« L'intérim devrait pouvoir bénéficier de la sortie de crise », Alain Roumilhac, Manpower

INTERVIEW. Après une année 2020 tourmentée pour le secteur de l'intérim, le président de ManpowerGroup France, Alain Roumilhac, espère une reprise de l'activité au cours du second semestre 2021 si l'épidémie se stabilise et que les vaccins ont un effet positif sur le nombre de cas.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

LA TRIBUNE - Quels ont été les secteurs les plus touchés en 2020 ?

ALAIN ROUMILHAC - En 2020, les secteurs qui ont été les plus touchés sont ceux qui sont toujours en fermeture administrative. L'événementiel, l'hôtellerie, la restauration ont été les plus frappés. Ensuite, l'aéronautique et l'aéroportuaire ont également été très touchés. En revanche, la logistique avec le développement du commerce en ligne a tiré son épingle du jeu. Il y a eu une très forte demande en compétences lors du second confinement et les fêtes de fin d'année pour la logistique.

> Lire aussiL'intérim dégringole en fin d'année

Quels sont les secteurs qui repartent depuis le début de l'année 2021 ?

Sur ce début d'année, il faut être prudent. La logistique restera un secteur important mais les volumes enregistrés en fin d'année 2020 devraient baisser. Beaucoup de questions demeurent sur la santé de l'industrie. En fin d'année, l'activité était favorable notamment grâce au rattrapage. Pour le premier trimestre, quels vont être les carnets de commande des industriels ?

Dans le domaine du bâtiment et des travaux publics, l'activité devrait repartir notamment grâce au plan de relance et en particulier la rénovation énergétique. La demande est également assez soutenue pour l'ensemble des métiers du numérique. Ces secteurs font assez peu appel à l'intérim. On peut néanmoins voir que la demande reste soutenue. Il existe beaucoup d'incertitudes liées notamment à l'évolution de l'épidémie.

> Lire aussi : Quels sont les secteurs qui recrutent en pleine crise du Covid-19 ?

Quelle est la situation de l'emploi en France de manière globale ?

L'emploi actuellement est très largement subventionné. La question déterminante est de savoir quel va être l'impact sur l'emploi de la diminution des aides sur les secteurs qui sont en difficulté. Certains secteurs comme l'hôtellerie commencent à licencier massivement. Lorsque l'horizon de redémarrage de l'économie s'éloigne, les employeurs peuvent se séparer de leurs salariés. Pour l'instant, l'impact sur l'emploi est relatif même si des milliers de postes ont été détruits. La plupart des conjoncturistes s'attendent à un pic du chômage sur 2021. Beaucoup d'entreprises sont structurellement en sureffectifs. Les entreprises vont procéder à des réajustements de leur capacité de production. Il existe néanmoins des opportunités. Nous sommes revenus à 80% de notre activité antérieure à la crise.

> Lire aussi : Chômage : un bond inédit depuis 45 ans, les jeunes en première ligne

Quels sont les métiers en tension actuellement ?

Sur la logistique, il y a eu beaucoup de tensions. Dans le bâtiment et les travaux publics, les métiers du numérique, il existe également de forts besoins. A l'heure actuelle, il est compliqué également de recruter des commerciaux.

Comment les agences d'intérim s'adaptent-elles à la crise ? Le télétravail a-t-il modifié le contact avec les intérimaires ?

Notre groupe a pu bénéficier des investissements digitaux réalisés avant la crise. Il y a moins de rencontres physiques et plus de contacts numériques. On a assisté à une hausse très importante de notre application mobile chez nos intérimaires. Il y a eu une accélération de la digitalisation sur certaines procédures comme la signature électronique de contrat, les factures électroniques. Il y a une digitalisation de la demande en 2020. Toute cette numérisation a changé notre organisation du travail.

Nous avons également fait un réalignement sectoriel. Par exemple, toute la demande dans l'aéronautique s'est arrêtée. Il a fallu repositionner nos équipes sur d'autres segments et proposer à nos intérimaires de rebasculer sur d'autres secteurs en tension en passant par des formations.

