May opte pour une troisième piste à l'aéroport d'Heathrow

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May souhaite la construction d'une 3e piste a heathrow[reuters.com]
(Crédits : Eddie Keogh)

par Kylie MacLellan et Sarah Young

LONDRES (Reuters) - Le feu vert à la construction d'une nouvelle piste sur l'aéroport d'Heathrow, près de Londres, a été donné mardi par les pouvoirs publics, un projet estimé à près de 20 milliards d'euros qui ne fait pas l'unanimité au sein du gouvernement.

La décision de la Première ministre Theresa May, qui intervient au moment où le Royaume-Uni s'apprête à entamer les négociations sur sa sortie de l'Union européenne, a aussitôt été contestée par son ministre des Affaires étrangères, l'eurosceptique Boris Johnson, qui a dit craindre qu'une quatrième piste ne soit ensuite demandée.

Heathrow, aéroport le plus fréquenté d'Europe, situé à l'ouest de Londres, était en compétition avec Gatwick, au sud de la métropole, mais aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis un quart de siècle n'avait tranché entre les différentes options face aux protestations des riverains et des défenseurs de l'environnement.

"Après des décennies de retard, nous montrons que nous prenons les grandes décisions quand ce sont les bonnes décisions pour la Grande-Bretagne", a déclaré Theresa May au quotidien londonien Evening Standard.

"Il s'agit à l'évidence d'une décision importante pour ce pays, mais c'est aussi le signe le plus clair depuis le référendum montrant que ce pays est très clairement ouvert aux affaires", a renchéri le ministre des Transports, Chris Grayling en précisant qu'une consultation publique se déroulerait "en temps opportun".

Le ministre des Affaires étrangères et ancien maire de Londres Boris Johnson, opposant résolu au projet, s'est vu autorisé à exprimer publiquement son désaccord.

"Construire une troisième piste tape directement au milieu des banlieues ouest de la plus grande ville sur Terre et n'est pas la chose à faire", a déclaré Boris Johnson.

"Ce qui m'inquiète est qu'au bout du compte, si une troisième piste devait être construite - et je ne pense pas qu'elle le sera - mais supposez qu'elle le soit, alors il y aurait une clameur écrasante pour construire un quatrième piste aussitôt qu'elle (la troisième) sera achevée et alors, à quoi ressemblerait Londres?", s'est interrogé le secrétaire au Foreign Office.

"Vous auriez New York, un ville de beaux gratte-ciel, Paris, la ville-lumière et Londres, la ville des avions. Est-ce vraiment ce que nous voulons pour notre capitale fantastique ?"

MAUVAISE DÉCISION, DIT LE MAIRE DE LONDRES

Boris Johnson, dont la circonscription est proche d'Heathrow, ne faisait pas partie du comité ministériel appelé à trancher mardi.

Son successeur à la mairie de la capitale, le travailliste Sadiq Khan, a également critiqué mardi la décision de Theresa May, parlant de mauvaise décision pour Londres et pour la Grande-Bretagne.

Estimé à 18 milliards de livres (20,2 milliards d'euros), le chantier de la troisième piste d'Heathrow s'annonce comme l'un des plus grands projets d'infrastructures d'Europe. Mais avant que la construction puisse débuter, le dossier devrait faire l'objet de plusieurs recours administratifs et juridiques et être soumis aux députés, d'ici un an environ. La nouvelle piste ne devrait donc être opérationnelle qu'en 2025 au plus tôt.

La décision prise par Theresa May est l'une des plus marquantes depuis son entrée en fonctions en juillet et elle risque de créer des tensions au sein de son gouvernement, dont plusieurs membres importants s'opposaient à l'expansion d'Heathrow, situé dans l'une des zones les plus densément peuplées de la région londonienne.

Le ministère des Transports a précisé qu'il allait proposer la mise en oeuvre de règles contraignantes en matière de nuisances sonores, censées apaiser les craintes des riverains de l'aéroport.

Heathrow pourrait perdre d'ici 2020 son titre de premier aéroport d'Europe au profit de celui de Paris-Charles de Gaulle, qui compte quatre pistes. Les deux pistes existantes de l'aéroport londonien limitent ses capacités à 480.000 vols par an, contre plus de 600.000 pour certains aéroports européens concurrents.

Selon une étude réalisée par une commission indépendante, une nouvelle piste à Heathrow permettrait la création de 70.000 emplois nouveaux d'ici 2050 et augmenterait la croissance du produit intérieur brut (PIB) de 0,65 à 0,75 point sur la même période, ce qui représenterait une contribution économique de 147 milliards de livres (165 milliards d'euros) sur 60 ans.

Le capital de l'aéroport est détenu entre autres par les groupes privés Ferrovial, Qatar Holding, China Investment Corp. Son expansion sera financée par le secteur privé et non par l'Etat britannique.

(Avec William James et Esthelle Shirbon, Marc Angrand et Danielle Rouquié pour le service français)