Le référendum en entreprise, une arme anti syndicats ?

Smart, Sephora... et peut-être Air France. La pratique du referendum en entreprise connaît une nouvelle actualité. Quelles sont les règles qui entourent cette consultation? Sa généralisation prônée par certains constitue t-elle une déclaration de guerre aux syndicats?
Jean-Christophe Chanut
En dehors de quelques cas expressément prévus par le code du travail, le referendum en entreprise n'a qu'un simple rôle consultatif. Son résultat n'est pas engageant.

La problématique du referendum en entreprise revient sur le devant de la scène. Les initiatives se multiplient : Sephora sur le travail en soirée, Smart sur les 39 heures payées 37, ... et peut-être bientôt Air France sur les efforts de productivité - c'est en tout cas ce que préconise François Bayrou, le président du MoDem. De leur côté, Nicolas Sarkozy et Nathalie Kosciusko-Morizet, respectivement président et vice-présidente déléguée du parti « Les Républicains », plaident pour que le referendum soit possible en entreprise et qu'il ait effet de droit, en cas de blocage dans des négociations entre syndicats et employeur.

Alors, le referendum, arme absolue pour légitimer une décision d'entreprise? Ce n'est pas si simple. Sa pratique est très encadrée. Et, actuellement, il a rarement effet de droit, mais davantage un rôle consultatif. Explications.

Les sujets soumis à referendum sont encadrés par le code du travail

D'une façon générale, la consultation directe du personnel d'une entreprise est nécessaire lorsque les conditions « normales » du dialogue social ne sont pas remplies. Par exemple, lorsqu'il n'existe pas de délégués syndicaux dans l'entreprise. Mais en plus de cela, dans certains domaines précis, le code du travail prévoit expressément la consultation du personnel comme mode d'approbation de certaines dispositions, même si des délégués syndicaux sont présents. Il en va notamment ainsi pour la mise en place de :

- plans de participation, d'intéressement et d'épargne salariale,

- régime de prévoyance dans le cadre de la protection sociale complémentaire   d'entreprise

- régime de retraite surcomplémentaire d'entreprise.

Sans oublier que, depuis la loi Macron votée à l'été 2015, dans les entreprises du commerce de détail de moins de 11 salariés se trouvant dans des zones où l'ouverture dominicale est désormais autorisée, les contreparties à cette ouverture devront être approuvées par la majorité des salariés concernés. Le recours au referendum est donc possible.

Sinon, la loi prévoit aussi qu'en l'absence de délégué syndical et d'autres représentants élus dans l'entreprise dans l'entreprise, l'employeur peut, après avoir averti les organisations syndicales représentatives au niveau de la branche, négocier un accord directement avec un salarié mandaté par un syndicat. Dans ce cas, pour pouvoir s'appliquer, ce texte doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Il s'agit là quasiment des seuls cas où l'organisation d'un referendum est expressément prévu et où son résultat a un effet de droit.

Le referendum comme arme politique

Juridiquement parlant donc, le referendum organisé par exemple chez Smart il y a une quinzaine de jours, à l'initiative de la direction, pour remonter la durée effective hebdomadaire du temps de travail de 35 heures à 39 heures payées 37, n'a aucune valeur juridique. Son résultat, d'ailleurs interprétable de différentes manières, ne valide pas le projet d'accord. Il n'a qu'une valeur consultative. Il n'en reste pas moins que sur un terrain politique, le poids du referendum consultatif est indéniable. Il est en effet très difficile à des syndicats de refuser le résultat d'un tel scrutin et de ne pas en tenir compte dans la poursuite des négociations. « Passer outre la décision d'une majorité de salariés serait suicidaire pour un syndicat qui le paiera cash lors de la prochaine élection des représentants du personnel », explique un avocat en droit du travail.

C'est pour cette raison que les syndicats préfèrent parfois eux-aussi recourir à l'arme du referendum, notamment à l'occasion d'un accord difficile. En anticipant, ils évitent ainsi de se retrouver en porte-à-faux.

