La Colombie s’interroge sur la reconversion des Farc

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Apres la paix, les farc doivent se reconvertir[reuters.com]
(Crédits : Jaime Saldarriaga)

par Julia Symmes Cobb et Nelson Bocanegra

EL DIAMANTE, Colombie (Reuters) - La paix signée, les anciens guérilleros des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) pourraient se reconvertir dans l'écotourisme, la fabrication de fromages ou la vente de viande bovine, mais sont peu diserts sur leurs projets.

L'accord mettant fin à un demi-siècle de guerre civile a été signé lundi par le président colombien Juan Manuel Santos et Timochenko, le chef des rebelles. Il doit être soumis à référendum dimanche. Les sondages donnent le "oui" largement gagnant.

Les anciens des Farc sont environ 7.000 à qui il va falloir devoir trouver un gagne-pain.

D'autant que de nombreux combattants sont peu éduqués et sont issus de familles pauvres et qu'il faudra leur proposer des emplois bien réels pour leur permettre de résister à l'appel des anciennes pratiques lucratives : trafic de drogue, enlèvements contre rançon, extorsions de fonds.

"Il faut que nous participions à l'économie", déclare le commandant des Farc Mauricio Jaramillo, rencontré dans un avant-poste de la jungle à El Diamante, dans le département de Caquetá, dans le sud de la Colombie.

"El Medico", comme Mauricio Jaramillo se fait aussi appeler, affirme que certains dirigeants d'entreprises ont pris contact avec les chefs rebelles pour les interroger sur leurs projets.

"Ils ont exprimé certaines idées; il y a des chefs d'entreprise qui veulent en être", dit-il sans plus de précisions.

Ce sont de profondes inégalités sociales et l'absence de perspectives d'avenir pour les Colombiens habitant les zones rurales qui sont à l'origine de la création des Farc, en 1964. Certains craignent que les rebelles déçus ne rejoignent des cartels de la drogue, faute d'alternative économique.

Le secrétariat des Farc, c'est-à-dire l'équipe de direction qui comprend sept personnes, n'est pas très encline à reconnaître l'existence de projets qui fonctionnent déjà, de crainte qu'ils ne soient saisis par le gouvernement pour indemniser les victimes, dit-on chez les rebelles.

Toujours est-il que dans les zones rurales, de vastes terres abandonnées pendant des décennies en raison de la guerre vont pouvoir être développées, y compris par les ex-Farc.

"COMME PERSONNE"

Les projets autorisés dans le cadre de l'accord de paix doivent en principe être financés grâce à une allocation de huit millions de pesos (2.500 euros environ) qui sera versée à chaque combattant démobilisé pour l'aider à démarrer. Ce pourra être une activité collective ou une affaire individuelle, ont précisé les Farc, la semaine dernière.

Reuters n'a pas eu l'autorisation de se rendre sur les lieux où se trouvent les projets démarrés dans le Caquetá ou dans les départements alentours. Les Farc disent pourtant qu'une laiterie et une plantation de haricots sont en fonctionnement.

Certains anciens combattants pensent à se reconvertir dans le tourisme, notamment dans les régions difficiles d'accès de la montagne et de la jungle, que les rebelles ont contrôlé pendant plusieurs décennies.

"On pourrait faire voir aux touristes où se trouvait le secrétariat pendant le processus de paix", suggère Sebastian Gomez, qui dirige une organisation communautaire qui veut s'allier avec les Farc dans l'écotourisme. "Les rebelles connaissent ces zones comme personne."

Selon les autorités colombiennes, les rebelles possèdent d'immenses étendues de terres qui ont de la valeur, ainsi que des élevages bovins, des magasins et des sociétés dans le secteur du bâtiment qui seraient un moyen pour les Farc de blanchir l'argent de la drogue et des enlèvements. Il n'y a toutefois eu que peu de confiscations de propriétés appartenant aux rebelles.

Certains estiment que les produits du trafic de drogue et de l'extorsion de fonds ont rapporté des milliards de dollars aux Farc. Les rebelles affirment, eux, que leur revenu est faible et qu'il sert surtout à assurer l'ordinaire des combattants.

Le président colombien a déclaré qu'il poursuivrait les Farc pour les fonds et les biens illicites dans le but de financer les dommages versés aux victimes de guerre.

Timochenko, qui est le nom de guerre de Rodrigo Londono, a déclaré la semaine dernière que les Farc et ses anciens combattants contribueraient à la croissance économique.

"Nous ne prendrons d'emplois à personne. Au contraire, nous allons développer des projets qui créeront des opportunités et donneront un coup de fouet à l'économie dans des zones où nous avons une présence", a déclaré Rodrigo Londono.

(Danielle Rouquié pour le service français)