Corbyn veut en finir avec la désunion du Labour britannique

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Jeremy corbyn veut reconstruire l'unite du labour britannique[reuters.com]
(Crédits : © Peter Nicholls / Reuters)

par Elizabeth Piper

LIVERPOOL, Angleterre (Reuters) - Triomphalement réélu par les adhérents mais toujours critiqué par l'aile centriste du Labour, Jeremy Corbyn prend la parole ce mercredi au congrès annuel de la principale formation de l'opposition britannique à Liverpool où, selon son porte-parole, il devrait s'employer à reconstruire l'unité du parti.

Mis en minorité cet été par les députés travaillistes, qui ont voté par 172 voix contre 40 une motion de défiance, Corbyn a remporté trois mois plus tard et pour la deuxième fois en un an le vote des militants, réunissant samedi 62% des voix contre 38% seulement pour son challenger, Owen Smith.

Charge à lui à présent de poser les bases d'une réunification du parti au moment où la Grande-Bretagne s'apprête à engager les négociations sur les modalités de sa sortie de l'Union européenne.

Selon son porte-parole, Corbyn devrait saisir l'occasion du congrès annuel pour appeler ses troupes à "mettre fin à la guerre de tranchées" et à resserrer les rangs face au gouvernement conservateur de Theresa May, qui a succédé à David Cameron au 10, Downing Street dans la foulée de la victoire du camp du Brexit au référendum du 23 juin.

Dans son discours, dont des extraits ont été diffusés auprès de la presse, le chef du Labour devrait exposer un nouveau programme axé autour de dix engagements, parmi lesquels le retour au plein emploi, un programme de nationalisations et la mise en place d'une société de l'égalité réelle.

"La tâche centrale du Parti travailliste dans son ensemble est de reconstruire la confiance pour remporter les prochaines élections législatives et former le prochain gouvernement", devrait-il dire.

May a indiqué qu'elle n'avait pas l'intention d'accélérer le calendrier électoral, et les prochaines législatives ne sont pas attendues avant 2020. Mais Corbyn fait le pari que les électeurs britanniques repasseront par les urnes plus tôt que prévu.

"Quoi que dise la Première ministre au sujet d'élections anticipées, il y a de fortes chances pour que Theresa May organise des élections anticipées", ajoute-t-il dans le texte de son discours. "Le Labour se prépare pour des élections législatives en 2017, nous attendons de chacun de nos membres qu'il soutienne cet effort et nous serons prêts le moment venu."

RÉINVESTIR LE DÉBAT SUR LES MODALITÉS DU BREXIT

La tâche du patron du Labour s'annonce cependant ardu, tant les différences sont fortes au sein de son parti.

Nouvelle étoile montante de la gauche britannique, le nouveau maire de Londres, Sadiq Khan, a jugé cet été que Corbyn était incapable de conduire le parti à la victoire.

L'aile centriste du Parti travailliste redoute notamment qu'il entraîne le parti trop loin sur sa gauche, à l'opposé du New Labour théorisé par Tony Blair et Gordon Brown, au pouvoir sans discontinuer de 1997 à 2010, et le condamne ainsi à une longue cure d'opposition.

Un récent sondage ComRes indiquait que 16% seulement des Britanniques interrogés estiment le Labour à même de remporter les prochaines élections. Ils sont 65% à penser que la victoire reviendra aux Tories de Theresa May.

Les mêmes lui reprochent aussi d'avoir déserté le débat national sur les modalités du Brexit, un thème qui ne figure même pas au programme officiel du congrès de Liverpool.

"Nous devons être les champions d'un Brexit équitable", devrait dire Andy Burnham, chargé des questions de politique intérieure au sein du "shadow cabinet" (gouvernement fantôme).

"Tandis que nous nous refermions sur nous-mêmes, les conservateurs ont pris des libertés et intriguent en faveur d'un Brexit radical, d'un Brexit de droite qui couperait tous les ponts de la Grande-Bretagne", devrait-il poursuivre.

Le danger, disent-ils, est de laisser les conservateurs diriger la manoeuvre sans opposition.

"Nous devons nous insérer dans ce débat, sinon, il risque de tourner au débat interne entre conservateurs où les partisans du 'leave means leave' et d'autres, qui sont des eurosceptiques, déporteront Theresa May vers sa droite", a déclaré Seema Malhotra, ancienne porte-parole du Labour pour les questions financières et budgétaires.

Les partisans de Corbyn répliquent qu'il a fallu d'abord gérer la crise de leadership. Le vote des militants a apporté une réponse incontestable, poursuivent-ils, et le dirigeant travailliste a désormais la légitimité nécessaire pour s'engager dans le débat sur le Brexit.

Ses adversaires, eux, redoutent que cela ne soit pas sa priorité et s'en réfèrent à la campagne référendaire du printemps dernier. Alors que la position officielle du Labour était le maintien du Royaume-Uni dans l'UE, Corbyn, qui n'a jamais caché ses doutes sur la politique européenne, a conduit une campagne minimaliste.

(avec Kylie MacLellan et William James à Londres; Henri-Pierre André pour le service français)