"L'Uberisation" peut-elle faire consensus ?

Après moult débats sur la viabilité économique et sociale du modèle d'"uberisation" de notre économie, les tenants de ce modèle souhaitent calmer les esprits et poser des questions ouvertes sur l'avenir de l'économie...
Mathias Thépot
Les Assises de l'Uberisation se dérouleront le 3 novembre prochain.

La révolution numérique engagée depuis maintenant 15 ans semble irréversible. Dont acte. Toutefois son nouvel avatar, que certains nomment « l'Uberisation », fait largement débat. Nombreux sont ses détracteurs en France qui craignent que ce modèle n'entraîne la destruction de notre modèle social. Car il faut bien dire que cette nouvelle économie, qui s'appuie sur les technologies du numérique pour mettre en contact dans les meilleurs délais un « collaborateur » et un client, interroge : génère-t-elle de la précarité ? Crée-t-elle plus d'emplois qu'elle n'en détruit ; et quand bien même elle le ferait, pourra-t-elle subvenir réellement aux besoins de la population en la matière ? Quid, également, de son impact sur les comptes sociaux français déjà bien mal en point ? Quelle fiscalité lui appliquer ? etc. Autant de questions qui divisent.

Dans quelle société a-t-on envie de vivre ?

Les tenants de l'Ubérisation semblent conscients de ces remontrances et souhaitent réunir autour d'une table des politiques, de gauche comme de droite, des syndicalistes et des entrepreneurs afin de s'expliquer à bâtons rompus, vraisemblablement au moment des « Assises de l'Uberisation » qui se dérouleront le 3 novembre. « Il est vrai qu'il manque encore une réflexion globale sur là où nous mèneront les nouvelles technologies », reconnaît Denis Jacquet*, le président de "Parrainer la croissance", qui est très investi dans « l'Observatoire de l'Ubérisation ».

« Dans quelle société a-t-on envie de vivre ? Réserve-t-elle une place pour tous ? » interroge-t-il aussi. Lui craint en fait davantage l'arrivée de la robotique, qu'il considère potentiellement comme une nouvelle étape au remplacement de l'homme par la machine. « Si ce n'est que pour améliorer les marges des entreprises, tout en laissant des gens sur le carreau, ça n'a pas grand intérêt ! », estime Denis Jacquet. D'où l'enjeu selon lui d'investir pour préparer la reconversion professionnelle des personnes qui risquent de perdre leur emploi à cause de cette évolution des choses.

Quid du salariat ?

Cette réflexion pourrait aussi concerner les entreprises de la Netéconomie, celles qui « uberisent » leur propre secteur et dont les plus connues sont Uber et Airbnb. Pourtant, Denis Jacquet voit peu d'inconvénients à leur développement. Là subsistent certainement des points de discorde avec les pourfendeurs de l' «Uberisation » de l'économie. Car pour leurs plus fervents défenseurs, Uber et Airbnb auraient créé une nouvelle demande, sans pour autant affecter les secteurs qu'ils concurrencent (taxi, hôtellerie).

Reste que plusieurs zones d'ombre subsistent quant au développement de ce type de plateformes, concernant notamment leur impact sur le système social français. Elles préfèrent par exemple que leurs « collaborateurs » qui tirent grâce à elles une part substantielle de leur revenus ne travaillent pas sous le statut de salariés, qui impliquent plus de charges et est donc trop coûteux à leur goût. Uber, par exemple, préfère « employer » ses chauffeurs sous le statut de travailleur indépendant.

Un système a minima solidaire

Certes, comme l'explique Denis Jacquet, 82 % des travailleurs indépendants sont aujourd'hui satisfaits de leur statut. Mais d'un point de vue macroéconomique, favoriser à outrance ce type de statut aurait des conséquences fâcheuses. D'une part, il faut savoir que le salaire assure des droits et donne accès à des prestations hors travail (chômage, maladies, retraite) bien supérieures à celles liées au statut d'indépendant notamment. Conscient de ce débat, Denis Jacquet prône un « un socle minimum santé-retraite aux gens ». « Il faut un système a minima solidaire par répartition. Mais je pense qu'il faudra aussi laisser une plus grande place aux retraites par capitalisation individuelle », assume-t-il.

Une telle évolution poserait in fine problème par rapport aux comptes sociaux français qui ne sont pas au mieux. Réduire le niveau de cotisation à l'avenir risquerait en effet de signer la fin de la viabilité financière de ce système français qui permet à chacun de bénéficier de prestations sociales décentes. Des stabilisateurs économiques indispensables pour lutter contre la hausse des inégalités. Ces questions sont majeures. Il faut en débattre et les Assises de l'Uberisation permettront peut-être d'apporter quelques éclairages nouveaux.

*« L'Uberisation, un ennemi qui vous veut du bien ? », par Denis Jacquet et Grégoire Leclercq sera disponible en librairie le 12 octobre, aux éditions Dunod. 16 euros.

Mathias Thépot
Commentaires 5
à écrit le 21/09/2016 à 14:26
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Il faudrait surtout ubériser le métier de tous ceux qui sont favorable à l'ubérisation, juste pour voir leur réaction ensuite.

à écrit le 20/09/2016 à 21:14
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"Mais je pense qu'il faudra aussi laisser une plus grande place aux retraites par capitalisation individuelle »...Et lorsque la place à la capitalisation individuelle sera prépondérante, les gestionnaires de ces capitaux se débrouilleront pour réduir...

à écrit le 20/09/2016 à 20:27
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les "uber" sont des entreprises capitalistes comme les autres. Une fois qu'elles ont ferré le client (et les chauffeurs uber sont leurs clients) ils les plument autant que possible, avec d'autant moins de scrupules qu'ils ne sont pas de la maison... ...

le 21/09/2016 à 8:03
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Très bonne intervention qui complète l'article.

le 21/09/2016 à 9:54
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Les clients d uber ne sont pas les chauffeurs mais ceux qui prennent les txis d uber. Uber d ailleurs essaie des voitures sans chauffeurs aux USA. Et penser qu uber disparaitra si la societe est plus prospere est une illusion. La raison du succes d ...

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