100% d’électricité verte en 2050 ?

« Vers un mix électrique 100% renouvelable en 2050 », l’étude menée conjointement par l’Ademe et la Direction générale de l’énergie et du climat du ministère de l’écologie et dont la publication vient d’être reportée, relance le débat sur le mix énergétique futur de la France, alors que la loi sur la transition énergétique doit revenir au Parlement en deuxième lecture.

C'est une position bien délicate que le directeur général de l'Ademe, Fabrice Boissier, s'est efforcé de tenir jeudi matin lors d'un rendez-vous avec la presse en amont du colloque organisé par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie les 14 et 15 avril prochains sur « La place des énergies renouvelables dans le mix électrique français ». En effet, alors que cet événement devait être l'occasion de rendre publique une étude exploratoire financée par l'Ademe (et co-pilotée par la DGEC) intitulée « Vers un mix électrique 100% renouvelable en 2050 », il n'en est aujourd'hui plus question.

Raisons invoquées par l'agence, qui promet une publication « dans quelques mois » : des hypothèses en nombre insuffisant notamment en termes de coûts et de disponibilité de certaines technologies ; une absence de chiffrage des impacts économiques et, plus globalement, après consultation du Comité d'échange (composé de professionnels de la filière, dont RTE, EDF ou encore le Syndicat des énergies renouvelables), la conclusion qu'une version « plus complète et utile » était nécessaire. Il s'agit pourtant là du fruit de 14 mois de travail, exposé sur près de 120 pages.

Mais pas question pour l'Ademe de se contenter de calculs de coin de table et autres discours incantatoires qui ont pu être tenus par des organisations plus radicales lors du débat national sur la transition énergétique. L'Ademe, c'est plus sérieux que ça, et Fabrice Boissier de rappeler que les objectifs du projet de loi sur la transition énergétique et la croissance verte sont très proches des hypothèses développées dans les scenarios prospectifs de l'agence. En effet, l'objectif de 32% du mix énergétique (40% du mix électrique) retenu dans le texte de loi n'est guère éloigné des 35% évoqués dans le scénario Ademe à 2030. Quant aux 55% qui figurent dans le scénario 2050 de l'agence, ils permettent de respecter le facteur 4 (diminution par 4 des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050), un des principaux piliers la transition énergétique.
Dans le même temps, l'Ademe affirme que « cette étude, essentiellement scientifique et technique, n'a pas vocation à documenter directement une politique énergétique » et rappelle que la PPE (programmation pluriannuelle de l'énergie) est établie pour 5 ans, à comparer avec l'horizon étudié de 2050.

Dans l'étude elle-même, les auteurs avaient pris la précaution d'affirmer : "L'Ademe est tout à fait consciente que cette étude n'est qu'une première pierre à un édifice qu'il sera nécessaire de continuer de construire les années prochaines. Les résultats engendrent de nouvelles questions, que de futures études pourront très certainement traiter."
Il semblerait pourtant qu'elle ait déplu. FO et la CGT, traditionnellement opposés aux énergies renouvelables, auraient notamment donné de la voix. Le simple fait d'évoquer une France qui pourrait, un jour même lointain, se passer du nucléaire reste apparemment tabou.

Mais puisqu'elle a finalement fuité et été mise en ligne par le site Médiapart dès mercredi soir, on peut en résumer les grandes lignes : un mix électrique français issu à 100% d'énergies renouvelables est possible, et pour un coût qui serait finalement proche de celui correspondant au scénario retenu pour la transition énergétique, dans lequel la part du nucléaire atteindrait 50% en 2025 (contre 77% aujourd'hui).

Techniquement et économiquement possible...à certaines conditions

Ce serait possible car la France dispose des ressources (solaire, éolien, hydoélectricité, géothermie, énergies marines, biomasse, etc.) nécessaires, et même bien plus que cela, à en croire l'étude, qui évoque un potentiel de 1 268 TWh « trois fois plus important » que la demande anticipée de 422 TWh. Et ce, y compris en cas de conditions climatiques défavorables.

