Cédric Villani : « L’Allemagne a conscience de ce qu’elle doit à Macron »

La victoire d’Emmanuel Macron a éloigné le spectre du Frexit, si redouté par l’Allemagne. Une situation qui devrait mettre de l’huile dans le moteur-franco allemand, selon Cédric Villani. Une interview de notre partenaire Euractiv.
Pour le mathématicien, soutien d'Emmanuel Macron, il est nécessaire que la gouvernance européenne soit incarnée au même titre que celle nationale.

Cédric Villani est un mathématicien français, professeur de l'Université de Lyon et directeur de l'Institut Henri Poincaré. Il a reçu la médaille Fields en 2010. Soutien d'Emmanuel Macron, cet européen convaincu est aujourd'hui candidat pour le mouvement aux élections législatives françaises dans la 5e circonscription de l'Essonne (91).

EURACTIV - La campagne présidentielle a été assez présente sur l'Europe. Pensez-vous que les citoyens français portent aujourd'hui un réel intérêt à la question ?

CEDRIC VILLANI - C'est assez variable. Chez une partie de la population, il y a un réel intérêt, alors qu'une autre lui accorde peu d'attention. Il y a une grande différence entre celles et ceux qui ont l'occasion de profiter de l'Europe, en voyageant, en se formant dans différents pays, et puis les autres, qui entendent parler de l'Europe mais qui restent en France et pour qui c'est donc un sujet moins concret.

On doit donc parler plus d'Europe, mais aussi envoyer les gens à travers l'Europe : il faudrait que la majorité d'une classe d'âge, voire toute une classe d'âge puisse profiter d'Erasmus.

Le problème, c'est que la gouvernance européenne n'est pas incarnée de manière aussi forte qu'au niveau national. Au moment de l'élection présidentielle en France, tout le monde parle de projet politique, mais il n'y a pas d'équivalent au niveau européen. Il y a bien les élections au Parlement européen, mais pas de grande élection présidentielle, donc moins d'occasions de parler de la gouvernance européenne.

Un des constats de cette élection est que si les Français n'aiment pas particulièrement l'Europe, ils ne veulent pas non plus en sortir. Que faut-il faire pour redorer le blason du projet européen auprès des citoyens ?

Les Français vous disent que l'Europe est mal gérée, mal fichue, mais quand on leur parle d'en sortir, ils refusent. Quand les Britanniques ont voté pour sortir de l'Europe, il y a eu un renforcement du sentiment européen, les gens se sont rendu compte qu'ils étaient attachés au projet européen.

Aujourd'hui, le tour de force de Macron, c'est qu' il a mené la campagne la plus pro-européenne, puisque ça a toujours été au cœur de sa bataille, alors que l'on disait que c'était un sujet chausse-trappe, qui fait perdre, et il a gagné. Finalement, les Français ne sont pas si rebutés que ça par l'Europe.

Le Brexit a-t-il ravivé la flamme de la France pour l'Union européenne ?

Un peu. On ne sait toujours pas comment le Brexit va se terminer, c'est toujours le chaos. Le Brexit je me souviens de l'avoir vécu comme une douleur, presque physique. Maintenant on voit bien que le Royaume-Uni ne sait plus quoi faire, les négociations patinent, les États européens affichent leur union par rapport à la gestion du Brexit.

On est à un tournant de la politique européenne, qui est très compliquée. De toute part, des appels au changement, qui pourraient passer par des modifications des traités, sont lancés.

Dans le programme d'Emmanuel Macron, quelles sont les mesures phares qui promettent une réforme de l'Europe ?

Tout d'abord son programme insiste sur de grands projets. L'Europe, c'est faire des choses ensemble, comme l'Europe des sciences, avec de grands projets scientifiques, qui existent, mais qu'il faut renforcer. C'est par exemple le cas du projet CER, le conseil européen de la recherche. Un très beau programme qui permet de favoriser les chercheurs, indépendamment du pays dans lequel ils se trouvent, sur des critères d'excellence. Il faut donc renforcer l'Europe des sciences, mais aussi se lancer dans des grands projets comme la lutte contre le changement climatique, l'Europe numérique, l'Europe de la défense. Sur tous ces sujets, l'échelle nationale est devenue trop petite.