Une arme à manier avec circonspection par l'employeur

Reste que la pratique du referendum doit être utilisée avec parcimonie par un employeur. Le juriste Jean-Louis Denier, sur le site « Village de la justice » explique très bien pourquoi :

« Le référendum, en tant qu'outil ou procédé, n'offre à l'employeur ni solution ni possibilité. Pourquoi ? Parce que le référendum - par lui-même - n'a ni la vocation ni la capacité à créer, générer ou instaurer directement règles et/ou cadre juridiques, particulièrement lorsqu'il convient de créer des normes d'entreprise relatives à l'organisation du travail et/ou à sa durée. Le rôle du référendum, en effet, n'est pas d'écrire le droit mais seulement d'en approuver le sens, de sorte qu'il n'est qu'un accessoire de l'accord collectif d'entreprise, un dispositif subsidiaire pour ne pas dire supplétif de l'accord en question. »

En d'autres termes, un salarié qui contesterait en justice une décision de l'employeur ratifiée par un referendum mais n'ayant pas fait l'objet d'un accord d'entreprise en bonne et due forme, a toutes les chances de gagner.

C'est pour mettre fin à ce risque... mais surtout pour affaiblir encore davantage le fait syndical en entreprise que Nicolas Sarkozy propose de rendre légitime un referendum organisé à la suite d'un blocage dans les discussions entre des syndicats et un employeur. Une proposition à double portée donc. D'abord, elle ouvrirait considérablement le champ actuel du referendum en permettant de donner force de loi à un scrutin direct, même en présence de syndicats dans l'entreprise. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, on l'a vu. Ensuite, la proposition de l'ex chef de l'Etat aurait pour conséquence de totalement délégitimer les organisations syndicales en contradiction avec le résultat d'un tel scrutin direct. Nicolas Sarkozy le sait très bien... tout à sa volonté de « dégommer » les corps intermédiaires.

Le débat n'est d'ailleurs pas nouveau. Le 10 juin 1982, alors ministre du Travail, Jean Auroux déclarait à la tribune de l'Assemblée nationale : « le referendum, c'est la mort du fait syndical ».

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 26
à écrit le 15/10/2015 à 22:22
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Personnellement, je ne pense pas que le référendum soit la mort où l'affaiblissement des des syndicats. Les syndicats négocient avec l'employeur et s'ils arrivent à se mettre d'accord, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Par contre, ...

à écrit le 13/10/2015 à 8:39
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arme anti syndicats : non arme anti-mafia : oui . il y a longtemps que la majorité des syndicats ne representent pas les travailleurs , mais leurs propres interets ( les interets des " permanents " nottament ); et vu le taux de travailleurs syndi...

à écrit le 12/10/2015 à 19:05
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Le référendum est aussi dangereux que les positions syndicales. S'il peut se justifier quand la survie de l'entreprise le nécessite, il risque d'être utilisé abusivement par celles qui veulent simplement accroître leurs profits en exerçant un chantag...

le 12/10/2015 à 19:37
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@domingo51: Perso, je souhaiterais prendre 15 jrs de vacances en juin, et 15 jours en septembre : mon patron ne s'y opposerait pas... sauf que la convention collective m'impose de prendre 18 jours consécutifs. La convention précise même que l'on ne ...

à écrit le 12/10/2015 à 18:43
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Le référendum en entreprise, une arme anti syndicats ?... Non, dans la mesure où la participation aux syndicats est très très largement inférieure à 50 % !

à écrit le 12/10/2015 à 15:29
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Côté légitimité, les syndicats ont beaucoup plus d'adhérents que ne peuvent en revendiquer les partis politiques. Le piège des accords majoritaires est qu'ils permettent -légalement- de déroger à la hiérarchie des normes sociales (code du travail/ac...

le 13/10/2015 à 1:19
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Pour vous, il suffit donc de faire "moins pire" que les partis politiques pour être plus légitime qu'une nette majorité lors d'une consultation démocratique des salariés concernés?

à écrit le 12/10/2015 à 14:12
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Les syndicats tout comme toutes les autres composantes de notre société n'échapperont pas à leur mutation sauf à subir une perte d'influence ...et cela ne sera pas propre aux syndicats de salariés ......les Medef, cgpme, upa, unapl et les syndicats a...

à écrit le 12/10/2015 à 11:38
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Hi-HI! ! Qu'est-ce qu'un effet de droit ? Ya qu'à réfléchir au caïd qui a cassé un référendum par son traité de Lisbonne. Et puis, qui hurle contre les corps intermédiaires ? Et qui milite pour "ubériser" partout ? A l'époque de l'hyper fragmentatio...

le 12/10/2015 à 13:09
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Le "caïd" était parfaitement fondé à s'asseoir sur le référendum ; en effet il avait très clairement annoncé pendant sa campagne électorale de 2007 son intention de faire ratifier par voie parlementaire un nouveau traité. Il a recueilli au second t...

