Une mobilisation trop faible pour faire reculer Macron, estiment des experts

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(Crédits : Jean-Paul Pelissier)

par Caroline Pailliez

PARIS (Reuters) - Une "marée basse": la mobilisation contre la réforme du Code du travail organisée mardi à l'appel de la CGT n'est pas parvenue à mobiliser suffisamment de salariés et aura peu d'impact sur le gouvernement, estiment des experts du dialogue social.

Les défilés, premier grand mouvement social du quinquennat d'Emmanuel Macron, ont rassemblé 223.000 personnes sur l'ensemble du territoire français, selon le ministère de l'Intérieur, et près de 500.000 selon la CGT.

"On est dans les niveaux bas pour les mobilisations de ce type", a dit mercredi à Reuters Guy Groux, directeur de recherches associé au Cevipof de Sciences Po. "Si l'on compare à des mouvements comme ceux de 1995, 2006 ou encore 2010, qui rassemblaient un million de personnes, c'est plutôt marée basse".

A titre de comparaison, au plus fort des manifestations contre la loi Travail, dite El Khomri, au printemps 2016, le ministère de l'Intérieur avait dénombré près de 400.000 personnes dans les rues.

Pour Jean Grosset, directeur de l'Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean Jaurès et ancien secrétaire général adjoint du syndicat UNSA, la manifestation n'aura pas l'impact escompté par ses organisateurs.

"La manifestation a été avant tout à caractère militant", a-t-il dit à Reuters. "Vous n'avez pas là-dessus une émotion pour l'instant des salariés qui les fait rejoindre les cortèges des syndicats."

UNE ÉTAPE D'UN PROCESSUS

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, s'est dit satisfait, mardi soir, de la mobilisation, qui était soutenue par la FSU, Solidaires, le syndicat étudiant Unef et a été rejoint par plus de la moitié des unions syndicales et fédérations de Force ouvrière, malgré l'avis défavorable de leur secrétaire général, Jean-Claude Mailly.

Le numéro un de la CGT considère que cette journée n'est qu'une étape d'un processus pour amener le gouvernement à renoncer à une réforme qui, selon lui, détricote le droit du Travail.

La centrale a déjà appelé à une nouvelle journée d'action le 21 septembre, la veille de la présentation des ordonnances au conseil des ministres.

Mais si le gouvernement s'est dit "attentif" à la contestation, il ne reviendra pas sur des mesures validées démocratiquement par le Parlement, a déclaré mercredi le Premier ministre, Edouard Philippe, rassuré par la mobilisation en demi-teinte de mardi.

"On ne va pas reculer", a dit la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, sur BFMTV. "Reculer par rapport à quoi? Par rapport à la concertation qu'on a faite, par rapport au mandat que le Parlement nous a donné? Non."

Pour Raymond Soubie, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy et grand spécialiste du mouvement syndical, la CGT ne fait que bâtir son image de syndicat "au plus près de la défense des salariés".

MANIFESTATION "DE PRINCIPE"

"Son objectif n'était pas de faire revenir le gouvernement sur les ordonnances", dit-il, jugeant que le sort en est déjà jeté. "C'est plus une manifestation de principe pour montrer son hostilité et surtout pour prendre date par rapport à une éventuelle montée des mécontentements dans les mois à venir."

Selon lui, la réforme du Code du travail, un thème complexe, n'est pas aussi "inflammable" que les réformes de l'assurance chômage et ou des retraites prévues pour le printemps prochain.

Emmanuel Macron souhaite unifier le système des retraites et mettre fin aux régimes spéciaux. "Des corporations vont se sentir attaquées et vont se défendre dans des secteurs sensibles comme l'énergie et les transports", dit Raymond Soubie, laissant présager un printemps 2018 explosif.

Les directions de la CFDT, de FO, de la CFTC et de la CFE-CGC ont refusé de prendre part aux actions de la CGT pour conserver leurs forces pour les prochaines concertations.

Le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, qui avait soutenu la CGT lors des manifestations contre la loi Travail, a par ailleurs essuyé de vives critiques de la part de certaines de ses unions départementales pour la position qu'il a adoptée.

Selon les spécialistes des questions sociales, le numéro un de FO, qui doit quitter ses fonctions en avril prochain, souhaite sortir en laissant à l'organisation une image "moderne".

"Aujourd'hui il y a des débats au sein de FO, mais certains pensent que lorsqu'elle est associée à la CGT, elle est complètement occultée", explique Guy Groux. "L'été 2017 est très intéressant parce que, alors que FO est toujours marginalisé dans le face-à-face entre CFDT et CGT, là, elle a occupé le coeur des débats."

(Avec Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)