Juppé, Fillon, des programmes économiques pas si différents

Soutiens de chaque camp et commentateurs politiques insistent sur les différences entre les programmes économiques de François Fillon et Alain Juppé. En fait, ils sont assez semblables. Sauf s'agissant de promesses intenables, concernant la réduction du nombre de fonctionnaires
Ivan Best

Quand Jean-Pierre Raffarin, soutien d'Alain Juppé, affirme que le programme du maire de Bordeaux « est faisable de A à Z », tandis « que le programme de François Fillon est un programme qu'il ne pourra pas tenir », a-t-il raison ? Et d'ajouter notamment qu'« il ne faut certainement pas bloquer tout recrutement dans le service public », conséquence implicite de la proposition de François Fillon de supprimer 500 000 postes de fonctionnaires.

A entendre l'ancien ministre Raffarin tout comme de nombre de commentateurs, il y aurait donc des différences majeures entre les programmes économiques des deux candidats propulsés au second tour de la primaire de la droite et du centre. D'un côté, un programme modéré, celui d'Alain Juppé, de l'autre, une véritable potion amère qu'administrerait le « Thatcher de la Sarthe », selon l'excellente formule de Challenges.

Les électeurs de la droite et du centre auraient donc face à eux une alternative claire et nette, entre deux options politiques antinomiques. C'est l'histoire qu'ont bien sûr intérêt à raconter les candidats et leurs soutiens, de même que les commentateurs de la chose politique. Ce « story telling » correspond-il à la réalité ? Et surtout à ce pourraient vraiment faire Alain Juppé ou François Fillon, s'ils parviennent au pouvoir ?

En réalité, les logiques à l'œuvre dans les deux cas sont assez semblables : promesse de baisse de la dépense publique sans remise en cause du périmètre des administrations publiques et allègement massif des charges des entreprises. Sur le premier point, comme le souligne l'économiste Olivier Babeau

« on peut signaler par exemple que les tabous de l'introduction d'une part de capitalisation dans notre système de retraite, ou la mise en concurrence de la sécurité sociale avec des assurances de santé privées moins chères et plus performantes n'ont pas été brisés dans une campagne qu'on s'est plu à décrire comme le printemps du libéralisme » .

Le rabot pour la dépense publique...

Qu'Alain Juppé prévoie 80 à 100 milliards d'euros de baisse de la dépense publique sur cinq ans versus 100 milliards pour Alain Fillon, ne change donc guère la donne. Dans les deux cas, appliquer la technique habituelle du rabot budgétaire -puisque c'est bien de cela qu'il s'agit- permettra difficilement d'atteindre ces montants, sauf à gonfler les chiffres, comme a pu le faire le gouvernement actuel.

... et de bien hypothétiques coupes dans les effectifs de fonctionnaires

Le débat risque de focaliser sur la baisse des effectifs de fonctionnaires. Mais en réalité, dans les deux cas, les chiffres annoncés ne paraissent pas réalistes. François Fillon évoque désormais 500.000 postes en moins, il a cependant précisé que la moitié correspondrait à des contractuels. Problème: ce sont souvent eux qui font « tourner la boutique ». Alain Juppé, lui, parle de 200.000 à 250.000 postes supprimés. Toutefois, s'agissant de l'Etat, où la capacité d'action du gouvernement est bien sûr la plus grande -par rapport aux collectivités locales qui sont autonomes et aux hôpitaux déjà sous tension-, il entend épargner l'Éducation, la Police-Gendarmerie, la Défense, la Justice... L'éducation nationale, si l'on inclut les universités, c'est 56% des effectifs de l'Etat, selon le rapport annuel de Bercy concernant la fonction publique (page 60) . Au total, les secteurs protégés par Alain Juppé, et donc ne faisant l'objet d'aucune coupe dans leurs effectifs -des créations d'emplois sont même prévues pour la sécurité- représentent 82% des fonctionnaires de l'Etat !  Les 18% restants vont sentir la politique Juppé... si elle est vraiment mise en œuvre.