à écrit le 11/10/2015 à 18:59
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Dans la mesure où les syndicats, toutes obédiences confondues, ne représentent qu'une minorité, voire une minorité infime des travailleurs, il n'est pas illégitime de recourir à une autre forme de consultation qui ne passe pas par eux.

à écrit le 11/10/2015 à 17:12
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Ils sont nuisibles car au lieu de défendre leurs adhérents ils s'accrochent à leur pouvoir de nuisance. Ce sont des destructeurs d'entreprise. Il serait grand temps de trouver une autre formule pour " défendre " les salariés.

à écrit le 11/10/2015 à 11:45
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Les syndicats n'ont pas besoin d'une arme anti-syndicats pour disparaitre : qui peut penser qu'au sein de Sephora où un accord validé par les salariés est bloqué par les syndicats, ces derniers vont trouver de nouveaux adhérents ??? Les syndicats ne...

à écrit le 11/10/2015 à 11:33
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Cet article conforte l'idée que le codé du travail DOIT être réformé, puisqu'actuellement, ce dernier ne reconnait pas le droit aux salariés concernés de s'exprimer ! (en tout cas, que leur expression est une valeur autre que consultative !) Il faut...

à écrit le 10/10/2015 à 23:17
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Les classes influentes tiennent la recette qui va leur permettre de neutraliser les syndicats . On ne connaît pas encore la recette qu elles vont utiliser pour tordre le col des associations de consommateurs. Pour les juges on sait qu on les remplac...

le 12/10/2015 à 11:52
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Pour l'instant, ce sont les syndicats qui tordent le cou aux TPE ! Y compris à l'encontre des souhaits des salariés ! Une des bases à ne pas oublier, c'est que les syndicats sont sensés représenter l'intérêt des salariés : quelle est leur représenta...

à écrit le 10/10/2015 à 18:12
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les syndicats francais representent la fonction publique, mais imposent leurs lois via des proces ou ils touchent le jackpot a chaque proces gagne ' avec astreinte journaliere'.... remarquez il faut ca pour entretenir tous ces chateaux et tous ses c...

à écrit le 10/10/2015 à 17:31
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Référendum indépendant, on publie que les français se droitiseraient à l’opposé des représentants, on entend parler de parti unique ou de démocratie de façade. Pouvez-vous expliquer s’il existe une allochirie nationale, une chie en lie organisé par l...

à écrit le 10/10/2015 à 16:32
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Quel est la légitimité d'un représentant syndical quand il ne représentant pas 50% plus une voix d'un collège. Pourquoi un personne ayant obtenu 10% des voix serait plus forte qu'un référendum ou un collège a obtenue au environ de 78% ? Pourquoi d'ap...

le 10/10/2015 à 17:39
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excellent. cette france est corrompue par le syndicalisme qui ne se défend que lui même. il est de gauche donc inhumain...

le 10/10/2015 à 17:40
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Les syndicats ne sont pas loin d'être des mafias même organisation meme but etc

à écrit le 10/10/2015 à 16:25
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Le référendum comme le plesbicite bonapartiste est une bonne consultation. Dans les actualités on parle d’Air France, de réforme à l’ENA, il y aurait un French Bashing. L’Etat ferait détruire les entreprises par ses fonctionnaires et persécuter des d...

à écrit le 10/10/2015 à 9:55
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Tant que les délégués syndicaux ne seront pas elus par les salariés on ne sera pas en démocratie Le référendum est une tres bonne solution

le 10/10/2015 à 16:04
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Depuis 2008, un délégué syndical doit avoir 10% aux élections professionnelles afin d'être désigné ( on n'est pas élu délégué syndical ), il faudrait donc revoir vos sources...

le 12/10/2015 à 19:24
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@ @polo : que les délégués syndicaux ne soient pas élus, mais désignés par leur syndicat , c'est normal, puisqu'ils représentent non pas les salariés, mais leur syndicat uniquement ! Ce qui est moins normal, c'est qu'ils aient un pouvoir de décision...

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