Fraude à la TVA : le gouvernement impose de nouvelles règles

Le gouvernement a fait voter un amendement à la loi Sapin 2 qui restreint la possibilité d'autoliquider la TVA. Son objectif est double : limiter la fraude fiscale, via les carrousels de TVA, et lutter contre le financement du crime organisé.
Fabien Piliu
En 2015, la fraude à la TVA a coûté 17 milliards d'euros aux finances publiques

Il s'agit de limiter les dégâts. Afin de limiter la fraude à la TVA, dont le montant a été estimé à 17 milliards d'euros en 2015 par Bercy, Michel Sapin, le ministre des Finances a décidé de restreindre les conditions d'accès à l'autoliquidation de la TVA dans les ports français. Dans un amendement porté au projet de loi Sapin 2, adopté mardi 14 juin par l'Assemblée Nationale et qui va aller maintenant au Sénat, Bercy corrige donc les dispositions prévues par le projet de loi sur l'économie bleue adopté en mars par l'Assemblée nationale puis le Sénat.

Ce texte, voté à la grande fureur de Christian Eckert, le secrétaire d'Etat au Budget, prévoyait d'offrir la possibilité à toutes les entreprises d'autoliquider la TVA lors d'une importation en France. Objectif de ce texte ? Renforcer la compétitivité des infrastructures portuaires face à la concurrence internationale, et notamment des ports belges et néerlandais. Selon les parlementaires, cette mesure est à même de compenser le retard perdu par les ports français après des années de blocages dus à des conflits sociaux, blocages ayant entraîné un sous-investissement chronique dans les infrastructures.

La chasse aux carrousels de TVA

Concrètement, l'amendement du gouvernement prévoit que seules les entreprises bénéficiant du statut d'opérateur économique agréé créé par le tout nouveau Code des douanes puissent réaliser l'autoliquidation. Selon les estimations de Bercy, ces opérateurs représentent actuellement la majorité du trafic, collectant environ 75 % de la TVA à l'importation. Les entreprises ne bénéficiant pas de ce statut devront demander une autorisation aux douanes et répondre à certains critères en matière notamment de solvabilité et de transparence. Avec cet amendement, Bercy compte empêcher la création de sociétés impliquées dans les carrousels de TVA, une technique de blanchiment très simple. De quoi s'agit-il ? Celle-ci implique plusieurs entreprises établies dans au moins deux Etats membres de l'Union européenne, cette fraude consiste à obtenir la déduction ou le remboursement de la TVA afférente à une livraison intracommunautaire (LIC) de biens alors que cette TVA n'a pas été reversée, de façon abusive, au Trésor.

Le carrousel nécessite une transaction intracommunautaire. Le fraudeur établit une société française fictive A dans un pays de l'Union européenne. Disons la Belgique. Cette société A achète ensuite un bien dans un autre pays de l'Union européenne, la France par exemple, à la société B. Intracommunautaire, cet achat se fait hors taxe. La société A vend ensuite le bien à la société C, établie elle aussi en Belgique. Cette vente se fera en dessous du prix d'achat, mais avec la TVA belge  de 21 % incluse. La société C pourra ensuite récupérer, en la réclamant au Trésor belge, la TVA qu'il a payée à A.

De son côté, la société A, qui a facturé TVA comprise à C, doit s'acquitter du montant de la TVA au Trésor français. Ce versement doit se faire dans les trois mois. C'est la loi qui l'exige. Sauf que la société A n'existe plus ! Cette technique est d'autant plus efficace que la vitesse de rotation du carrousel augmente. En effet, pour les fraudeurs, l'objectif est de répéter tourner le carrousel un maximum de fois entre A, B et C pendant cette période de trois mois, avant le contrôle de TVA.

Augmenter les recettes fiscales

En bridant la possibilité offerte aux importateurs d'autoliquider de façon autonome la TVA des produits qu'ils vont imposer sur les produits qu'ils font venir de l'étranger, le gouvernement prend certes le risque de réduire la compétitivité des ports français, déjà largement distancé par Rotterdam, Amsterdam ou Anvers. Mais au regard des risques de fraude massive à la TVA que le texte voté en mars laissait courir, l'impact de la décision gouvernementale peut être largement relativisé.

Outre les pertes de recettes fiscales, ce type de trafic alimente aussi le crime organisé. En mars, la Cour des comptes européenne en mars a pointé du doigt les dérives liés à la fraude à l'autoliquidation de la TVA.

C'est un problème de criminalité. L'interrompre devrait être en tête des préoccupations. La fraude à la TVA en Europe représente un problème d'autant plus crucial qu'une part importante finance le crime organisé ", a déclaré le 3 mars Neven Mates, auteur d'un rapport de la Cour des comptes européenne.

Selon les estimations de Carlo van Heuckelom, le responsable de la criminalité économique chez Europol, le crime organisé empoche chaque année de 40 à 60 milliards d'euros, sur les 135 milliards de TVA dont les Etats perdent la trace, via les carrousels de TVA, un mécanisme consistant à importer des biens hors TVA, à les revendre TVA comprise,  à empocher le différentiel et  à oublier de le déclarer aux services fiscaux.

Fabien Piliu
Commentaires 2
à écrit le 15/06/2016 à 17:17
Signaler
la dgfip , comme bien des services régaliens ,subit de plein fouet la baisse des effectifs , encore de belles paroles de nos édiles, mais dans les faits avec qui pour contrôler et recouvrer

à écrit le 15/06/2016 à 11:28
Signaler
Pourquoi ne pas adapter cette réglementation a l'échelle européenne voir même obligatoire ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.