L'investissement des régions sous la contrainte de la réduction des dépenses

Les régions sont les seules collectivités locales à ne pas réduire globalement leurs dépenses d'investissement. Pourtant, leurs marges de manoeuvre sont réduites.
Les régions financent principalement des projets de grande ampleur (transports, voiries...) pour des montants importants. Deux ou trois projets peuvent donc, à eux seuls, faire basculer l'évolution des dépenses d'investissement des régions dans le vert.

Voilà plusieurs mois que l'investissement des collectivités locales est dans le rouge. Après une chute de 8,8 % en 2014, il devrait à nouveau baisser de 6,2 % en 2015. Quasiment tous les échelons des collectivités territoriales sont concernés par la baisse des dépenses d'investissement cette année : -7,8 % pour les communes, -6,8 % pour les groupements à fiscalité propre (qui comprennent les intercommunalités), et - 4,3 % pour les départements, selon une note de conjoncture de la Banque postale publiée en novembre. En fait, seules les régions augmentent leurs investissements en 2015 par rapport à 2014, de 0,3 % à 9,3 milliards d'euros.

Malheureusement, les régions ont un poids financier trop faible pour redresser significativement l'investissement public local - qui représente 70 % de l'investissement public civil. Elles ne pèsent en effet que 12 % du budget des collectivités territoriales françaises, soit 28,7 milliards d'euros, selon des chiffres de l'Association des régions de France (ARF) datant de 2013. Ce qui tempère par ailleurs l'impact des prochaines élections régionales sur le quotidien des Français.

Il reste cependant intéressant de comprendre pourquoi l'investissement des régions résiste davantage à ce climat peu propice à la dépense. D'abord, il faut dire que les régions financent principalement des projets de grande ampleur (transports, voiries...) pour des montants importants. Deux ou trois projets peuvent donc, à eux seuls, faire basculer l'évolution des dépenses d'investissement des régions dans le vert. « La progression des investissements des régions serait conditionnée à la réalisation de projets spécifiques pour quelques régions », confirment les analystes de la Banque postale. Ils précisent aussi que « ce sont surtout les dépenses d'équipement (plus de 3 milliards d'euros) qui porteraient la croissance, à la faveur de projets d'infrastructures importants dans quelques régions ».

Une capacité réduite d'autofinancement

Pourtant, au même titre que les autres collectivités locales, les ressources financières des régions - qui doivent respecter la règle d'or budgétaire - restent fortement contraintes. Leur capacité à s'autofinancer chaque année se réduit, principalement du fait de la baisse des dotations globales de fonctionnement (DGF) de l'État inscrite dans le pacte de stabilité budgétaire européen.

L'État demande en effet aux collectivités locales de participer à l'effort national de réduction des dépenses publiques par une baisse de 11 milliards d'euros de la DGF entre 2015 et 2017. Sur cette période, les régions vont voir leur DGF se réduire de 1,35 milliard d'euros, soit 451 millions d'euros par an. Pour l'année 2015, la DGF allouée aux régions passe donc de 5,27 milliards d'euros à 4,82 milliards d'euros.

En parallèle, dans le cadre de la réforme du financement de l'apprentissage - qui constitue l'une des compétences des régions -, les dotations de l'État aux régions ont été transformées en recettes régionales pour l'apprentissage. Ces recettes seront constituées « de la fraction régionale (51 %) de la taxe d'apprentissage, soit 1,491 milliard d'euros, et d'une fraction supplémentaire de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TICPE) de 146 millions d'euros en 2015 », expliquent les analystes de la Banque postale.

Une très faible autonomie fiscale

Concrètement, cette cuisine budgétaire accentue d'une part la baisse des dotations directes de l'État aux régions, qui chutent de 16,4 % à 7,3 milliards d'euros en 2015, selon la Banque postale. D'autre part, elle permet d'accroître la hausse des recettes fiscales des régions à 15,2 milliards d'euros, soit +9,1 % en 2015. Ces recettes sont aussi alimentées par la progression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la principale ressource fiscale des régions (environ 4,75 milliards d'euros), de 4,4 % en 2015.

Le produit de la CVAE perçu par les régions devrait même doubler dès 2017, car elles en récupéreront la moitié, contre le quart aujourd'hui, de quoi renforcer leur solidité financière. Ce cadeau de l'État a pour but de financer les nouvelles compétences des 13 nouvelles « super-régions » (lire page 10). La hausse de la CVAE ne satisfait toutefois qu'en partie les présidents de régions, qui estiment que les nouvelles missions qui leur seront attribuées nécessiteront davantage de ressources.

Les présidents de région ont, du reste, été obligés de monter au créneau pour convaincre l'exécutif de lâcher du lest sur la CVAE. Une nécessité pour eux, car les régions n'ont en fait que peu de pouvoir pour augmenter leurs recettes. Leur « autonomie fiscale », c'est-à-dire leur capacité à moduler les niveaux de leurs impôts, est en effet très faible.

