Washington juge la "crédibilité" russe en Syrie entamée

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Washington juge la credibilite de la russie en jeu en syrie[reuters.com]
(Crédits : Darren Ornitz)

par Yara Bayoumy

NEW YORK (Reuters) - L'opposition syrienne et des membres de la société civile ont accusé vendredi la Russie d'être complice des bombardements d'une rare intensité sur Alep et la Maison blanche estime désormais que la "crédibilité" de Moscou est en jeu.

De son côté, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, dont le pays soutient militairement le régime de Bachar al Assad depuis un an, a estimé qu'il était "temps de tirer les leçons du passé" pour éviter que "la Syrie ne bascule dans la catastrophe".

"En grande partie grâce à l'assistance militaire russe au gouvernement légitime syrien en réponse à la requête de ce dernier, il a été possible d'éviter l'effondrement de l'Etat et la dislocation du pays sous la pression de terroristes", a-t-il poursuivi à la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies.

Moscou, échaudée par l'exemple libyen où l'intervention occidentale sous mandat de l'Onu a joué un rôle dans le renversement de Mouammar Kadhafi en 2011 et le chaos qui s'en est suivi, redoute que la Syrie ne suive la même pente.

Aucune trêve n'aurait de sens sans séparation entre les forces insurgées dites modérées et les islamistes de l'ex-Front al Nosra, a poursuivi le chef de la diplomatie russe, qui s'est une nouvelle fois entretenu avec son homologue américain, John Kerry, et dit attendre toujours le signe que Washington a une influence sur les groupes de l'opposition armée.

Après l'échec des efforts de relance de la diplomatie constaté cette semaine à New York, où se tenait l'Assemblée générale annuelle des Nations unies, d'intenses bombardements aériens ont à nouveau visé vendredi les quartiers rebelles d'Alep, faisant plusieurs dizaines de morts quelques heures après l'annonce par l'armée syrienne d'une offensive pour reprendre la plus grande ville de Syrie.

D'après les témoignages d'habitants et de rebelles, ces frappes étaient sans précédent et les raids aériens ont été menés par des avions aux technologies de pointe ne pouvant appartenir qu'à la Russie.

"LES AMÉRICAINS TOURNENT EN ROND"

Pour Bassma Kodmani, représentante de l'opposition et membre du Haut Comité des négociations (HCN), les frappes sur Alep sont la conséquence directe de l'incapacité des Etats-Unis et de la Russie à réactiver l'accord de cessez-le-feu, entré en vigueur le 12 septembre mais qui a volé en éclats au début de la semaine.

"Nous pouvons seulement dire que le monde observe passivement la mort de la population syrienne à Alep et une nouvelle vague de réfugiés", a-t-elle dit à Reuters à New York.

Interrogée sur le rôle des Russes, elle a ajouté que "tout indique qu'ils cautionnent totalement cette attaque massive sur Alep et que non seulement ils la soutiennent, mais qu'ils y participent".

Faisant remarquer que Moscou était garant du respect du cessez-le-feu par les forces pro-gouvernementales syriennes, la Maison blanche a jugé pour sa part que la crédibilité de la Russie était en jeu.

"La Russie est coupable, et si cet accord a un quelconque avenir, la Russie va devoir être à la hauteur et le prouver", a dit le porte-parole de la présidence américaine, Josh Earnest.

Mais la responsabilité de l'administration américaine, qui a refusé à l'été 2013 de bombarder le régime alors que Damas avait franchi la ligne rouge tracée par Barack Obama en utilisant des armes chimiques, est également pointée du doigt dans l'échec patent de la diplomatie.

"Kerry et l'administration Obama tournent en rond", estime Moutasem Alsyofi, membre de la Syrian Civil Society Declaration Initiative, reçu vendredi avec d'autres représentants de la société civile syrienne par le secrétaire d'Etat américain.

"Ils parlent aux Russes, pensant que les Russes auront des solutions et pourront contribuer au cessez-le-feu. Il est clair que les Russes ne le feront pas."

(avec Lesley Wroughton, John Irish et Mark Trevelyan, Henri-Pierre André pour le service français)