L'opération à Kirkouk augure d'une féroce bataille à Mossoul

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L'operation sur kirkouk presage une bataille acharnee a moussoul[reuters.com]
(Crédits : Ako Rasheed)

par Babak Dehghanpisheh et Michael Georgy

KIRKOUK, Irak (Reuters) - L'ampleur de l'opération menée par le groupe Etat islamique à Kirkouk, la plus importante lancée par les djihadistes pour faire diversion, montre à quel point la bataille pour le contrôle de Mossoul pourrait être longue et acharnée, et souligne l'aptitude de l'EI à faire échec à la sécurité en Irak, même si son bastion du Nord venait à tomber.

Les comptes rendus recueillis par Reuters auprès d'habitants, de policiers, de responsables de la sécurité et des services de renseignement laissent penser que l'opération de vendredi dernier a été menée par des djihadistes qui avaient un haut degré d'entraînement et qu'elle avait été bien préparée. Plus inquiétant encore pour le gouvernement de Bagdad, cette attaque a bénéficié de complicités à l'intérieur même de Kirkouk.

"Ce qui est surprenant, c'est qu'elle ait été menée si facilement", a déclaré Ranj Talabani, haut responsable des services de renseignement du Kurdistan irakien.

Une centaine de djihadistes se sont introduits dans Kirkouk, ville tenue par les Kurdes irakiens, aux premières heures de vendredi, avec des armes automatiques, des lance-grenades RPG et des ceintures d'explosifs. "L'Etat islamique a pris le contrôle des lieux", ont-ils claironné via les haut-parleurs de plusieurs mosquées, tandis qu'ils se livraient à des tueries.

Au terme de leur opération, on a dénombré 99 civils et membres des forces de sécurité tués et les djihadistes ont laissé sur le terrain 63 des leurs, selon des responsables des services de sécurité irakiens.

Tout comme les attentats de Paris et Saint-Denis le 13 novembre dernier, cette opération semble avoir eu pour but de semer le chaos et la peur plutôt que de conquérir un territoire.

Kirkouk, à une centaine de kilomètres au sud-est de Mossoul, s'étend près de gisements pétroliers qui recèlent la majeure partie des importantes réserves d'or noir de l'Irak.

"CELLULES DORMANTES"

La ville est par ailleurs près de la région semi-autonome kurde et est sous le contrôle des forces kurdes depuis la retraite de l'armée irakienne face à l'avancée-éclair des djihadistes à la mi-2014.

Les djihadistes qui ont pris part à l'opération semblaient bien entraînés aux combats de rue, signe que la bataille de Mossoul, deuxième ville d'Irak, pourrait être interminable et particulièrement meurtrière, selon des responsables irakiens de la sécurité.

"Ce sont les combattants les plus professionnels que j'ai vus depuis 2003", année ou l'administration Bush a décidé d'entrer en guerre contre le président irakien de l'époque Saddam Hussein, a déclaré Halo Najat Hamza, directeur d'Asayesh, l'un des services de sécurité et de renseignement des Kurdes.

L'opération est loin d'avoir été improvisée : sur une vidéo retrouvée dans un smartphone sur le corps d'un djihadiste, on peut voir une série d'objectifs qui avaient été filmés dans la ville avant l'attaque.

"Cela a nécessité beaucoup de préparation", a déclaré l'ancien ministre irakien des Finances et de l'Intérieur Hochiyar Zebari, qui est kurde.

Les responsables de la sécurité, soucieux d'empêcher qu'une telle opération ne se reproduise, sont avant tout préoccupés par le niveau de soutien dont a bénéficié l'EI à l'intérieur de la ville.

"Il y a des cellules dormantes qui ont coopéré avec eux", a estimé le directeur d'Asayesh, dont les bâtiments ont été la cible des djihadistes vendredi. "Ils (les membres des cellules dormantes) nourrissent une vive animosité envers les Kurdes, les chiites, et envers le gouvernement central", a-t-il ajouté.

(Eric Faye pour le service français)