Heures supplémentaires : la majoration minimale de 10% sera maintenue

La future loi réformant le droit du travail ne reviendra pas sur le seuil minimal de 10% de bonification des heures supplémentaire effectuées au-delà des 35 heures, a précisé le premier ministre. Manuel Valls met ainsi fin à l’ambiguïté qui régnait depuis des propos de François Hollande le 18 janvier.
Jean-Christophe Chanut
Contrairement à ce que souhaitait le ministre de l'Economie Emmanuel Macron, le premier ministre a indiqué que taux de majoration minimal des "heures sup" restera fixé à 10%.

Cette fois, c'est clair. Le premier ministre a affirmé que le taux de majoration minimal de 10%  pour les huit premières heures supplémentaires serait maintenu. Il y avait une incertitude sur cette question depuis que François Hollande, le 18 janvier, avait déclaré que

"les accords d'entreprises pourront fixer les modalités d'organisation du temps de travail, sans remettre en cause la durée légale, en permettant par exemple de fixer le taux de majoration ou le nombre d'heures supplémentaires, ou de moduler davantage le temps de travail au-delà même de l'année».

Des propos sibyllins. qui avaient donné lieu à des interprétations différentes. Mais, Manuel Valls à levé toute ambiguïté ce 28 janvier. Interrogé en marge de la présentation de ses vœux à la presse, sur la question de savoir si le seuil minimal de 10% de bonification des "heures sup", effectuées au-delà de la durée légale de 35 heures, serait maintenu par le futur projet de loi portant réforme du droit du travail, le premier ministre  a répondu "oui bien sûr".

La position d'Emmanuel Macron désavouée...

Une affirmation qui va contrarier le Medef et d'autres organisation professionnelles qui espéraient "pouvoir en finir vraiment avec les 35 heures". Il est vrai que l'interprétation des propos présidentiels du 18 janvier donnée par le ministre de l'Economie Emmanuel Macron, lors de son déplacement à Davos la semaine dernière, pouvait donner des espoirs au patronat. Pour Emmanuel Macron, les entreprises et les syndicats seront à l'avenir libres de fixer les règles sur le temps de travail au-delà de la durée légale des 35 heures.  Il pourrait même ne pas y avoir de majoration, ce qui entrainerait "de facto"  - selon ses propres mots - la fin des 35 heures. Des déclaration qui avait provoqué un tollé et qui avaient mis la ministre du Travail dans l'embarras.

... Celle de Myriam El Khomri renforcée

En effet, Myriam El Khomri avait délivré une autre interprétation des propos de François Hollande.

Pour elle, à l'avenir, il s'agirait seulement de laisser plus de latitude aux entreprises en leur permettant de faire sauter un éventuel verrou au niveau des branches. De fait, actuellement, des accords de branche définissent le taux de majoration des huit premières heures supplémentaires applicables obligatoirement par toutes les entreprises du secteur pour éviter les distorsions de concurrence. Par exemple, dans la métallurgie, il est fixé à 25%, le  taux "normal" d'ailleurs la loi

Pour la ministre, la future loi sur la réforme du droit du travail, qui sera présentée le 9  mars, autorisera les entreprises, dans le cadre d'un accord, à pratiquer un taux inférieur à celui déterminé par la branche. La règle de la préférence ne s'appliquera donc pas. Mais la ministre insistait sur le fait que le seuil minimal de majoration de 10% prévue par la loi Aubry sur la durée du travail continuerait de s'appliquer.

Une interprétation différente donc de celle d'Emmanuel Macron. Et jusqu'ici, le premier ministre n'avait pas réellement tranché, indiquant juste que les "heures sup" devaient bénéficier d'une bonification mais sans préciser de taux minimum. Cette fois c'est fait.... Même s'il est certain que des amendements parlementaires, lors du débat sur la loi El Khomri, chercheront certainement à faire "sauter" ce plancher de 10%.

Les "anti 35 heures" veulent alléger le coût du travail

Mais le débat est loin d'être clos. Car, en vérité, ce que visent les détracteurs des 35 heures légales, ce n'est pas tant la durée du travail  - librement fixée par l'employeur - que le coût du travail. Leur objectif est d'améliorer la compétitivité prix. C'est cette obligation de payer les heures supplémentaires au-delà des 35 heures hebdomadaires qui est et reste dans leur collimateur.

Ce courant de pensée milite donc pour la fin de toute référence à une durée légale hebdomadaire, en prenant le Royaume-Uni comme exemple. Pour eux, chaque entreprise devrait pouvoir négocier avec les syndicats un accord fixant le seuil de déclenchement des heures supplémentaires ou de toutes autres mesures compensatrices d'une durée du travail accrue. Il ne devrait donc plus avoir de règle nationale, mais autant de règles différentes qu'il y a d'entreprises.

Certains émettent même un raisonnement très simple et qui a le mérite de la clarté: puisque le passage aux 35 heures s'est fait sans diminution de salaires, un retour aux 39 heures souhaité par une entreprise devrait donc se faire sans augmentation. Une sorte de parallélisme des formes.

Ces « réformateurs » n'ont en effet pas digéré que la diminution en 2000, sous le gouvernement Jospin, de la durée légale de 39 heures à 35 heures, se fasse sans diminution des salaires. Certains instituts économiques, tel CEO-Rexecode, situent même à ce moment précis le décrochage en termes de compétitivité de la France par rapport à l'Allemagne. Ils arguent également à l'appui de leur thèse que la réforme Aubry a eu pour conséquence de provoquer une hausse du Smic horaire de 11%... en grande partie compensée par l'augmentation des allègements de cotisations sociales patronales. Rappelons à cet égard que depuis le 1er janvier 2015, il n'y a plus aucune cotisation patronale de sécurité sociale au niveau du Smic, il ne reste que les"autres cotisations" (retraites complémentaires, chômage, etc.), soit entre 15% et 20% du salaire brut.

