ATR estime que le protectionnisme chinois freine ses ambitions

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(Crédits : Tim Chong)

par Cyril Altmeyer et Tim Hepher

PARIS (Reuters) - Le président exécutif d'ATR a regretté mercredi que le protectionnisme chinois freine son essor dans un marché qu'il évalue à au moins 300 turbopropulseurs sur la décennie à venir.

La coentreprise à parité entre Airbus et Leonardo, qui produit 80 avions par an, ne parvient toujours pas à obtenir la certification de l'ATR 72-600 en Chine, pourtant très peu différent du modèle précédent, l'ATR 72-500 déjà en exploitation dans le pays.

"Cela s'appelle du protectionnisme, nous sommes aujourd'hui otages de négociations (...) pour la reconnaissance bilatérale de certification de l'avion", a estimé Christian Scherer lors d'une rencontre avec l'Association des journalistes professionnels de l'aéronautique et de l'espace (AJPAE).

Pékin renâcle à certifier l'ATR afin de faire pression sur la Commission européenne pour qu'elle certifie ses propres avions, a-t-il expliqué.

ATR, qui construit des avions de 50 à 90 places, a déjà signé deux lettres d'intention en Chine, l'une avec un investisseur purement privé, l'autre avec un tandem constitué d'un groupe de transport et la municipalité d'une grande ville du pays, se positionnant dans un marché encore assez fermé.

"En l'espace de six mois, nous avons replanté le drapeau ATR dans les trois plus gros marchés aéronautiques au monde aujourd'hui, où nous étions absents : l'Inde, la Chine et les Etats-Unis", s'est félicité Christian Scherer, qui a pris les rênes du groupe en novembre 2016.

IndiGo, la première compagnie indienne, a ainsi commandé en mai 50 ATR 72-600 pour plus de 1,3 milliard de dollars (1,1 milliard d'euros) aux prix catalogue.

Aux Etats-Unis, ATR compte sur l'arrivée en fin de vie de vieux turbopropulseurs du suédois Saab et du brésilien Embraer, sur la réouverture de lignes régionales exploitées par des jets plus gourmands en carburant, ainsi que sur l'essor du fret aérien intérieur.

ATR, qui totalise environ un millier d'avions en exploitation dans le monde, cherche désormais à soutenir le marché de l'occasion pour attirer des financements pour des achats d'avions neufs, a précisé Christian Scherer.

Il a dit vouloir rompre avec une pratique passée consistant à trop vendre d'ATR à des sociétés de leasing qui peinent ensuite à les écouler, entraînant une forte accumulation des stocks d'avions et, par ricochet, une baisse des prix des avions neufs faute de demande suffisante.

"Il appartient à l'avionneur intelligent de favoriser la liquidité des produits", a expliqué Christian Scherer, disant avoir créé un service de soutien commercial et financier aux loueurs pour les aider à revendre leurs avions d'occasion et maintenir ainsi la valeur résiduelle des avions neufs d'ATR.

BULLE SPÉCULATIVE

Le patron d'ATR a dit ainsi mener des actions commerciales combinées avec deux ou trois grands loueurs, comme la compagnie régionale Silver Airways, qui va réceptionner 20 ATR 42 financés par Nordic Aviation Capital (NAC), pour ses vols vers la Floride et les Bahamas.

"Il y a eu une légère bulle spéculative sur les avions loués, ce qui fait qu'à un moment on ambitionnait un peu plus que 80" avions produits par an, a estimé Christian Scherer, faisant référence au rythme annuel de croisière fixé à plus de 100 livraisons par ses prédécesseurs.

"Notre ambition est une stabilisation (...) indépendamment du dollar et du pétrole", a-t-il ajouté, abandonnant aussi l'argument passé selon lequel ATR ne devait son salut qu'au prix élevé du baril pour ramener les acheteurs vers les turbopropulseurs, moins gourmands en carburant que les jets.

Dans le même esprit, Christian Scherer s'est refusé à continuer à se focaliser sur un objectif de ventes ambitieux, se disant satisfait du retour du "book-to-bill" (ratio commandes/ventes) au-dessus de 1.

Issu d'Airbus, il s'est montré beaucoup moins catégorique sur la nécessité d'un tout nouvel ATR à plus de 90 places, disant qu'il ne s'agit qu'une option parmi les trois à l'étude, les deux autres étant une version remotorisée de l'ATR 72, qui assure 90% des livraisons du groupe, et le choix d'une "technologie de rupture".

Ce qui paraît certain en revanche, c'est que le lancement d'un nouveau programme nécessiterait de sortir ATR du "carcan" de sa structure juridique actuelle pour la transformer en société anonyme", suivant ainsi la logique suivie par Tom Enders à la tête d'Airbus.

Christian Scherer a dit étudier "les tenants et les aboutissants d'une transformation d'ATR" avec l'accord des actionnaires et principaux fournisseurs d'ATR, Airbus et Leonardo.

Le patron de la fédération italienne des industries de la défense avait dit à Reuters en juin que l'italien ne comptait pas réduire sa participation dans le missilier européen MBDA, dont il est actionnaire aux côtés d'Airbus et du britannique BAE Systems.

Leonardo s'était par le passé montré intéressé par une montée au capital d'ATR, tandis qu'on a prêté à Airbus un intérêt pour la participation de l'italien dans MBDA.

(Cyril Altmeyer, édité par Jean-Michel Bélot)