Les Camerounais entre deuil et colère après le déraillement

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Le  cameroun en deuil apres un accident ferroviaire[reuters.com]
(Crédits : Stringer)

YAOUNDE/ESEKA (Reuters) - Le Cameroun a observé une journée de deuil, lundi, à la mémoire des victimes de l'accident ferroviaire qui a fait au moins 75 morts vendredi et a laissé transparaître un large mécontentement envers le président Paul Biya.

A la gare d'Eseka, près de l'endroit où un train bondé de voyageurs a déraillé alors qu'il circulait entre la capitale Yaoundé et la ville portuaire de Douala, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées lundi en signe de deuil.

Nombre d'entre eux étaient vêtus de noir et portaient des rameaux de "l'arbre de la paix", associé à la peine durant les services oecuméniques, où la foule a repris des chants religieux.

Le bilan officiel des morts risque de s'alourdir encore, un nombre indéterminé de corps qui n'ont pas été identifiés se trouvant toujours dans une morgue de Yaoundé, selon la télévision nationale.

Le travail d'identification est compliqué par le fait qu'il n'existait pas de liste des voyageurs, car nombre d'entre eux n'avaient pas de billets.

"Je ne peux toujours pas retrouver mon frère, qui était à bord de ce train", a dit Arouna, à Yaoundé. "Personne n'a pu m'aider, depuis vendredi", a-t-il ajouté.

A Eseka, certains habitants ont confié avoir vu un nombre de corps bien plus grand que celui annoncé officiellement, une information qui n'a pu être vérifiée de source indépendante.

Six cents personnes environ sont toujours soignées pour des blessures et les autorités ont lancé des appels urgents à des dons de sang pour ceux qui nécessitent une transfusion.

EXASPÉRATION

Dans les rues de Yaoundé, nombreux étaient ceux qui critiquaient ouvertement la réaction du gouvernement du président Paul Biya à la tragédie, laquelle, d'après eux, aurait pu être évitée.

Un train assuré par la même compagnie avait déraillé en 2009 près de Yaoundé, faisant cinq morts et plus de 200 blessés, selon le bilan officiel.

"De nombreuses personnes sont mortes parce qu'elles n'ont pas reçu au bon moment l'assistance qui aurait pu les sauver", a estimé Baudelaire Kemajou, un rescapé de la catastrophe, qui a perdu plusieurs amis dans l'accident et a dû attendre de l'aide pendant quatre heures. Une agence de voyages camerounaise a dépêché des véhicules pour évacuer des blessés, avant que l'aide des autorités n'arrive, ont rapporté des témoins.

Le président Biya, qui est au pouvoir depuis 1982, est rentré au Cameroun dimanche après-midi, après une absence de 35 jours durant lesquels il s'est rendu à l'Assemblée générale des Nations unies, à New York, et a effectué un séjour privé en Europe, selon son site internet.

Si Paul Biya est souvent absent pour de longues périodes, certains, sans cacher leur colère, ont estimé qu'il aurait pu rentrer plus tôt au pays pour gérer la crise.

"Les Camerounais sont exaspérés par ses démonstrations répétées d'indifférence durant les tragédies qu'a connues le pays ces 34 dernières années", a déclaré un député de l'opposition, Jean-Michel Nintcheu, du Front social-démocrate.

(Sylvain Andzongo et Joël Kouam; Eric Faye pour le service français)