Dans le scénario de référence, l'éolien se taillerait la part du lion avec 63% du mix électrique (17% pour le solaire, 13% pour l'hydraulique et 7% pour le thermique). Une hypothèse téméraire au regard des difficultés actuelles de la filière française, en retard sur ses objectifs à 2020. Conscients de cette écueil, les auteurs de l'étude ont d'ailleurs prévu un scénario alternative dans lequel une plus grande quantité de solaire en toiture, l'énergie houlomotrice et le stockage viennent compenser le "déficit" d'éolien terrestre et de photovoltaïque au sol.
Mais le volet économique de l'étude est sans doute le plus frappant : le coût de cette conversion au « tout renouvelable » ne serait pas significativement plus élevé que le prix actuel de l'énergie : 119€/MWh, à comparer avec 91/MWh aujourd'hui...et 117 €/MWh dans un scénario intégrant 40 % seulement de renouvelables en 2050 (et potentiellement 50 % de nucléaire). Certes, ce coût pourrait augmenter selon la disponibilité de certaines technologies, et leur prix. C'est le cas notamment des dispositifs de pilotage de la demande et du stockage, deux points essentiels à la validité du scénario. Celui-ci implique à la fois une efficacité énergétique au top et une forte maîtrise de la demande aboutissant à une légère diminution de la consommation. Il repose aussi sur des capacités de stockage suffisantes pour garantir un équilibre permanent entre l'offre et la demande, malgré le caractère intermittent de certaines énergies renouvelables (essentiellement le solaire et l'éolien).

C'est précisément pour ces raisons que le syndicat des énergies renouvelables (SER), qui salue « la qualité scientifique de l'étude », notamment les calculs précis effectués au pas horaire, regrette le report de la publication. « Même si certaines hypothèses sont tirées aux limites (la part très importante de l'éolien terrestre, par exemple), c'est un exercice qui permet d'ouvrir une réflexion sur la capacité des renouvelables à couvrir la demande électrique française, et surtout sur les conséquences techniques, économiques et industrielles que cela implique, souligne Damien Mathon, son délégué général. Anticiper les enjeux industriels pourrait justifier une politique de soutien de l'offre, propre à favoriser les ruptures technologiques. » C'est en effet grâce à ce genre d'études prospectives que l'on peut éviter de prendre du retard sur certaines technologies , telles que le « power to gaz » ou l'hydrogène, qui permettent un stockage de longue durée et sur lesquelles l'Allemagne a un train d'avance. Or, si cette généralisation des renouvelables est possible en France, elle l'est très certainement (voire plus facilement) ailleurs, et une expertise sur ces technologies favoriseraient la place des industriels français sur le marché mondial...

La France en retard sur ses objectifs pour 2020

Bien loin de cette hypothèse de 100%, la France est aujourd'hui à la peine sur ses objectifs à l'horizon 2020. Alors qu'elle s'est engagée à atteindre 23% d'énergies renouvelables dans son mix énergétique (27% pour le mix électrique), sa trajectoire actuelle ne la conduirait qu'à 17% (23% pour la seule électricité). L'Ademe se montre plus confiante sur l'atteinte des objectifs à 2030. Fabrice Boissier reconnaissait jeudi qu'ils étaient « réalistes mais ambitieux », nécessitant un changement de société, de modes de production et de consommation de l'énergie, et donc, « une impulsion politique. » On ne saurait mieux dire.

Commentaires 36
à écrit le 12/04/2015 à 4:02
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Il faut comme toujours une approche européenne en favorisant la production d'énergie là où elle est optimale. L'interconnexion des réseaux électrique permet à l'excédent d'énergie produit dans une zone de l'UE d'être déplacé vers des zones en situati...

à écrit le 12/04/2015 à 4:02
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Il faut comme toujours une approche européenne en favorisant la production d'énergie là où elle est optimale. L'interconnexion des réseaux électrique permet à l'excédent d'énergie produit dans une zone de l'UE d'être déplacé vers des zones en situati...

à écrit le 11/04/2015 à 23:15
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A ces énormes ventilateurs pour faire du vent et de plus on aime ça cela tourne en rond .

à écrit le 11/04/2015 à 20:34
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de toute façon il n'y a presque plus d'uranium bon marché...

