait provoquer la colère de Washington qui a accusé Bruxelles de mener une campagne contre les grandes entreprises américaines qui réussissent en Europe.

L'exécutif européen avait accusé l'Irlande en 2014 de contourner le droit fiscal international en laissant le fabricant de l'iPhone domicilier sur son sol des dizaines de milliards de dollars imposables en échange d'un maintien de l'emploi à son centre de Cork. Apple et Dublin ont rejeté l'accusation et dit qu'ils se pourvoieraient en appel contre toute décision défavorable.

La source a précisé que la Commission recommanderait un certain montant d'arriérés d'impôts mais a ajouté qu'il reviendrait au fisc irlandais d'en déterminer la somme exacte.

Un arriéré d'un milliard d'euros dépasserait largement les 30 millions que la Commission avait ordonné de récupérer à la suite d'accords du même type entre les Pays-Bas et la chaîne de cafés Starbucks, ainsi qu'entre le Luxembourg et le constructeur italo-américain Fiat Chrysler. Les deux sociétés et les deux Etats ont fait appel de ces décisions.

PAS UN PROBLÈME INSURMONTABLE

Mais pour Apple, qui a annoncé l'an dernier le plus gros bénéfice trimestriel jamais réalisé par une entreprise, de 18 milliards de dollars (16 milliards d'euros), verser une telle somme à l'Etat irlandais ne serait pas un problème insurmontable.

A fin juin, le géant californien faisait état d'une trésorerie et de titres équivalents et négociables d'un total de 231,5 milliards de dollars, dont 92,8%, ou 214,9 milliards, dans les comptes de filiales étrangères. Le groupe a versé 2,67 milliards de dollars d'impôts au dernier trimestre en date, lui laissant un bénéfice net de 7,8 milliards, soit un taux d'imposition effectif de 25,5%, selon les données publiées par la société.

A l'ouverture de son enquête en 2014, la Commission avait dit au gouvernement irlandais que ces arrangements fiscaux conclus en 1991 et 2007 avec Apple s'apparentaient à une aide de l'Etat et pouvaient être contraires à la législation européenne, ajoutant que ces accords étaient motivés par des considérations ayant trait à l'emploi.

Apple emploie 5.500 personnes, soit le quart environ de ses effectifs européens, à Cork, dans le sud de l'Irlande, et le groupe a affirmé qu'il versait à ce pays un impôt de 12,5% sur la totalité des revenus qu'il y réalise.

L'Irlande pratique une politique de faible imposition pour les entreprises depuis 20 ans dans le but d'attirer des multinationales qui emploient près d'un salarié sur 10 dans le pays.

Certains députés de l'opposition irlandaise ont recommandé à l'Etat de recouvrer les sommes réclamées par la Commission mais le Fianna Fail, première formation de l'opposition sur lequel s'appuie le gouvernement minoritaire pour faire adopter des lois, a dit qu'il soutiendrait tout recours sur la base des engagements garantis par le gouvernement jusqu'à présent.

Dans un rapport publié la semaine dernière, le Trésor américain a exprimé son inquiétude face à la multiplication des enquêtes concernant les accords fiscaux avantageux conclus par certaines multinationales comme Apple ou McDonald's avec des Etats de l'Union, jugeant qu'elles rompent avec les règles fiscales internationales et risquent d'avoir un impact "disproportionné" sur les entreprises américaines.

La Commission européenne a rejeté ces critiques, affirmant qu'elle plaçait toutes les entreprises sur un pied d'égalité, quelle que soit leur nationalité.

(Avec Robin Emmott, Philip Blenkinsop, Robert-Jan Bartunek et Alastair Macdonald à Bruxelles, Eric Auchard à Francfort, Juliette Rouillon et Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Véronique Tison)