Une différence majeure, toutefois, entre Alain Juppé et François Fillon: ce dernier prévoit de passer à 39 heures par semaine le temps de travail dans la fonction publique, avec traitement maintenu à son niveau actuel, sur la base de 35 heures.

  Fiscalité: même inspiration, curseurs différents

 Concernant le volet fiscal du programme, les politiques seraient identiques, seuls les curseurs différeraient. Dans les deux cas, priorité est donnée à la compétitivité des entreprises, via la baisse des charges des employeurs et celle de l'impôt sur les bénéfices des sociétés (IS). Pour François Fillon, les baisses des charges pour les employeurs atteindraient 25 milliards, auxquels s'ajouterait une diminution de 10 milliards d'euros de l'Impôt sur les sociétés. Qu'en est-il pour Alain Juppé ? Il propose une baisse de 10 milliards d'euros des cotisations famille à la charge des employeurs, et, côté impôts payés par les entreprises, une réduction de des cotisations additionnelles à l'impôt sur les sociétés (-2,8 milliards d'euros d'impôt) ainsi qu'une baisse des taux affichés (pour 10,9 milliards). Alain Juppé allègerait donc de 23,7 milliards les prélèvements des entreprises, contre 35 milliards pour François Fillon.

Au total, François Fillon annonce 50 milliards d'euros de prélèvements obligatoires en moins, dont 35 milliards pour les entreprises, tandis qu'Alain Juppé évoque un total de 35 milliards. Mais François Fillon entend relever plus nettement la TVA (deux points pour le taux normal et intermédiaire, soit 15 milliards de prélèvements obligatoires en plus), contre un point pour le taux normal avec Alain Juppé. Au total, compte tenu de ces différences sur la TVA, les baisses nettes d'impôt seraient de 28 milliards pour Juppé et 35 milliards pour François Fillon.

S'agissant du marché du travail, tous deux veulent que les entreprises gagnent en autonomie : le code du travail, allégé, serait pour une grande partie renvoyé à la négociation.

Ivan Best
Commentaires 21
à écrit le 23/11/2016 à 14:38
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Juppe/Fillon,2 personnalités du monde la droite traditionnelle,qui confrontait aux réalités des électeurs,lors de la vrai élection,ne feront pas le poids,face: aux syndicats aux partis politiques, tous unis contre la sauvagerie annoncée oserez-vo...

à écrit le 23/11/2016 à 10:53
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Je verrai peut-être si M Fillon était Président de la République: Dans les rues de nos villes les calèches avec leur cocher, promenant un bourgeois avec son chapeau haut de forme noir, fumant le cigare par la fenêtre et sa bourgeoise à ses côtés. ...

à écrit le 23/11/2016 à 10:24
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Que nous proposent ces répétiteurs d'une droite à l'aube d'une décomposition avancée ? Rien d'autre que leurs sempiternelles recettes libérales. Après tout ce qui s'est fait et dit, que nous reste t'il à penser sinon que le plus grand nombre des ces...

à écrit le 22/11/2016 à 15:13
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j’ai beaucoup d’interrogations sur certains points. Retraite à 65 ou 67 ans ; étonnant lorsqu’on pense qu’a 50 ans, beaucoup de salariés sont poussés à partir parce que moins productifs. Augmenter la TVA sans refonte concordante du barème d’impôt, ce...

à écrit le 22/11/2016 à 9:19
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Une réforme fiscale doit être envisagée "à niveau constant".

à écrit le 22/11/2016 à 9:01
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///HUMOUR POLITIQUE/// JUPET EST LE MELLIEUR CHEVAL/ EN FAIT FILLON A UTILISE LA METAPHORE DE LA VOITURE DE COURSE/ MOI J UTILISERAIS LA METAPHORE DU CHEVAL HIPIQUE / MAIS FILLON EST UN ETALON TROP FOU.GUEU ET JUPE UN CHEVAL D EXPERIENCE. DONC LE...