Les entreprises ont-elles modifié leur demande à l'égard des agences d'intérim ?

On voit que les entreprises ont des difficultés à s'engager sur le très long terme. Il existe très peu de missions de très longue durée. Par manque de visibilité, certaines entreprises, alors qu'elles ont trouvé des profils très compétents et prêts à s'engager, vont proposer souvent des missions plus courtes qu'auparavant.

La crise est-elle une opportunité pour l'intérim ? Envisagez-vous des embauches cette année ?

Pour l'instant, la crise n'a pas été une opportunité. Nous avons enregistré des baisses tout au long de l'année 2020 par rapport à 2019. A un moment, les courbes vont se recroiser. Historiquement, au moment où l'activité redémarre, les entreprises vont plus souvent faire appel à de l'intérim qu'à des contrats en CDI. L'intérim devrait pouvoir bénéficier de la sortie de crise.

A quel moment l'économie va rebondir et va se rapprocher de son niveau d'activité de 2019 ?

En sortie de crise, les entreprises devraient avoir un peu plus avoir recours au travail temporaire. L'économie ne devrait pas recréer vraiment d'emploi tant que le niveau d'activité n'aura pas retrouvé un niveau proche de celui de 2019. Si l'épidémie se stabilise et que la vaccination a un effet très positif sur le nombre de cas, il est possible que la situation s'améliore au cours du second semestre.

Dans chaque secteur, il y a eu des gagnants et des perdants. Souvent, les entreprises qui avaient le plus investi dans les outils numériques ont été capables de faire du e-commerce et de mieux s'adpater. Les autres tentent de rattraper. Tous les secteurs n'ont pas cette capacité. Certains secteurs sont en très grande difficulté. Ils n'ont pas les capacités financières à pouvoir investir.

Quel regard portez-vous sur les primes à l'embauche pour les jeunes mises en place par le gouvernement ? Quelques observateurs pointent un effet d'aubaine en expliquant que les entreprises auraient tout de même embauché sans ces primes.

Il y a toujours un effet d'aubaine sur ce type de mesure. Il existait une angoisse très légitime sur l'alternance. Force est de constater que malgré la crise, les entrées de jeunes dans l'alternance devraient être au même niveau record qu'avant la pandémie. Le gouvernement a mis en place un certain nombre d'aides favorables à l'apprentissage. Sans ces aides et la mobilisation des entreprises, on aurait pu assister à une baisse drastique du nombre d'alternants.

Pour la prime d'embauche pour les jeunes en CDI ou en CDD long de moins de 26 ans, les entreprises qui les recrutent s'orientent vers une certaine population. Ces mesures privilégient les jeunes par rapport aux moins jeunes. C'est un arbitrage. D'après les remontées que je peux avoir, ces primes semblent fonctionner avec une hausse des embauches de jeunes. La prime aide pour l'embauche mais je ne suis pas sûr qu'elle crée beaucoup d'emplois. Les entreprises n'embauchent pas parce qu'elles ont une prime mais parce qu'elles ont une vraie visibilité sur l'activité. Tout va dépendre de l'évolution de l'épidémie, de la levée des restrictions, de la consommation et de l'impact du plan de relance sur certains secteurs. En sortie de crise, la situation financière des entreprises sera également très importante.

> Lire aussi : L'endettement des entreprises, premier risque pour le système financier français



Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 14/01/2021 à 20:07
Signaler
Les agences d'intérim ne satisfont pas certains qui cherchent un emploi. Il ya plus de quatre mois que je cherche un emploi à travers ces agences mais hélas, je suis toujours au chômage...

à écrit le 13/01/2021 à 22:27
Signaler
Avec l'interim ont arrive tous à travailler,malheureusement cette année ont à senti tous la crise .

à écrit le 13/01/2021 à 10:00
Signaler
L'intérim par la force de l'incertitude ne va que progresser...cela ne rassure personne, la concurrence sera rude et beaucoup resteront sur le carreau!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.