En France, les femmes représentent 52% de la population française, mais le pays ne profite pas de ces talents. C'est le regret exprimé dimanche par la ministre déléguée à l'Égalité femmes-hommes, à la Diversité et à l'Égalité des chances, Elisabeth Moreno, invitée de l'émission Le grand Jury de RTL.
"En 2019, douze entreprises du CAC40 n'avaient aucune femme dans leurs Comex, et neuf entreprises avaient moins de 10% de femmes parmi les dix plus gros salaires", a-t-elle révélé, tout en refusant de les nommer avant de vérifier si ces chiffres restent d'actualité et de discuter avec elles.
Pour briser ce plafond de verre, la ministre a affirmé approuver l'instauration de quotas dans les comités exécutifs ou de direction des entreprises, récemment suggérée par le Haut Conseil à l'égalité, et qui devrait faire l'objet prochainement d'une proposition de loi soutenue par le gouvernement.
"Je suis favorables à toutes les mesures qui vont démultiplier le nombre de femmes (...) dans toutes les sphères décisionnelles de l'entreprise", a-t-elle résumé.
L'utilité de "sanctions fortes"
La Loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance, dite "loi Copé-Zimmerman", adoptée en 2011, qui a imposé 40% de femmes dans les conseils d'administration des grandes et moyennes entreprises, a permis de passer d'un taux de moins de 10% en 2009 à plus de 45% aujourd'hui, a rappelé la ministre.
"Pourquoi ça a fonctionné? Parce qu'il y avait de sanctions fortes", a souligné Elisabeth Moreno.
"La loi Copé-Zimmerman a montré qu'avec la contrainte, on avançait plus vite", a-t-elle analysé, en rappelant que selon la 15ème édition du Global Gender Gap Report 2020 du Forum Economique Mondial, il faudrait attendre 257 ans au niveau planétaire et 54 ans en Europe pour atteindre l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Sans compter que dans un pays où les femmes sont aussi bien éduquées que les hommes, la discrimination positive est aussi moyen de "reconnaître la méritocratie", voire un enjeu de compétitivité pour les entreprises, a ajouté Elisabeth Moreno. Les grandes écoles d'ailleurs bénéficieraient aussi de l'instauration de quotas dans leurs jurys de sélection, pour qu'il y ait plus d'égalité dans le recrutement, estime la ministre.
La nécessité d'une évolution culturelle
L'"index de l'égalité professionnelle", lancé par le gouvernement en 2018, et dont une nouvelle édition doit être publiée lundi, montre d'ailleurs une évolution positive en matière salariale, a affirmé Elisabeth Moreno, sans toutefois en révéler les contenus. En 2018, sur les 1.000 entreprises analysées, environ 15% n'atteignaient pas la note de 75/100 en deçà de laquelle elles doivent prendre des mesures pour corriger les écarts de salaires, sous peine de se voir infliger une sanction financière dans les trois ans à venir.
"On est à 4% maintenant", a affirmé Elisabeth Moreno.
La transparence sur ces chiffres s'est également améliorée, a-t-elle observé.
La ministre a toutefois également insisté sur la nécessité d'accompagner les mesures contraignantes d'une évolution culturelle, pour permettre "d'apprendre l'égalité dès le berceau". Elle a notamment salué le doublement du congé paternité qui doit entrer en vigueur le 1er juillet, de 14 à 28 jours. Convaincue "à titre personnel" qu'il faudrait même l'allonger davantage, elle a toutefois rappelé la réticence face à une telle avancée de nombreuses entreprises, en insistant sur la nécessité de s'assurer tout d'abord que la nouvelle loi sera appliquée.
"La loi ne suffit pas" si "les mentalités évoluent trop lentement", a martelé la ministre.
Le gouvernement doit être exemplaire
Le gouvernement doit donner l'exemple, a admis Elisabeth Moreno, en déplorant que le "cabinet le plus proche d'Emmanuel Macron" compte une seule femme sur 13 membres. Elle s'est d'ailleurs dite favorable à la nomination d'une femme Premier Ministre avant la fin du quinquennat.
Mais des femmes occupent déjà des "postes stratégiques du gouvernement", et son ministère, qui vient d'obtenir une augmentation de 40% de son budget, a le soutien de l'ensemble de l'exécutif, affirme-t-elle, en rappelant:
"Il a fallu attendre 2017 pour qu'un président fasse de l'égalité entre femmes et hommes une grande cause nationale".
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