La Métropole s'intéresse-elle enfin à l'Outre-mer ?

Présenté le 3 août en conseil des ministres, le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer est actuellement débattu par le Parlement. Il vise à établir - enfin - l'égalité des droits économiques et sociaux entre l'Hexagone et l'Outre-mer.
Fabien Piliu
A La Réunion, comme dans les autres territoires ultra-marins, les chefs d'entreprises souhaitent que l'exécutif mette enfin en place une véritable stratégie de développement qui tienne compte des particularités locales.

L'intitulé du projet de loi pourrait sembler incongru. Il existerait donc différentes France ? Il semble que ce soit le cas. Sinon, le Parlement ne se pencherait pas actuellement sur un projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer.

Selon l'exposé de motifs, "les écarts de niveaux de vie constatés entre les outre-mer et la France hexagonale restent considérables et affectent l'égalité des droits économiques et sociaux et des opportunités économiques que la République, par la solidarité nationale, doit garantir à tous les citoyens français ". Ce texte vise donc à faire en sorte que la continuité territoriale soit une réalité, quand bien même les Collectivités d'outre-mer (COM) - Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy et Saint-Martin - et la Nouvelle-Calédonie disposent d'un transfert de compétences et d'une autonomie fiscale.

BPI France débarque enfin dans le Pacifique sud

"Cette autonomie ne doit pas se traduire par un abandon de l'Etat de ses territoires. Il faut simplement que la vision jacobine, qui donne à Paris tous les pouvoirs, laisse la place à une véritable stratégie de développement de l'outre-mer", explique Christophe Plee, de la CGPME de Polynésie française, venu à Paris, comme ses homologues de la Confédération dispersés aux quatre coins du monde, défendre leurs intérêts. Ce n'est pas le premier aller-retour qu'ils font entre Paris et leurs territoires. C'est grâce à leur acharnement qu'ils ont pu obtenir que BPI France, la banque publique d'investissement créée en 2013, s'intéresse à eux. C'est chose faite depuis le mois d'octobre...

Peut-on en déduire que le projet de loi est imparfait ?

Certains points ont été oubliés par les auteurs de ce texte. C'est notamment le cas dans le domaine de la formation professionnelle mais également du fret. Des amendements ont été déposés par les députés proches des PME, et notamment des PME ultra-marines.

"Globalement, les lacunes de ce texte témoignent d'un manque de considération de la part de l'exécutif vis-à-vis de l'Outre-mer", poursuit Christophe Plee, également président de la Représentation patronale du Pacifique Sud qui réunit la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et, bientôt, Wallis-et-Futuna.

Des dispositifs inadaptés car pensés à Paris

Les présidents ultra-marins de la CGPME regrettent également la non-prise en compte des spécificités locales. Ainsi, quand le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) entre en vigueur dans les DOM, il est inadapté, bien que majoré. "Seules 4.000 entreprises de la Réunion, sur les 57.000 recensées, peuvent en bénéficier car le dispositif est mal calibré", constate Dominique Vienne, le président de la CGPME Réunion.

La gouvernance doit-elle être revue ? Faut-il supprimer le ministère des Outre-mer, qui est essentiellement un ministère de gestion pour le remplacer par un comité interministériel qui auraient des actions, des missions à mener ? Dominique Vienne, qui plaide pour la création d'un ministère de "l'Expansion de la France océanique", rappelle qu'il existe un référent technique dédié à l'Outre-mer dans tous les ministères. Or, leur marge de manœuvre est limitée. Le gouvernement ayant une approche comptable, c'est Bercy qui est en fait le véritable chef d'orchestre de la stratégie ultra-marine de la France. Pour le meilleur ou le pire ? Christophe Plee est catégorique : "Le manque d'attention est évident. Les moyens accordés à nos territoires sont faibles au regard des enjeux. Alors que les Etats-Unis et la Chine se recentrent sur le Pacifique Sud, la France délaisse cette zone. Pour preuve, un seul navire militaire est chargé de la surveillance de ce territoire de cinq millions de kilomètres carrés, vaste comme l'Europe."

Une concurrence acharnée

Nombreux sont les témoignages des autres représentants de la CGPME qui font état de ce sentiment d'abandon. La plupart regrette les blocages administratifs et le refus quasi-systématique de Bercy aux demandes d'agrément de défiscalisation pour stimuler l'économie. "Alors qu'il faut renouveler et augmenter les bateaux de pêche pour subvenir aux besoins, ce qui permettrait de créer des emplois dans ces territoires, Bercy refuse de défiscaliser cet investissement. Pour quel motif ? Le ministère ne veut pas s'opposer à l'Espagne, qui est le pays qui conduit la politique de la pêche en Europe", regrette l'un d'entre eux qui rappelle par ailleurs que les DOM et les COM affrontent une concurrence sans commune mesure avec celle vécue par la Métropole. "Comment voulez-vous que la Martinique se développe correctement quand ses concurrents de l'espace caribéen affichent des coûts du travail dix fois inférieurs", explique Céline Rose de la CGPME Martinique.

De son côté, Christophe Plee rappelle que les entreprises polynésiennes respectent le code du travail français auquel s'ajoutent la jurisprudence locale. "Mais il faut savoir que nous affrontons les entreprises australiennes, néo-zélandaises qui, elles, n'ont pas de code du travail à respecter. Notre concurrent, ce n'est pas un pays comme l'Allemagne ! Il faut que certaines problématiques soient régionalisées", estime-t-il, tout en réclamant, comme ses homologues, une révolution culturelle pour que l'Outre-mer ne soit plus considéré comme un coût, un poids, mais comme une chance. "Depuis l'entrée en vigueur de la loi NOTRe, la France s'enorgueillit de disposer désormais de 13 grandes régions. Et nous ? Nous n'existons pas ?", s'interroge Dominique Vienne qui souhaite que l'exécutif permette la création d'une zone franche douanière dans sa région pour attirer les investisseurs et permettre aux entreprises de son île de lutter contre la concurrence internationale, notamment celle de l'île Maurice.

Dans ce contexte, à quelques mois de la prochaine élection présidentielle, les attentes des chefs d'entreprises de l'Outre-mer sont énormes. Ils attendent plus, beaucoup plus, qu'une visite éclair et un discours forcément chaleureux des prochains candidats à l'Elysée. Une véritable stratégie économique par exemple.

Fabien Piliu
Commentaires 2
à écrit le 12/12/2016 à 16:45
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Nous avons la deuxième surface maritime du monde , on en fait rien. Décidément, notre classe politique n'est vraiment pas au niveau.

à écrit le 12/12/2016 à 16:25
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"..Le ministère ne veut pas s'opposer à l'Espagne..." on croit rêver !!!!!!!!!!

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