Seules, ni la France, ni l'Allemagne ne peuvent faire plier la Chine, les États-Unis ou la Russie. Par contre, l'Europe entière représente une puissance économique et démographique telle que ça pèse vraiment. Même chose sur le numérique. Les conglomérations monstrueuses des États-Unis n'ont pas peur d'un pays tout seul, mais si l'Europe entière met en place un mécanisme de concurrence, elle sera prise au sérieux.

Mais comment impliquer les citoyens européens en faveur du projet européen de manière concrète ?

Une autre idée importante du programme d'Emmanuel Macron, c'est l'engagement des citoyens, notamment le principe des conventions démocratiques qu'il veut ouvrir en Europe. Pour ouvrir le débat, pour ne pas rester dans le référendum binaire du « oui ou non ».

Il faut savoir pourquoi nous voulons l'Europe, parce que quand on s'engage dans une aventure sans savoir pourquoi, ça s'épuise rapidement. Ce ne sont pas les règles qui assurent la continuité du projet, mais l'engagement des uns et des autres.

Au-delà de la mobilisation citoyenne, il faut aussi remobiliser les chefs d'État de certains pays sur le projet européens, comme la Pologne ou la Hongrie. Il y a-t-il un espoir d'avancer là-dessus ?

Il faut agir autant au niveau des citoyens qu'au niveau de leurs représentants. Parfois, on peut analyser certaines situations comme des problèmes démocratiques, et on peut estimer que dans des pays comme la Pologne et la Hongrie la démocratie a des soucis. Il ne s'agit cependant pas d'être moralisateur ou de juger nos amis, mais il faut voir qu'il y a une divergence de vue politique qui se manifeste. Je pense que ces situations ne sont certainement pas. Je caresse même l'espoir qu'un jour la Russie soit à nouveau associée au projet. Mais nous nous n'en sommes pas là. Aujourd'hui, le sujet c'est l'Europe à 28 ou à 27, ou un peu plus quand certains processus d'élargissement en cours pourront aboutir.

Concernant les relations avec les autres États membres, Emmanuel Macron s'est vu reprocher une trop grande proximité avec l'Allemagne. Qu'en pensez-vous ?

Pour avancer, il faut faire confiance. L'Allemagne a bien compris que le populisme a avancé partout en Europe. Et surtout, ils ont eu vraiment peur du Frexit, ce qui aurait été synonyme de l'effondrement du projet européen. L'Allemagne est très attachée au projet européen, et a bien conscience de ce qu'elle doit à Emmanuel Macron. Et je pense que Berlin saura agir en conséquence.

Vous êtes un scientifique. L'Europe de la recherche et de la science est-elle une réussite selon vous ?

Il y a surtout des sujets ou l'échelle joue. Pour le « Big data » par exemple, plus c'est « big, mieux c'est. L'aborder au niveau européen sera donc beaucoup plus puissant qu'à un niveau national. Si un jour on parvient à faire émerger un géant scientifico-technologique dans ces domaine, ce sera à l'échelle européenne.

L'Europe n'a-t-elle pas raté le coche dans cette course aux géants du numérique face aux Etats-Unis notamment ?

C'est encore possible. Quand on voit les compétences existantes et la puissance économique que peut avoir l'Europe. La Chine a réussi a faire émerger des géants chinois après les géants Américains. L'Europe n'est pas la Chine, mais avec des mesures économiques fortes, elle peut arriver à faire beaucoup de choses.

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Par Cécile Barbière, Euractiv.fr

(Article publié le lundi 15 mai 2017)

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Euractiv

Commentaires 37
à écrit le 17/05/2017 à 16:41
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Je lis beaucoup de réaction germanophobe, europhobe et chercheurophobe... Que de haine, de mépris, de rejet. Je vous invite à relire l'Albatros de Baudelaire. L'UE, c'est l'Albatros. Une sorte d'idéal mais au milieu des hommes perdus sur leur nav...

à écrit le 17/05/2017 à 11:34
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Mat aima Tique et l'aime en terre mon cher Watson :-)

à écrit le 17/05/2017 à 10:27
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Encore un qui se prosterne devant l'UE. Ce dandy ferait mieux de faire un tour de France des écoles et apprendre aux élèves les notions les plus élémentaires de calcul.

le 17/05/2017 à 11:42
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Encore un qui comprend et connait le monde, à 1000 lieux de tous les complotistes abscons qui se réfugient dans le mythe d'un pays fermé.

le 17/05/2017 à 13:17
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@brice ah bon, pace que savoir lire et écrire en 6ème est abscon ? les Allemands ont d'ailleurs le même problème sur ces matières scolaires basiques qu'en France.

