Comment le CGET lutte contre les déséquilibres territoriaux

Nommé à la tête du CGET (Commissariat général à l'égalité des territoires) en juin dernier, Jean-Michel Thornary poursuit trois missions : observer les inégalités pour les réduire, assurer la continuité territoriale, développer les territoires au bénéfice des habitants. Il explique les enjeux des Pactes État-métropoles et les efforts du gouvernement pour réduire les inégalités entre les territoires et les métropoles.

LA TRIBUNE - Quels sont les constats de terrain qui ont mené à la décision de renforcer les compétences des métropoles ?

JEAN-MICHEL THORNARY - Les métropoles françaises jouent un rôle essentiel dans la croissance économique et le développement territorial de la France. Actrices centrales de la mondialisation, elles représentent un atout pour le pays, qu'il s'agit de conforter, sur la scène internationale.

Les 15 métropoles et leurs agglomérations réalisent en effet 51 % du PIB français et leur dynamisme économique a été plus important que celui du pays sur les quinze dernières années. Reconnaître leur place singulière, et les encourager à assumer pleinement leurs responsabilités vis-à-vis des autres territoires, sont indispensables.

Les lois MAPTAM et NOTRe ont ainsi confié aux métropoles des compétences accrues. Pour faciliter leur montée en puissance et continuer à renforcer la cohérence de l'action publique, des ajustements et simplifications étaient nécessaires. Il s'agit non seulement d'utiliser toutes les possibilités ouvertes par les dernières lois pour asseoir les politiques métropolitaines en articulation avec les autres échelons territoriaux et l'État, mais également de permettre la mise en place d'expérimentations et d'innovations pour tendre à toujours plus d'efficacité.

Si ce sont des territoires particulièrement dynamiques du point de vue économique, les métropoles font face à des défis majeurs : les inégalités sociales se creusent en leur sein, des populations défavorisées et paupérisées s'y concentrent et il faut répondre aux besoins en logement, traiter les problématiques de congestion urbaine, de mobilité, d'accessibilité, notamment aux services, d'exposition aux risques environnementaux, aux pollutions, etc. Il revient à l'État de donner aux métropoles les capacités de répondre à tous ces enjeux. En se focalisant sur l'innovation et le développement durable, le pacte État-métropoles constitue un des outils mobilisés à cette fin.

Quels sont les objectifs des pactes métropolitains d'innovation ?

Première déclinaison territoriale du pacte État-métropoles, les 15 pactes métropolitains d'innovation visent à soutenir les métropoles françaises dans leurs stratégies d'innovation pour construire la ville de demain. Les pactes, négociés entre l'État et chacune des 15 métropoles, identifient les domaines stratégiques d'innovation qu'il paraît souhaitable de soutenir, précisent les expérimentations à conduire, organisent les partenariats et mobilisent les financements adaptés. Il s'agit d'accélérer la mise en oeuvre de projets innovants, jugés prioritaires ou stratégiques.

C'est le volet innovation du pacte.

Les enseignements qui seront tirés de ces expérimentations doivent profiter à toutes les métropoles et permettre d'accroître leur attractivité en consolidant l'effet réseau. Au-delà de la logique de mutualisation au bénéfice des territoires français, ces « démonstrateurs » permettent en effet de diffuser l'excellence française en matière d'ingénierie urbaine auprès des investisseurs étrangers, comme des entités métropolitaines hors de France en quête de solutions pour répondre à des enjeux comparables. C'est le volet réseau et internationalisation du pacte.

Enfin, il faut ajouter un troisième volet, le plus original peut-être, celui de la coopération interterritoriale, entre les métropoles et des territoires de leur environnement plus ou moins proche. Le terme « locomotive » est souvent employé pour qualifier l'effet d'entraînement que les métropoles peuvent exercer sur d'autres territoires. Le pacte vise à renforcer les logiques de coopération de manière à ce que la richesse créée et le développement associé profitent non seulement aux différents espaces des métropoles mais également à tous les territoires avoisinants, dont la contribution est précieuse : espaces périurbains et ruraux, villes petites et moyennes. Il s'agit de renforcer l'alliance des territoires dans une logique de réciprocité et de codéveloppement. Chaque projet/action de coopération intégré (e) dans un pacte métropolitain d'innovation précise les acteurs impliqués, les instances de suivi, le plan de financement et le calendrier prévisionnel.