Les régions n'ont la possibilité d'agir que sur deux grands impôts : d'une part sur le tarif de la carte grise, qui leur rapporte 2,1 milliards d'euros par an ; et d'autre part sur le taux de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), « qui pèse environ 4 milliards d'euros chaque année dans les recettes des régions, mais dont le pouvoir de modulation par les conseils régionaux est très encadré », détaille un expert des finances locales.

Dynamiser le tissu économique

L'Association des régions de France (ARF) estime même que « les régions ne peuvent plus agir que sur le niveau du tarif des cartes grises, sachant que cette ressource ne représente que 8 % de leur budget ». C'est aussi pour cela que nombre de candidats aux élections régionales n'hésitent pas à promettre à leurs électeurs qu'ils n'augmenteront pas la fiscalité régionale. C'est, pour eux, facile à dire... puisqu'ils n'en ont quasiment pas le pouvoir !

En fait, si elles veulent augmenter, seules, le niveau de leurs recettes, les régions sont condamnées à dynamiser le tissu économique de leur territoire, afin d'accroître l'assiette potentielle de la CVAE. Bref, en ce moment, les régions ont beaucoup de mal à maintenir un niveau d'autofinancement stable. Leurs dépenses de fonctionnement continuent en effet d'augmenter, tirées par une hausse des dépenses de personnel (+3,3 %), alors que leurs recettes courantes baissent globalement. Résultat, elles ont dégagé 4,8 milliards d'euros de capacité d'autofinancement en 2015, soit 5,8 % de moins qu'en 2014. Est-ce alarmant ? Non, car ce solde reste largement positif. Mais il faut tout de même noter que l'épargne brute dégagée en 2015 ne finance plus que 51 % de l'investissement. Ces proportions sont « historiquement basses. Dix ans plus tôt, ce taux de financement était de 70 % », explique la Banque postale.

Le recours accru à l'endettement

C'est donc bien grâce au recours à l'endettement que les régions arrivent à maintenir leurs investissements en croissance. L'encours de dette des régions a même bondi de 8,7 % en 2015 à 23,9 milliards d'euros. Leur taille importante leur permet, certes, d'accéder à un large panel de financements, notamment sur le marché obligataire, et pour des projets de grande ampleur.

Cette tendance au recours aisé à l'endettement ne devrait pas s'estomper puisque les futures super-régions auront une masse financière supérieure : leur budget moyen va passer de 1,2 milliard d'euros à 2,1 milliards d'euros. De quoi solidifier leur notation financière. « Les nouvelles régions françaises conservent une qualité de crédit favorable », confirmait récemment l'agence de notation Standard & Poor's.

Selon les prévisions, l'Île-de-France, notée AA par S & P, restera la région dotée du plus gros budget (5,1 milliards d'euros), devant Auvergne-Rhône-Alpes (2,84 milliards d'euros), Aquitaine-Limousin-Poitou Charentes (2,73 milliards d'euros) et Nord-Pas-de-CalaisPicardie (2,69 milliards d'euros).

Commentaires 6
à écrit le 05/12/2015 à 16:56
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Et jamais on n'interroge pas la base du problème: à savoir "combien" !!On pose des chiffres à plusieurs zeros et on trouve ça normal! J'ai déjà vu la DDE faire une cunette sur le bord de la route en 4 jours à 4 bonhommes là ou 1 artisan lambda aurait...

à écrit le 05/12/2015 à 15:19
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Le problème avec cette construction de l'UE c'est que l'on doit se fier simplement a ce que l'on nous raconte mais nullement aux actes qui en révèlent la réalité! Déjà une convergence sous la menace de pénalité et menace devrait nous mettre la puce à...

à écrit le 05/12/2015 à 5:36
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L'article aurait été complet et objectif s'il avait précisé que les collectivités locales continuent a embaucher du personnel,meme en 2015.bonjour l'austérité,clientélisme bienvenu.

à écrit le 04/12/2015 à 21:06
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booboo (19:38) semble très, très contrarié. Mais je ne me moque nullement, car je comprends et partage ce sentiment de... dégoût, envers nos élites qui, en plus d'officier à l'exacte antipode de l'intérêt général du citoyen, sont incapables de prendr...

à écrit le 04/12/2015 à 20:02
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avec la fusion des régions on devrait (théoriquement) faire des économies d'échelles à moins qu'on nous fasse le même plan qu'avec les intercommunalités ou on cherche encore l'intérêt financier pour les habitants ; les élus présidents et vice-préside...

à écrit le 04/12/2015 à 19:38
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@ BONSOIR ; Voilà le résultat de socialisme HOLLANDE et sa clique ont ruiné la FRANCE et par la même occasion LES FRANCAISES et les FRANCAIS. Combien de millions 'euros jetés par les fenêtres???? DEJA les Portiques pour l'éco taxe de la pourfende...

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