Rajoy face à une crise politique majeure en Espagne

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Rajoy face a une crise politique majeure en espagne[reuters.com]
(Crédits : Sergio Perez)

par Sam Edwards

BARCELONE, Espagne (Reuters) - Contesté après les violences qui ont émaillé dimanche le référendum d'autodétermination organisé en Catalogne, le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, doit désormais affronter la crise constitutionnelle la plus grave vécue par le royaume depuis des décennies.

Si le calme prévalait lundi matin dans les rues de Barcelone, les éditorialistes de la presse catalane constataient que les retombées du scrutin de dimanche laissaient entrevoir un conflit durable entre Madrid et la région catalane.

Malgré la mobilisation de la police espagnole, qui a tout fait pour empêcher la tenue du scrutin déclaré inconstitutionnel par Madrid, le gouvernement régional revendique la participation de 2,26 millions de personnes, soit environ 42% des électeurs catalans. Selon Barcelone, le "oui" l'a emporté à 90%.

Selon le bilan communiqué lundi par le gouvernement régional, 893 ont été blessées dimanche. Quatre sont dans un état grave, mais stable.

"La situation peut encore se détériorer", prévenait lundi matin le quotidien catalan La Vanguardia, devant le nombre de blessés que le gouvernement régional déplorait dimanche soir.

"Nous entrons dans une phase de grèves et de manifestations de rues, (...) davantage de mouvements, davantage de répression", a prévenu le journal.

Dimanche, le chef du gouvernement catalan, Carles Puigdemont, a ouvert la voie à une proclamation d'indépendance dans les jours à venir et annoncé que les résultats du scrutin seraient présentés au Parlement régional.

GOUVERNEMENT MINORITAIRE

Si Carles Puigdemont s'est abstenu de proclamer immédiatement l'indépendance de la région, il a ouvertement défié Mariano Rajoy à qui la constitution permet de dissoudre le gouvernement catalan et de placer la Catalogne sous la tutelle de Madrid dans l'attente de nouvelles élections.

Une telle issue alimenterait encore les tensions entre le gouvernement central et la région et aurait sans doute des conséquences néfastes pour l'économie espagnole. Lundi, la Bourse de Madrid a ouvert en baisse de 1,3% avant d'effacer peu à peu une partie de ses pertes tandis que l'euro perdait du terrain face au dollar, témoignant des interrogations des investisseurs.

Dimanche soir, plusieurs syndicats et partis politiques ont appelé à une grève générale mardi, tandis que Mariano Rajoy proposait l'instauration d'une "réflexion sur l'avenir" ouverte à tous les partis politique tout en rejetant avec force toute idée d'indépendance de la Catalogne.

La brutalité des images montrant les forces de l'ordre tenter d'empêcher la tenue du scrutin ont choqué tant en Espagne qu'en Europe.

Lundi la Commission européenne a fait valoir que le référendum "n'était pas légal", tout en invitant le gouvernement espagnol au dialogue, jugeant que la violence ne saurait être une voie politique.

"Selon la constitution espagnole, le scrutin d'hier n'était pas légal", a déclaré son porte-parole, Margaritis Schinas.

"C'est une question de politique intérieure pour l'Espagne qui doit être abordée dans le cadre de l'ordre constitutionnel en vigueur en Espagne", a-t-il ajouté.

En Espagne, le gouvernement minoritaire de Mariano Rajoy ne semble pour l'heure pas menacé de tomber, les partis politiques traditionnels rejetant eux aussi les velléités indépendantistes catalanes, mais sa gestion de la crise est largement critiquée.

Quoique hostile à l'indépendance de la Catalogne, le quotidien El Pais déplore ainsi dans ses colonnes son "incapacité absolue à affronter la crise dès ses prémices"."

(Avec Angus Berwick à Sant Pere de Torello, Adrian Croft, Sonya Dowsett, Paul Day et Julien Toyer à Madrid, Nicolas Delame pour le service français, édité par Marc Joanny)