à écrit le 11/04/2015 à 2:30
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63 % d éolien ??? Vous allez les mettre ou vos moulins à vents , sur la mer ?? Je voudrai bien savoir combien ça fait de poteaux Et pour le stockage il y aura biensur des batteries géantes Rêvons rêvons !!!?

le 11/04/2015 à 22:51
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Pour savoir le nombre approximatif de poteaux, il suffit de faire une règle de trois, ça donne environ 120000 éoliennes . Oui il faudra des millions de tonnes de batteries. Ou la conversion en hydrogène... Faudra inventer qq chose pour stocker de to...

à écrit le 11/04/2015 à 2:10
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Je vois que des problèmes et pas de solutions ! Chef Wigum

à écrit le 10/04/2015 à 21:54
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Intéressant. Pas autant que l'analyse de Jancovici devant le sénat (la vidéo est encore disponible), mais là, vu l'erreur des énergies alternatives et petites-multiples (éolien, panneaux voltaïques soit maxi un Kw pour des coups d'installation et mai...

à écrit le 10/04/2015 à 16:45
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Il y a les premiers de la classe et nous au fond de celle-ci près du poêle et cela changera jamais .

à écrit le 10/04/2015 à 16:37
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Coquille "prévu un scénario alternative dans lequel" une scénario alternative, ou un scénario alternatif ou "une alternative" (deux choix)

à écrit le 10/04/2015 à 16:12
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Il est évident que nous allons assister à une transformation radicale des sources d'énergie. Léolien de grande puissance contrairement à ce qui est dit va disparaître pour être remplacé par le petit éolien de proximité, complémentaire à d'autres syst...

le 11/04/2015 à 14:36
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Vous devriez presenter votre analyse aux porteurs du London Array, Suez et EDF pour nos projets eoliens en mer, vous serrez recu avec grand interet !!!

à écrit le 10/04/2015 à 16:10
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En 2050 tout sera VERT, mêmes les centenaires ! L'éolien se portera bien lorsqu'il y aura du Vent, le solaire: du soleil, et heureusement les vaches n'arrêteront pas de "prouter" pour compenser le manque.......de VERDURE bien sûr !

à écrit le 10/04/2015 à 15:28
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Un examen du dit rapport montre que sous une apparence de sérieux, ses conclusions reposent en fait sur une série d'hypothèses fantaisistes qui révèlent une forte "charge" idéologique : une nette baisse de consommation électrique malgré une forte cro...

le 10/04/2015 à 16:41
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Il faut bien imaginer l'avenir, se "projeter", jauger des hypothèses, sinon, on avance comment ? Par inertie ? Vu l'état du couvercle de l'EPR (et la cuve), voir si ça va démarrer un jour (censé tenir 100 ans sous forte pression et sous radiation). ...

à écrit le 10/04/2015 à 13:30
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Plutot que de s'echarper, repondre a ces questions : 1/ Est-ce plus moins couteux que le nuke ancien et nouveau incluant tout (une vraie assurance RC, demantelement, stockage des dechets). 2/ cela cree-t-il autant ou plus d'emploi, et deconcentrés ...

le 10/04/2015 à 15:52
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"1/ Est-ce plus moins couteux que le nuke ancien et nouveau incluant tout (une vraie assurance RC, demantelement, stockage des dechets). 2/ cela cree-t-il autant ou plus d'emploi, et deconcentrés sur le territoire ?" et ben non: une éolienne c...

le 11/04/2015 à 14:45
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Vos source svp : les miennes sont claires et se trouvent dans ce journal et d'autres : les EPR britanniques ont besoin de 90£/110 € par MWh pendant 35 ans pour tourner, les eoliennes beneficient d'un contrat de 80 €/MWh pendant 10+5 ans (tapez 'arret...

à écrit le 10/04/2015 à 12:55
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un changement des modes de consommation ? Certainement pas chez les employés et retraités d'EDF qui consomment TROIS fois plus que les autres citoyens (c.f. Cour des comptes) parce qu'ils ne paient le Kw/h 0€006 (TARIF 1951) Sans TAXES, sans ABONNEM...

