Pour Twitter, la stratégie dépendra du futur acquéreur

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Twitter pourrait prendre differentes voies en fonction de son futur proprietaire[reuters.com]
(Crédits : Robert Galbraith)

par Liana B. Baker

SAN FRANCISCO (Reuters) - Alors que les spéculations s'accélèrent sur un possible rachat de Twitter, le réseau social, qui a longtemps peiné à définir sa stratégie, pourrait prendre différentes voies en fonction de l'identité de son futur propriétaire.

Des entreprises aussi diverses que le spécialiste des logiciels d'entreprise Salesforce.com, le géant des médias et du divertissement Walt Disney ou le numéro un de la recherche en ligne Google ont exprimé leur intérêt pour Twitter, qui étudie plusieurs options avec des banques d'investissement, a-t-on appris de sources proches du dossier.

On ignore pour l'instant combien de temps pourrait prendre le processus de cession mais Twitter cherche à le formaliser, ont précisé des sources.

L'aboutissement du processus n'est toutefois pas garanti, à la fois en raison de l'incertitude qui pèse sur les perspectives financières du groupe et de sa valorisation, qui dépasse encore 16 milliards de dollars (14,2 milliards d'euros).

Le directeur général de l'entreprise, Jack Dorsey, qui participait à une conférence à Washington lundi, s'est refusé à tout commentaire sur l'éventualité d'une vente.

UN OUTIL POUR LES ENTREPRISES AVEC SALESFORCE.COM ?

Salesforce.com est spécialisé dans les logiciels de gestion des ventes et du marketing sur le "cloud". A la différence de Twitter, ce sont les entreprises qui constituent sa principale cible et non le grand public. Si le réseau social passait sous son contrôle, il pourrait donc devenir un outil d'analyse au service des entreprises désireuses d'améliorer leurs relations avec leurs clients.

Salesforce explique qu'il utilise déjà le "gisement" des messages publiés sur Twitter pour sa plate-forme d'intelligence artificielle Einstein.

"Cela leur permettrait de disposer d'un schéma social et d'une image plus précise des liens entre les clients et les médias sociaux", explique Ryan Holmes, directeur général de Hootsuite, une société de conseil aux entreprises et aux particuliers dans l'usage des médias sociaux.

Mais une bonne partie des utilisateurs de Twitter, notamment les plus récents, ne sont pas "actifs", c'est-à-dire qu'ils ne publient pas de messages, ce qui pourrait limiter leur intérêt pour Salesforce.com.

Les investisseurs ne semblent d'ailleurs pas convaincus de l'intérêt éventuel pour Salesforce.com: la valeur boursière de ce dernier a baissé de 6% depuis les premières informations publiées la semaine dernière sur l'intérêt qu'on lui prête pour Twitter.

LE MARCHÉ PUBLICITAIRE AVEC GOOGLE ?

Pour Google et son modèle économique fondé sur la publicité, un rachat de Twitter semble plus facilement compréhensible: le géant des services internet pourrait proposer aux annonceurs une offre mêlant recherche, vidéos sur YouTube et Twitter, tout en comblant sa faiblesse persistante dans les médias sociaux.

"Google a déjà capté l'intérêt des publicitaires. Des ventes croisées avec Twitter pourraient représenter un atout formidable", estime Ryan Holmes.

Mais un projet de rachat pourrait susciter des réticences des autorités de la concurrence, estiment plusieurs analystes. En Europe, où la part de marché de Google dans la recherche en ligne est supérieure à celle qu'il détient aux Etats-Unis, le groupe est déjà visé par deux enquêtes antitrust.

"Google pourrait permettre à Twitter de résoudre son problème d'acquisition d'utilisateurs. Reste à savoir si les autorités de régulation aux Etats-Unis et dans l'Union européenne autoriseraient l'opération", dit Rich Greenfield, analyste de BTIG.

Facebook, qui cherche depuis longtemps à répliquer le modèle de Twitter sur son propre réseau, pourrait lui aussi se heurter aux autorités de la concurrence s'il tentait de le racheter, ajoute-t-il. Pour l'instant, Facebook n'a pas été cité parmi les acquéreurs potentiels mais sa puissance de feu financière et son penchant pour les annonces surprise font que son entrée en lice ne peut être totalement exclue.

LES MÉDIAS AVEC DISNEY ?

Quant à Disney, son intérêt pour Twitter s'explique aisément par l'incursion de Twitter dans la diffusion en direct de matches de la National Football League (NFL) et par son utilisation comme outil d'information, deux facteurs compatibles avec la stratégie de Disney, propriétaire entre autres de la chaîne sportive ESPN et du réseau de télévision ABC.

La présence de Twitter sur les terminaux mobiles est aussi un atout potentiel pour un groupe de médias, estime Rich Greenfield, pour qui aucun acteur du secteur ne dispose à ce jour d'un produit mobile assurant une couverture comparable à celle de Twitter.

"Le monde des médias est en train de basculer vers le mobile et ces nouvelles plates-formes sont l'avenir", résume l'analyste de BTIG.

Pour autant, le rachat de médias sociaux par des poids lourds du secteur n'a pas encore fait ses preuves. L'acquisition de MySpace par News Corp en 2005, par exemple, a tourné au désastre et certains observateurs se demandent si les médias et les personnalités qui utilisent aujourd'hui Twitter comme outil de diffusion continueraient de le faire si le réseau passait sous le contrôle d'un grand groupe.

(avec David Shepardson à Washington et Deborah Todd à San Francisco; Marc Angrand pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)