Le "coût" des 35 heures

En revanche, les « anti 35 heures » vont parfois trop loin dans leur critique. Notamment quand ils évoquent le « coût » pour les finances publiques des 35 heures dans le secteur marchand évalué à 21 milliards d'euros annuels. En vérité, ce coût correspond aux allégements de cotisations sociales patronales applicables sur les salaires allant jusqu'à 1,6 Smic. Une partie de ces allégements existaient avant les lois Aubry sur les 35 heures. Certes, avec la réforme de la durée légale du travail, ils ont été amplifiés afin de compenser pour les entreprises le passage de 39 à 35 heures.

Mais, depuis 2003, lorsque François Fillon était ministre du Travail, ces allégements de cotisations ont été étendus à toutes les entreprises qu'elles aient ou non signé un accord de réduction du temps de travail. Autrement dit, contrairement à une croyance tenace, il n'existe plus de dépense publique - du moins dans le secteur marchand car dans la fonction publique c'est une autre histoire - liée aux 35 heures. Les fameux 21 milliards d'euros sont donc devenus un instrument parmi d'autres au service de la réduction du coût du travail.

Enfin, en 2008, dans le cadre de la loi "Tepa", Nicolas Sarkozy avait institué une exonération d'impôt sur le revenu sur les salaires versés au titre des "heures sup" ainsi que des allégements sur les cotisations sociales salariales et patronales. Un dispositif qui "coûtait" 4 milliards d'euros annuellement aux finances publiques. A peine élu en 2012, François Hollande a alors supprimé ce mécanisme.

On le voit, le débat sur les 35 heures et les heures supplémentaires est donc récurrent. Et il est loin d'être refermé. En effet, à l'approche de l'élection présidentielle et, surtout de la primaire à droite, chaque concurrent potentiel est en train de mijoter sa recette pour "en finir une fois pour toute avec les 35 heures".

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 11
à écrit le 29/01/2016 à 10:29
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Le débat sur les 35 h est un débat entièrement politisé et qui n'a rien à voir avec la moindre réalité économique. De 2002 à 2012, il n'a jamais été question des 35 h. Le débat a été ressorti le 6 mai 2012 à 20 h. Il ne s'agit pas en fait d'un débat...

à écrit le 28/01/2016 à 22:42
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Si jamais une organisation qui s’appelle l’Etat pète les plombs et se met à martyriser une partie de la population, comment la population sans organisation spécifique peut-elle l’empêcher ? Pourrait-on inventer un processus de démocratie directe pour...

à écrit le 28/01/2016 à 22:04
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Pouvez-vous fournir une preuve suffisante à l’ensemble de la population qui démontre que l’Europe n’est pas nazie avec des camps, alors qu’on entend parler d’usines à gaz ? N’est-il pas absurde de devoir postuler avec une carte de mouvement au motif ...

à écrit le 28/01/2016 à 20:55
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Tous les processus de recrutement sont-ils légaux ? On pourrait indemniser les salariés pour la peine qu’on leur inflige, on ferait dans la cruauté gratuite ? Ne devrait-on relever les témoignages de maltraitance et les faire indemniser. Pourquoi dit...

le 29/01/2016 à 9:15
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Vous avez raison : il faut interdit tout processus de recrutement ! C'est trop douloureux ! ET si en plus on est recruté, il faut se lever le matin : trop dur ! En fait, il faudrait trainer en justice les patrons qui recrutent. En plus, de quel droi...

à écrit le 28/01/2016 à 20:20
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Pour notre jeunesse c'est la fin des vaches grasses, le gouvernement socialiste et le Médef sont entrain de leur préparer une carrière a minima (salariale et sociale) aux petits oignons. Enfin cette jeunesse l'aura choisie et n'aura rien a réclamer n...

à écrit le 28/01/2016 à 18:31
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Les jeunes et diplômés sont-ils considérés comme des pâtés pour chien ? Ne devrait-on examiner pourquoi l’Europe fait dans certains cas une incitation à la mort au travail dans des entreprises, n’est-ce pas une forme de nazisme pourquoi certaines ont...

à écrit le 28/01/2016 à 17:40
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Depuis le début (c'était déjà le cas avec la défiscalisation des HS), on est dans l'erreur. Il est évident qu'il faut flexibiliser davantage et baisser le coût du travail....mais pas en même temps ! Il faut une première partie de CDI (maximum 3 ans à...

à écrit le 28/01/2016 à 15:53
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On peut rappeler ce qui n'est jamais écrit : La décision de demander au salarié d’effectuer des heures supplémentaires est une prérogative de l’employeur dans le cadre de ce qu’on appelle son pouvoir de direction, c’est-à-dire de son pouvoir d...

le 29/01/2016 à 9:27
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Dans mon entreprise, ce sont les salariés qui demandent des heures sups... et la convention collective qui m'empêche de leur accorder ! Si, à +10%, on pouvait monter à 230h (40h hebdo en moyenne), mes salariés seraient heureux ! Par contre, on pour...

à écrit le 28/01/2016 à 15:28
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Vu les impôts je choisis les congés sans solde

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