à écrit le 10/04/2015 à 12:16
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Et cette autre étude, qu'en pensez-vous ? http://energeia.voila.net/renouv2/renouvelable_possible.htm C'est seulement la situation pour 2030, mais tout de même avec bien plus que 40% d'électricité renouvelable. De quoi correspondre aux disc...

à écrit le 10/04/2015 à 11:32
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A mon avis le seul et unique gros moyen de production à mettre en développement accéléré c'est bien entendu la fusion ! Le programme ITER même si les couts semblent démesurés est d'une grande utilité car tous ce qui nous fait avancer dans cette voie ...

le 10/04/2015 à 13:27
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'Bien entendu', bien entendu une vieille lune qui ressort et qui se operationnelle au mieux dans 50 ans ... alors que des aujourd'hui l'eolien est deja moins cher que le nuke nouveau (EPR) et le sera face au nuke ancien pour peu qu'il inclue le dema...

le 10/04/2015 à 16:46
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Iter est une manip de physicien, comme le grand tube du Cern, destiné à "changer d'échelle" vs la version d'avant, vérifier si les matériaux tiennent, si le plasma arrive à s'allumer plus de dix secondes, etc etc... Si vous lancez un pétard ou Ariane...

le 10/04/2015 à 17:41
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En fait on devrait même en faire bien plus : l'investissement dans la recherche sur la fusion est ridicule au regard des possibilités à long terme de cette énergie.Je sais bien que les écolos ne jurent que par les éoliennes et les panneaux solaires m...

à écrit le 10/04/2015 à 10:54
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ridicule quand on sait qu'il faut 1000 éoliennes pour remplacer une centrale nucleaire....

le 10/04/2015 à 16:50
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1000 pour un réacteur ou une centrale (qui peut en avoir 4) ? 58 réacteurs, 58 000 éoliennes en mer, et zou. Réparties car il y a toujours du vent quelque part (partout serait mieux). Par contre quand trop d'électricité est produite, on ne peut rien ...

à écrit le 10/04/2015 à 10:46
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OK pour la remarque sur le stockage MAIS ! Valls et Macron vont être heureux ! il va y avoir des investissements (en chine?)

à écrit le 10/04/2015 à 10:42
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dans notre france déprimée Et avec la fin des utopies, c est un projet dont nous avons besoin pour nous enthousiasmer, regagner de la fierté et faire du business. Comme il s agit de avant tout de volonté ça pourrait faire l objet selon moi d un réf...

le 10/04/2015 à 12:42
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C'est vous qui êtes déprimé, pas la France... nuance!

à écrit le 10/04/2015 à 10:37
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Et bien nos voisins Allemands qui payent déjà leur électricité au double de son prix chez nous (et ce n'est qu'un début!), alors même qu'ils en produisent encore la moitié avec du charbon (houilles et lignite, actuellement la source la moins chère),...

le 10/04/2015 à 11:35
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et dans 20 ans on se plaindra qu en france on n exporte rien car personne ne veut de nos centrales nucleaires (deja qu on arrive pas a les construire sans exploser le budget et les delais). les allemands ont compris ou aller, alors evidement ca march...

le 10/04/2015 à 14:46
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en bon franchouillard, vous pourrez venir râler et jalouser dans quelques années,quand les allemands exporteront à tour de bras leur savoir faire dans les énergies vertes. Vous allez voir combien on va la payer notre électricité quand il va falloir d...

le 10/04/2015 à 21:16
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Et avec leur moitié de charbon, ça leur suffit pour permettre à la Hidalgo de critiquer les voitures !!!

à écrit le 10/04/2015 à 10:33
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On peut toujours rêver, mais tant que l'on n'est pas en capacité de stocker, c'est sans intérêt!

le 10/04/2015 à 10:45
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Stockages diffus mon cher ami, sans parler du foisonnement et des smart grids

le 10/04/2015 à 16:57
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Une possibilité serait de pomper sur les batteries de voitures électriques quand y a besoin de courant (quand elles sont rentrées à la niche) et les recharger dès qu'il y a du courant disponible en excès, un giga stockage Sais plus où, un "algorithm...

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