Macron propose à Merkel et ses partenaires de refonder l'Europe

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Macron propose de refonder l'europe[reuters.com]
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par Jean-Baptiste Vey et Marine Pennetier

PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron a proposé mardi aux Européens d'approfondir leur intégration dans tous les domaines et de travailler à une refondation de l'Europe d'ici 2024, deux jours après les législatives allemandes dont l'issue menace ses ambitions.

"N'ayons pas peur, avançons!", a-t-il déclaré en estimant qu'une accélération était nécessaire face à la mondialisation.

Le président français a proposé la création d'un "groupe de la refondation européenne" pour définir d'ici l'été 2018 des propositions, dont il a fixé l'horizon à 2024, et dont la campagne des élections européennes de 2019 pourrait s'emparer.

Il a parallèlement invité l'Allemagne à signer un nouveau traité franco-allemand de coopération le 22 janvier prochain.

Cette future Europe "repensée et simplifiée" s'ouvrirait aux pays des Balkans et "s'il le souhaite" au Royaume-Uni, a-t-il dit devant des étudiants à la Sorbonne lors d'une intervention de plus de deux heures et demie qui a abordé tous les domaines de l'intégration européenne.

Emmanuel Macron, qui a confirmé son souhait de créer un budget de la zone euro, veut mettre fin aux doutes liés aux crises financière, économique et migratoire et à une ambiance au sein de l'Union qu'il a qualifiée de "guerre civile".

"Les passions tristes de l'Europe sont bien là (...) elles peuvent demain l'emporter", a-t-il dit, en assurant que "la seule voie qui assure notre avenir (...) c'est la refondation d'une Europe souveraine, unie et démocratique".

Emmanuel Macron avait dit vouloir bâtir une feuille de route de réformes commune avec l'Allemagne et les partenaires qui le veulent. Mais la coalition qui se dessine en Allemagne avec les libéraux du FDP va rendre les futures négociations compliquées.

BATTERIE DE PROPOSITIONS

Félicitant Angela Merkel, qui sera chancelière pour la quatrième fois consécutive, il lui a dit mardi sa confiance.

"Je sais que, comme à chaque fois que son pays a été face à des défis historiques, elle aura la même réaction : l'audace et le sens de l'Histoire, c'est cela que je lui propose."

Pour préfigurer l'accélération de l'intégration européenne, il a proposé de commencer avec l'Allemagne : "pourquoi ne pas se donner l'objectif, d'ici 2024, d'intégrer totalement nos marchés en appliquant les mêmes règles à nos entreprises, du droit des affaires au droit des faillites ?", a-t-il dit.

Sur l'approfondissement de la zone euro, un des points les plus difficiles des discussions avec l'Allemagne, il a déclaré : "je n'ai pas de ligne rouge, je n'ai que des horizons".

Emmanuel Macron semblait ainsi répondre au président du FDP, qui a qualifié de "lignes rouges" le budget de la zone euro ou l'union bancaire complétée que prône le président français.

Précédant les réticences exprimées ces dernières semaines en Allemagne, il a assuré que son idée n'était "pas de mutualiser nos dettes du passé" ou "de régler les problèmes de finances publiques d'un Etat ou de l'autre".

"Nous avons besoin de convergence et de stabilité, par des réformes nationales, mais aussi par une coordination de nos politiques économiques et d'un budget commun", a-t-il dit. "Nous avons besoin de davantage d'investissements. Il nous faut des moyens de stabilisation face aux chocs économiques."

Le président a égrené ses propositions d'approfondissement des relations européennes, en commençant par la Défense, où l'incapacité européenne fragilise selon lui sa crédibilité.

JUNCKER SALUE LE DISCOURS DE MACRON

Saluant les avancées comme le fonds européen de Défense et la capacité structurée permanente, il a prôné la création d'une force d'intervention commune et d'une académie européenne du renseignement.

Alors que l'arrivée de centaines de milliers de réfugiés et migrants a bouleversé le continent, il a souhaité la création dans l'année qui vient d'un "espace commun des frontières, de l'asile et de l'immigration", avec une harmonisation permettant, aussi, de reconduire plus efficacement les déboutés du droit d'asile.

Il a dit vouloir relancer le projet de taxe sur les transactions financières, qui progresse difficilement entre quelques Européens, pour financer l'aide au développement.

Il a appelé de ses voeux un prix commun de la tonne de carbone, une taxe carbone aux frontières extérieures et un programme pour les véhicules propres.

Sujet sensible en France, il a estimé qu'il fallait réformer la politique agricole commune, qualifié de "tabou", et a plaidé pour une taxation européenne des géants du numérique sur la base du chiffre d'affaires réalisé dans chaque pays.

Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a salué "un discours très européen de mon ami Emmanuel Macron".

"L'Europe a besoin de courage. Merci pour votre soutien au travail des institutions UE", a-t-il écrit sur Twitter.

(avec Simon Carraud et Cyril Camu, édité par Yves Clarisse)