Quel bilan peut-on faire à ce stade des effets des pactes métropolitains d'innovation ?

À ce jour, 13 des 15 pactes métropolitains d'innovation ont été signés. Les deux restants, ceux des métropoles de Lyon et de Nice-Côte d'Azur, devraient l'être d'ici à avril. L'élaboration des pactes a mobilisé les services des métropoles ainsi que les services de l'État local et central. Pour assurer la mission de coordination interministérielle des différents chantiers du pacte national, qui lui a été confiée par le Premier ministre, le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales s'est appuyé sur le CGET.

À ce stade, on peut relever que les pactes métropolitains ont joué un rôle important d'accélération de projets innovants. On peut citer, à titre d'exemples, les pactes de Montpellier-Méditerranée (accélération du projet « Montpellier Capital Santé »), de Brest (renforcement du projet « Campus mondial de la mer ») ou de Bordeaux (accompagnement de la mise en oeuvre des deux OIM - opérations d'intérêt métropolitain - Bordeaux Aéroparc et Bordeaux Inno Campus).

Les pactes métropolitains d'innovation accompagnent la dynamique métropolitaine et, dans le cas des métropoles les plus récentes comme celle du Grand Nancy (ainsi que du Grand Paris et d'Aix-Marseille-Provence), contribuent directement à la construction de la stratégie métropolitaine. Dans d'autres cas, ils facilitent la prise de compétence des métropoles, notamment dans les domaines de l'énergie et de l'eau. On peut citer à ce titre le pacte de Grenoble-Alpes. Les pactes permettent d'initier, de relancer ou de renforcer des dialogues entre les métropoles et des territoires proches.

Quelles autres actions ont été mises en place pour lutter contre les déséquilibres métropoles/territoires ?

Au-delà des contrats de coopération métropolitaine inclus dans chacun des 15 pactes métropolitains d'innovation, des travaux sont menés pour favoriser les coopérations interterritoriales : enquête par questionnaire pour identifier les démarches et bonnes pratiques de coopération interterritoriale existantes ; identification des moyens de lever les obstacles à la coopération transfrontalière. La mise en réseau des métropoles françaises sous la forme d'une « conférence des métropoles » doit leur permettre de débattre en commun des enjeux auxquels elles doivent répondre, de partager les solutions qu'elles mettent en place et de les diffuser. Cela doit être une occasion pour elles de valoriser leurs projets et actions innovants et de coopération avec des espaces proches.

Antérieur au Pacte État-métropoles, on peut citer un autre dispositif visant à lutter contre les déséquilibres : les contrats de réciprocité. Décidée lors du comité interministériel aux ruralités tenu le 13 mars 2015 à Laon, l'expérimentation de contrats de réciprocité poursuit deux objectifs : donner une impulsion nouvelle à la mise en dialogue des territoires ruraux et urbains, et matérialiser un accord pour améliorer ou développer des échanges entre eux. Deux contrats de réciprocité ont été inclus et valorisés dans les pactes métropolitains d'innovation, au titre des contrats de coopération métropolitaine : le contrat de réciprocité entre la métropole de Brest et le Pays Centre-Ouest Bretagne (COB), le contrat de réciprocité entre la métropole de Toulouse et le PETR [Pôle d'équilibre territorial et rural ndlr] des Portes de Gascogne.

Plus généralement, le CGET porte de nombreuses politiques qui contribuent à lutter contre les déséquilibres métropoles/autres territoires : contrats de Plan État-région, contrats de ruralité, opération centresbourgs, lab périurbain, maisons de services au public, etc., sans oublier la politique de la ville qui soutient les quartiers et les populations les plus fragiles, à l'échelle des métropoles mais aussi des communautés urbaines de plus petite taille. Des comités interministériels successifs tenus durant le quinquennat ont été consacrés aux territoires et ont largement renouvelé les outils politiques disponibles pour lutter contre les inégalités. La réforme territoriale elle-même débouche sur une meilleure organisation des collectivités et une mobilisation de la ressource publique mutualisée et plus efficace.

Propos recueillis par Isabelle Boucq

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