Le chef de l'opposition kényane refuse de s'avouer battu

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Kenya: odinga appelle a cesser le travail[reuters.com]
(Crédits : Baz Ratner)

par Katharine Houreld et Ed Cropley

NAIROBI (Reuters) - Le chef de file de l'opposition kényane, Raila Odinga, a appelé dimanche ses partisans à la grève générale lundi et accusé le parti au pouvoir de faire "couler le sang d'innocents", faisant la sourde oreille aux appels à reconnaître sa défaite à l'élection présidentielle.

Au moins 24 personnes - plus d'une centaine selon les opposants - sont mortes dans les violences post-électorales depuis le scrutin de mardi, dont onze après la proclamation tard vendredi soir de la victoire du président sortant Uhuru Kenyatta.

"Le (parti du) Jubilee a fait couler le sang de personnes innocentes. Demain, nous ne travaillerons pas", a déclaré Raila Odinga, 72 ans, devant environ 4.000 de ses partisans réunis dans le bidonville de Kibera, à Nairobi.

Le sénateur James Orengo, un de ses principaux soutiens, a annoncé que l'opposition organiserait des manifestations lundi. "Quand on vous appelle à l'action, à l'action pacifique, ne restez pas chez vous", a-t-il déclaré.

Le rassemblement à Kibera était la première apparition publique d'Odinga depuis jeudi et le chef de file de l'opposition, lui-même ancien prisonnier politique, a clairement indiqué à cette occasion qu'il n'était pas prêt à reconnaître sa défaite électorale.

Après Kibera, il s'est rendu à Mathare, un autre bidonville de Nairobi, pour rendre visite à la famille d'une fillette de huit ans tuée par une balle perdue lors d'une intervention de la police, selon un témoin. La police a confirmé son décès et a dit mener une enquête.

Au départ de l'opposant, des policiers ont tiré des grenades lacrymogènes pour disperser ses partisans, dont certains étaient grimpés sur les toits ou dans des arbres pour l'apercevoir.

MACRON FÉLICITE KENYATTA

La journée de dimanche s'est néanmoins globalement déroulée dans le calme alors que les Kényans redoutent une répétition des violences interethniques de 2007 qui avaient fait plus de 1.200 morts et 600.000 déplacés après le refus d'Odinga de reconnaître sa défaite à la présidentielle face au prédécesseur d'Uhuru Kenyatta, Mwai Kibaki.

Comme en 2007 et 2013, les partisans d'Odinga, membre de l'ethnie Luo, ont le sentiment de s'être fait voler l'élection par les Kikuyu, l'ethnie qui a fourni trois des quatre chefs de l'Etat depuis l'indépendance en 1963, dont Uhuru Kenyatta.

"On en a marre de ces gens qui nous volent le pays. Il faut couper le pays en deux", a réagi David Orwa, issu de l'ethnie Luo majoritaire dans la région de Kisumu, dans l'ouest du Kenya.

Si l'opposition a multiplié depuis mercredi les accusations de fraude, sans fournir de preuve convaincante, diplomates et dirigeants de la région font en revanche front commun pour demander à Odinga de reconnaître sa défaite.

La mission d'observation de l'Union européenne et un groupe d'observateurs indépendants ont ainsi validé le scrutin, en grande partie électronique, et la représentante de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a félicité dimanche le président Kenyatta pour sa réélection.

Le président français Emmanuel Macron a fait de même, dans un communiqué de l'Elysée qui salue "l'engagement civique exemplaire" du Kenya, tout comme plusieurs chefs d'Etat d'Afrique de l'Est, dont le président rwandais Paul Kagamé et ses homologues tanzanien et ougandais.

Un diplomate occidental en poste à Nairobi a pour sa part exclu un accord de partage du pouvoir comme cela avait été le cas après les violences de 2007. "Si vous avez des preuves que l'élection a été truquée, fournissez-les", a-t-il lancé à l'intention de l'opposition.

(Avec Maggie Fick à Kisumu et George Obulutsa à Nairobi; Tangi Salaün pour le service français)