à écrit le 22/11/2016 à 7:57
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Fillon n'est peut-être pas la panacée, mais il a pour lui la probité qui manque à Juppé. Je suis d'ailleurs étonné que personne n'en parle :-) http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/Index/nouvelles/200502/18/008-Juppe-lettre-profs.shtml

le 22/11/2016 à 10:35
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"mais il a pour lui la probité qui manque à Juppé" Fillon a couté quand même 300.000€ à l'UMP ( en dette à l'époque de 74 millions d'euros) en frais de déplacement en jet pour aller dans la Sarthe à 255 Km de paris.Un probleme peu évoqué est aussi...

le 22/11/2016 à 15:07
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@lachose: a-t-il vraiment coût 300 K ou est-ce de la calomnie de bas étage ? Et même si c'était vrai, c'est comme tu le dis un coût pour l'UMP et pas pour le contribuable, alors que Juppé a été condamné.pour abous de biens sociaux (vol d'ragent publi...

le 22/11/2016 à 23:18
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Juste une remise à niveau les partis sont financés par de l'argent public. Les partis piochent également allègrement dans le budget de la formation car chaque parti à son entreprise de formation. Un exemple culte M. Karoutchi signe pour une formation...

le 23/11/2016 à 10:42
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@patrickb "a-t-il vraiment coût 300 K ou est-ce de la calomnie de bas étage ?" Ce n'est pas mon habitude ,il suffit de taper : fillon et son jet pour avoir les infos y compris sur des journaux de droite.C'est vrai que nous avons tous des proble...

à écrit le 21/11/2016 à 22:19
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Merci pour cet article la Tribune. Effectivement, je pense que la vraie différence sera ds la manière d'appliquer les programmes.

à écrit le 21/11/2016 à 19:24
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normal ! ils n'ont jamais travaillé dans la vrai vie , c'est le contribuable qui les a toujours nourris ; leur formatage est identique

à écrit le 21/11/2016 à 18:14
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En fait, programmes légèrement différents : Fillon c'est moins 500.000 fonctionnaires, Juppé c'est moins 300.000 seulement. Pour économiser 100 Md en 5 ans, il faudra bien tailler énergiquement dans l'opulente fonction publique, ils sont bien d'acco...

à écrit le 21/11/2016 à 18:07
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Que les programmes économiques de Fillon et Juppé ne soient pas très différents, n'étonne guère. Conscients de la nécessité de réformer d'urgence la France, tous les partis de gouvernement tournent autour des mêmes idées. Y compris le PS DE Francois ...

à écrit le 21/11/2016 à 17:54
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C'est bien parce que les programmes économiques étaient in fine assez semblables entre tous les candidats de la primaire qu'il a pu y avoir un tel glissement des votes entre la primaire en elle-même et les sondages... Même NKM, Le Maire et Copé n'éta...

à écrit le 21/11/2016 à 17:12
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Fillon est crédible , le Duc d'Aquitaine avec son Sancho Pancha Bayrou c'est du Chirac hollandais !

à écrit le 21/11/2016 à 16:57
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Dans les deux programmes, il manque un point essentiel, diminuer la pression fiscale qui pèse sur les classes moyennes. Il ne reste plus que 47% de contribuables qui payent l'IR. Sarkozy et Hollande ont augmenté de près de 70 milliards d'euros les ...

le 21/11/2016 à 18:35
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Qui croyez vous qui va payer? Les riches surement pas, les pauvres pas possible... Par contre vous et moi qui nous levons et n'avons droit à aucunes aides là obligé il ne reste plus que nous...

à écrit le 21/11/2016 à 16:31
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Il faut répartir la fiscalité sur les entreprises et sur les ménages pour correspondre à la fiscalité de l'Allemagne. C'est trop difficile à comprendre.

à écrit le 21/11/2016 à 16:23
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Enfin un article honnête, merci beaucoup. AUgmenter la TVA avec une baisse constante de la consommation on se demande comment sur tous les animateurs télés politiques aucun n'ai pu leur mettre cette aberration sous le nez. Nos médias sont nul...

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