par Krisztina Than
BUDAPEST (Reuters) - Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, tente de dramatiser le débat sur la question des migrants afin de convaincre ses compatriotes de se rendre en nombre aux urnes dimanche lors d'un référendum qui devrait se traduire par un rejet des quotas de réfugiés proposés par la Commission européenne.
Le résultat de cette consultation référendaire ne fait guère de doute, près de 80% de l'opinion publique en Hongrie se prononçant contre la relocalisation des demandeurs d'asile dans le pays, selon différents sondages.
La seule incertitude concerne le taux de participation qui doit, selon la Constitution hongroise, dépasser les 50% afin que le résultat soit valide. En dessous de ce seuil, le scrutin n'aurait aucune valeur.
Cette disposition inquiète le Premier ministre populiste, car traditionnellement les référendums mobilisent beaucoup moins les électeurs que les législatives, considérées comme le rendez-vous majeur de la vie politique hongroise.
Pour pallier cette incertitude, Viktor Orban joue sur la peur de ses concitoyens et reprend le thème de la sécurité intérieure, affirmant que "plus il y aura de migrants, plus grand sera le risque du terrorisme".
"Nous voulons que la Hongrie demeure un pays sûr tel qu'il est maintenant", a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision TV2 jeudi soir. "S'il y a plus de 'non' que de 'oui' (aux quotas de réfugiés), cela signifiera que les Hongrois refusent la règle que les bureaucrates de la Commission européenne entendent nous imposer", a-t-il poursuivi.
Un rejet massif du plan de la Commission prévoyant une répartition proportionnelle des réfugiés dans les Etats membres de l'UE permettrait à Viktor Orban d'apparaître en position de force face aux demandes de Bruxelles. Le Premier ministre s'est dit prêt à entamer des négociations dès la semaine prochaine.
CAMPAGNE D'AFFICHAGE
Au cours des deux derniers mois, le gouvernement hongrois a multiplié les affichages dans l'ensemble du pays afin de délivrer le message qu'il existait un lien direct entre immigration et insécurité. "Le saviez-vous ? Depuis le début de la crise migratoire, le nombre de cas de harcèlement contre les femmes s'est envolé en Europe", affirme un slogan de campagne.
Cette communication semble marquer les esprits des Hongrois, comme celui de ce professeur de chimie à la retraite de Budapest selon lequel "les migrants ne savent pas comment se comporter, ils volent, ils violent des femmes, ils portent des armes, ils organisent et commettent des actes terroristes".
Le ton et les arguments utilisés par Viktor Orban inquiètent les Européens qui, pour l'instant, y voient une affaire interne à la Hongrie mais redoutent que cela ne consolide la position du dirigeant hongrois. "Ce qui ne serait pas une bonne nouvelle pour l'UE", précise un diplomate.
Observateurs et associations de défense des droits expliquent que Viktor Orban axe son discours sur l'immigration afin de cimenter un soutien populaire à son parti, le Fidesz, et préparer dans les meilleures conditions les élections générales de 2018.
Face à la rhétorique gouvernementale, les opposants au référendum peinent à faire entendre leurs voix, à l'exception de quelques initiatives restreintes comme celle du Parti du chien à deux queues (Two-Tailed Dog Party), formation parodique connue pour ses affichages de rue et ses peintures murales. Leur influence devrait être résiduelle.
(Pierre Sérisier pour le service français)