Défaillances d'entreprises : 175.000 emplois menacés en 2021

Les défaillances d'entreprises pourraient entraîner des destructions massives de postes dans les services aux entreprises et l'industrie selon une étude de l'OFCE. A l'opposé, les services financiers et immobiliers seraient relativement épargnés.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

La santé économique des entreprises est mise à rude épreuve par la pandémie. Après un printemps catastrophique et une saison estivale au beau fixe, la recrudescence du virus et les mesures de restriction décidées à l'automne par le gouvernement ont à nouveau plombé le moral des chefs d'entreprise. Le climat des affaires a plongé d'environ 11 points entre octobre et novembre selon l'Insee. Résultat, l'emploi risque de subir les répercussions de cette crise historique pendant encore de longs mois. Selon une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) rendue publique ce mardi 24 novembre, les destructions d'emplois salariés relatives au Covid-19 seraient d'environ 175.000 en 2021.

En dépit de l'arsenal de mesures d'urgence déployées par le gouvernement (prêts garantis par l'Etat, fonds de solidarité élargi et augmenté, reports et annulations de prélèvements et cotisations, chômage partiel), le tissu productif risque d'être profondément affecté par la propagation de cette maladie infectieuse. Si les annonces relatives au vaccin ont apporté des lueurs d'espoir et l'intervention du président de la République Emmanuel Macron mardi soir ont pu rassurer quelques secteurs, d'autres comme la restauration ou le tourisme restent dans la tourmente. "Les destructions d'emplois sont liées au coût du travail, au choc macroéconomique et d'autres éléments. Nous avons essayé de prendre en compte les faillites supplémentaires d'entreprises liées à la pandémie par rapport à une année normale" explique Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision à l'OFCE interrogé par La Tribune. Il reste que cette étude ne prend pas en compte l'impact des destructions d'emplois chez les non-salariés. "Nos modèles ne prennent pas en compte les indépendants. C'est l'une des limites de nos travaux, reconnaît l'économiste, mais la majorité des destructions concerne bien l'emploi salarié" ajoute-t-il.

Les services aux entreprises et l'hébergement-restauration dans le rouge

La pandémie et les mesures décidées pour endiguer la propagation du virus n'ont pas les mêmes effets sur les branches de l'économie. Les différentes évaluations menées par les économistes depuis le printemps ont montré l'ampleur des dégâts dans certains services à forte interaction physique alors que d'autres ont connu de fortes tensions et un surcroît d'activité (santé, paramédical). D'après deux précédentes études évoquées par le chercheur dans son article, les services aux entreprises vont subir les plus lourdes pertes en termes d'emplois (entre -64.000 et -81.000) l'année prochaine.

Sur d'autres secteurs, il existe des disparités importantes notamment pour le commerce (entre -4.000 et -27.000), dans l'hébergement restauration (entre -7.000 et -35.000) ou dans l'information communication (entre -9.000 et -20.000). A l'opposé, d'autres branches comme les services financiers (zéro destruction de poste prévue) sont épargnées ou très peu touchées comme par exemple les services immobiliers. "Cette crise sanitaire impacte de façon hétérogène les différents secteurs de l'économie et, par conséquent, la concentration des faillites dans les secteurs les plus touchés pourrait laisser des séquelles importantes sur le marché du travail" indique Eric Heyer.

Une déferlante de plans sociaux à venir

Renault, Air France, Bridgestone, Celio...depuis le printemps, la liste des plans ne cesse de s'allonger et elle n'est pas prête de s'arrêter. Le géant de l'informatique IBM américain envisage de supprimer de 1.180 à 1.385 postes dans le cadres de restructurations, soit environ un quart des effectifs en France selon des sources syndicales. Si les derniers chiffres de Pôle emploi du mois d'octobre enregistrent une baisse des inscriptions des demandeurs d'emploi en catégorie A, cela ne signifie pas forcément une baisse des licenciements. D'abord, la période du premier confinement n'avait pas encore commencé à la fin du mois d'octobre et il y a toujours un décalage entre l'annonce d'un plan de sauvegarde de l'emploi et sa mise en oeuvre. Depuis le printemps, l'activité dans les tribunaux de commerce a été amplement perturbée par les différentes phases de confinement et de déconfinement. Enfin, la mise en oeuvre de l'activité partielle ont permis de jouer un rôle d'amortisseur du choc macroéconomique sur l'emploi. Malgré tous ces facteurs, le chômage a grimpé en flèche ces derniers mois. Les économistes de l'Insee tablent sur un chômage autour de 10% à la fin de l'année contre 8% à la fin de l'année 2019.

Vers une "zombification" de l'économie ?

La montée en puissance des mesures de restriction au cours de l'automne avec la mise en oeuvre du couvre-feu, d'abord dans les grandes villes puis dans 54 départements, et le nouveau confinement ont encore affaibli la trésorerie de nombreuses entreprises. Beaucoup de TPE et PME n'ont pas abordé le second confinement dans le même état de santé qu'au premier confinement. "Le second confinement risque d'affecter plus durablement l'économie, notamment sur la solvabilité des entreprises plutôt que sur la liquidité. Les entreprises sont rentrées endettées dans ce second confinement. Elles ont moins de capacité d'endettement qu'au printemps" expliquait le directeur des études à la Banque de France, Olivier Garnier, au début du mois de novembre. Pour quelques économistes, il y a un vrai risque de "zombification" de l'économie. Lors d'une réunion avec des journalistes mardi 24 novembre, le chef économiste de Natixis Patrick Artus a évoqué ce scénario.

"On assiste à des pertes importantes de bénéfices et une envolée des endettements des entreprises notamment aux Etats-Unis et en France. Il y a une dégradation du bilan des entreprises. On risque d'avoir plus d'entreprises zombies. Actuellement, il y a environ 14% d'entreprises zombies dans l'OCDE. Combien après la crise ? Mon scénario principal est qu'il y aura plus d'entreprises zombies qu'une forte hausse des défauts d'entreprises. Il va y avoir une hausse de l'endettement des entreprises. Cela devrait avoir des conséquences sur l'investissement et l'innovation."

Dans un article de la banque des règlements internationaux (BRI) publié au mois d'octobre, les économistes rappellent que "les banqueroutes et le chômage pourraient atteindre un pic lorsque les autorités auront retiré leurs aides". A ce stade, la Banque centrale européenne par le biais de sa politique monétaire ultra accommodante a injecté des milliards aux intermédiaires pour assurer le financement de l'économie. Il reste que cette stratégie comporte de nombreux risques à court terme sur le plan financier si les entreprises se retrouvent dans l'incapacité de rembourser des prêts garantis.

> Lire aussi : Coronavirus : les défaillances d'entreprises devraient exploser dans le monde

Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 26/11/2020 à 20:42
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175.000 pour l covid? euh il manque au moins un zero!

à écrit le 26/11/2020 à 13:29
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175000, c'est la partie émergée (médiatique) de l'iceberg. Ce qui est sous l'eau est infiniment plus conséquent.

à écrit le 26/11/2020 à 8:48
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La fin pour ne pas dire l'epilogue de l'Occident a sonne. L'Asie dans son ensemble a su gerer la pandemie du corona. Aujourd'hui presque tout y est produit. Le francais, l'europeen, consomme du chinois, sud coreen, vietnamien et j'en passe. Ide...

à écrit le 26/11/2020 à 8:35
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Les saigneurs de l'économie ont encore frappé.

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