à écrit le 17/05/2017 à 9:57
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Grand mathématicien, mais des qu'il s'agit de politique c'est autres chose

à écrit le 17/05/2017 à 9:40
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Très fier que cet éminent compatriote soit En Marche ! Il est très bien placé pour affirmer tout l'effet de puissance et de réseau que peut représenter une Europe unie qui est la bonne échelle dans de nombreux domaines. Reste à le concrétiser au tr...

à écrit le 17/05/2017 à 7:23
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J'ai un immense respect pour monsieur Cedric Villani mais dans let interview, il est complètement en dehors de ses pompes. Cordialement

à écrit le 17/05/2017 à 0:32
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Arrievera-t-on jamais à arrêter de confondre à l'UE? on peut être profondement européen et farouchement anti-UE car les eurocrates qui gouvernent celle-ci ont trahi tous les idéaux européems

le 17/05/2017 à 11:45
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Si vous êtes pro-européen, vous êtes pro-UE car à ce stade, aucun autre projet n'est capable de fédérer les autres peuples; Vous dites que vous être pour une autre Europe- cet autre Europe n'exise pas. Arrêtez de réver, on a déjà quelque chose - i...

le 20/05/2017 à 12:52
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à Brice>>> Quand la CEE fut créée il y a 60 ans, on raillait le projet de ses pères fondateurs comme une chimère. Pourtant, pendant un certain temps, il a bien fonctionné et il nous a remplis d'espoir, avant qu'il ne soit détourné et dévoyé par les e...

à écrit le 16/05/2017 à 23:03
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Villani est tout à fait hors sujet, doit revoir sa copie. Et bien voilà, les masques de l’UE tombent, voilà qui devrait faire réfléchir les gens qui veulent rénégocier les traités, ou ceux qui veulent un reférendum. Quand F. Asselineau di...

à écrit le 16/05/2017 à 22:42
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Je le voyais pas bouché comme ça le petit Villani, heureusement qu' il est fort en math !

à écrit le 16/05/2017 à 21:36
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Et ben dis donc, c'est pas brillant. Heureusement que son truc c'est les maths et pas l'économie.

à écrit le 16/05/2017 à 21:24
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Oui, c'est vrai : l'Allemagne est consciente qu'elle va pouvoir continuer à dominer l'Europe (et la France) impunément...

à écrit le 16/05/2017 à 21:05
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Aussi brillant que soit ce Monsieur, il devrait montrer un peu plus d'humilité. Car ce n'est pas en s'adressant comme cela aux Allemands, qu'on pourra obtenir leur soutien !! Parce qu'au final c'est d'abord nous qui sommes demandeur de leur aide.

à écrit le 16/05/2017 à 20:24
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"L'Allemagne ... a bien conscience de ce qu'elle doit à Emmanuel Macron et ... saura agir en conséquence." La France ne renforcera l'Europe que si elle arrive à résoudre elle-même ses problèmes, en politique, il n'y a pas de cadeaux à faire.

à écrit le 16/05/2017 à 19:54
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Le projet européen n'est pas celui des peuples mais celui du libéralisme mondialisme. Ce projet est fait pour une classe de riches apatrides. Pas d'amour pour la terre et les humains, seul l'argent et la rentabilité compte...leurs comptes bancaires d...

à écrit le 16/05/2017 à 18:31
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Au lieu de raconter des bètises ce monsieur ferait mieux de couper ses cheveux et de comprendre un peu mieux l'économie !!!

le 17/05/2017 à 0:38
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S'il arrivait enfin à comprendre qu'avec Macron et les Allemands l'UE va droit dans le mur, une chevelure d' une longueur de quelques kilomètres ne me déranferait pas du tout

le 17/05/2017 à 1:59
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En lisant un commentaire de ce niveau, on se doute bien que vous êtes savant en l'économie...

