"En France, le non-conformisme est un trait de caractère" Louis Schweitzer

L'Office européen des brevets (OEB) a sacré jeudi "meilleurs inventeurs européens" deux chercheurs français. La veille, Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement, expliquait à La Tribune que l'innovation en France a bien des atouts.
(Crédits : DR)

"Saluer des inventeurs", tel était, aux yeux de Louis Schweitzer, le sens du Prix de l'inventeur européen organisé jeudi 11 juin par l'Office européen des brevets (OEB), auquel le Commissaire général à l'investissement français participait en tant que membre du jury.

Interrogé mercredi soir (la veille de la remise des prix) par La Tribune, il expliquait que, si la capacité à innover de la France peut encore être encouragée, elle profite néanmoins d'ores et déjà d'un environnement favorable.

Le bilan final du prix lui a donné raison: deux des six récompenses ont été attribuées à des chercheurs français, l'un membre du CNRS, l'autre entrepreneur.

LA TRIBUNE - En tant que Commissaire général à l'investissement du gouvernement, quel regard portez-vous sur la capacité à innover de la France, comparée à celle des autres pays européens et des Etats-Unis?

LOUIS SCHWEITZER - Je remarque deux points forts qui caractérisent l'innovation en France. D'une part, la qualité des chercheurs français est internationalement reconnue. D'autre part, nombre de startups innovantes surgissent depuis quelques temps dans ce pays où le non-conformisme est un trait de caractère de la population. De ce point de vue, nous sommes bien plus forts que l'Allemagne.
Des points faibles sont néanmoins aussi à regretter, sur lesquels nous devons travailler: la recherche n'est pas encore assez structurée en pôles majeurs, et la coopération public-privé est encore trop faible. Quant aux jeunes pousses, au moment où il s'agit de se transformer en véritables entreprises, trop d'entre elles partent aux Etats-Unis. Des initiatives telles que le Programme d'investissements d'avenir visent notamment à les retenir, via les appels à projets nationaux organisés depuis 2010 et les financements pourvus.

Si les dépôts français de brevets auprès de l'OEB ont augmenté de 4% l'année dernière, l'Hexagone ne représente encore que 5% du total des demandes, contre 26% pour les Etats-Unis. Les acteurs économiques français sont-ils suffisamment conscients de la nécessité de protéger leurs inventions?

Divers obstacles s'opposent en Europe, et plus particulièrement en France, au développement d'une culture de dépôt systématique des brevets. Le système européen, qui se décompose encore en brevets nationaux régis par le droit de chaque Etat, n'est à l'évidence pas suffisamment performant  face au marché unique créé par l'UE. Une entrée en vigueur rapide du brevet unitaire ne peut donc qu'être souhaitée. Ensuite, alors que la plupart des nouvelles technologies impliquent un ensemble d'inventions, les entreprises ne sont encore pas assez alertes quant à la nécessité de construire des clusters de brevets. Elles risquent ainsi de perdre le droit de continuer à développer leurs idées. L'un des objectifs du fonds d'investissement à capitaux publics France Brevets est justement de mieux les accompagner dans cette démarche.

En tant qu'ancien président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde), comment interprétez-vous la faible représentation féminine (une seule femme européenne) parmi les finalistes du Prix de l'inventeur européen, décerné jeudi 11 juin par l'OEB?

L'innovation féminine souffre de deux graves problèmes en amont. Le premier concerne l'orientation: alors que, au niveau du bac, les filles sont meilleures en mathématiques que les garçons, dans le cadre des études supérieures techniques et d'ingénierie, le manque criant de diversité est une véritable anomalie. Les écoles commencent à essayer de la corriger, en tentant d'attirer davantage de femmes.
Le deuxième obstacle surgit au niveau familial: en France, dans un couple, la profession de la femme est encore trop souvent considérée comme moins importante que celle de l'homme. Lorsque j'étais Pdg de Renault, j'ai demandé une étude afin de comprendre pourquoi les femmes font moins carrière que les hommes, ce qui est d'ailleurs à l'origine une grande partie de l'écart salarial. Il est apparu clairement que le congé maternité ne suffit pas à lui seul à expliquer cette différence. Mais une fois que le couple a un enfant, c'est en priorité la femme qui s'en occupe. Ce qui entrave la prise de responsabilité ainsi que l'exercice de certaines activités, comme celle d'innovation, qui demandent par nature une très grande disponibilité.
Quelques améliorations sont toutefois en cours: les entreprises  se penchent de plus en plus sur la question de la diversité de leur personnel. Et l'obligation d'attribuer 40% des sièges des Conseils d'administration à des femmes avant 2017 induira sans doute un changement de culture.

Propos recueillis par Giulietta Gamberini

Commentaires 6
à écrit le 13/06/2015 à 19:43
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Les français sont tellement anti-conformistes que plus de 50% des jeunes veulent être fonctionnaires . Les grandezecoles sont d'ailleurs devenues des instruments de formatage et de reproduction des inégalités sociales où on apprend à de petits morveu...

à écrit le 12/06/2015 à 8:18
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c'est sûr, le non conformisme de Avantime et Velsatis ont conduit à de grands "succès"

à écrit le 12/06/2015 à 6:46
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Devrait pas être à la retraite papy? Serait y pas un peu cumulard dans le fromage?

à écrit le 11/06/2015 à 20:51
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Interroger un grand commis de l'état est toujours intéressant, mais souvent hors de propos que ce genre de sujet. Evidemment, les deux ne se placent pas sur le même plan...

à écrit le 11/06/2015 à 20:25
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En France on a de formidables entrepreneurs,developpeurs,ingénieurs,chercheurs, mais la classe politique, médiocre et carriériste, ne suit pas et pire passe son temps a compliquer,saboter,torpiller les initiatives du privé , par pur dogmatisme,et ign...

le 12/06/2015 à 9:00
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On a les politiques qu'on mérite.

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