à écrit le 16/05/2017 à 18:15
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Si le programme de Macron se limite au final à accentuer la pression sur le salarié, je pense que son bel attelage ne résistera pas......chacun tirera à hue et à dia, et le bazar partout.....car l'histoire de faciliter les licenciements tout en proté...

à écrit le 16/05/2017 à 17:46
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" L'Allemagne a très peur du Frexit " pas étonnant ! En effet, elle profite à donf de l'union avec la France, pendant que la France s'effondre économiquement : grâce à la France, l'euro reste bas, du coup l'Allemagne accumule des profits monstrueux ...

le 17/05/2017 à 6:38
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Les traités tels qu'ils sont ont été dictés aux autres membres de l'UE par l'axe Franco-Allemand. C'est la qu'il aurait fallu faire attention. Au lieu de convergence économique le cannibalisme est propre à L'UE, les gros bouffent les petits et on di...

le 17/05/2017 à 7:55
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Personne n'a rien à gagner à l'effondrement économique et financier brutal de la France qui résulterait d'un Frexit. C'est normal que ça inquiète.

à écrit le 16/05/2017 à 17:06
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"mais aussi envoyer les gens à travers l'Europe " Comme plombier ?

à écrit le 16/05/2017 à 16:33
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En s'apprêtant à la reconduire pour un 4è mandat l'Allemagne sait surtout ce qu'elle doit à Merkel. Et certes, en élisant Macron, la France ne s'est pas tiré une balle dans la tête, mais elle n'est toujours pas à l'abri d'une faillite de l'état en ca...

à écrit le 16/05/2017 à 16:28
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Si le Frexit c'est éloigné c'est pour mieux subir le chantage d'une sortie de l'Allemagne laissant tout le monde sur le carreau! Le 1er sortie de cette zone administrative, qu'est l'UE de Bruxelles, sera celui qui s'en sortira le mieux!

à écrit le 16/05/2017 à 16:13
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Dans l'article "Seules, ni la France, ni l'Allemagne ne peuvent faire plier la Chine, les États-Unis ou la Russie". Question: ce serait dans l'interêt de qui de les faire plier? A titre informatif, Napoleon n'est plus!

à écrit le 16/05/2017 à 16:12
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Dans l'article "Seules, ni la France, ni l'Allemagne ne peuvent faire plier la Chine, les États-Unis ou la Russie". Question: ce serait dans l'interêt de qui de les faire plier? A titre informatif, Napolen n'est plus!

à écrit le 16/05/2017 à 16:11
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"...La Chine a réussi a faire émerger des géants chinois après les géants Américains..." Dans quelles conditions ? protectionnisme et financement public !!! tout ce qui est interdit en Europe !!!!

à écrit le 16/05/2017 à 16:07
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Si l'Allemagne avait la moindre conscience de l'impasse sociale majeur dans laquelle elle nous mène ça fait belle lurette qu'elle aurait validé la renégociation de la dette grecque. Il y a ce que l'on dit et il y a ce que l'on fait.

le 16/05/2017 à 18:18
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Social majeur, au moins pour les Français, c'est vivre du poche des autres. Le seul raison pour le visite bu Macron au Merkel: essayer de mutuelliser les dettes des pays d'ail donc laisser les Allemands payer pour les maisons secondaires des Françai...

le 16/05/2017 à 21:40
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Mais bien sur....faut arrêter ces tisanes bizarres, les hallucinogènes ce n'est pas bon. Allez, une bonne camomille et au lit. Demain les méchants français n'embêteront plus les gentils allemands.

le 17/05/2017 à 9:08
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"c'est vivre du poche des autres" vivre du poche c'est une expression ? Pour le reste l’Allemagne a accepté de participer à l'union européenne et elle semble très contente d'y être, le contraire serait étonnant étant donné que c'est elle qui ...

le 17/05/2017 à 16:36
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A France egalement a accepter de participer a la EU, mais n'a jamais respecte ses engagements et devoirs. Depuis l'introduction l'euro la France n'@ en acune annee budgetaire respecte le pacte. Au contraire, vous n'arretez pas d'accuser les pais quel...

le 17/05/2017 à 17:25
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"Si vous ne veulent pas respecter vos traits signees, ne rien vous empeche de sortir du zone EU laissent les paises serieuses en paix." Vous avez raison nous devons sortir de l'UE. Par contre vous lire est pénible, faisant moi-même des fautes...

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