Le réseau des CCI se transforme dans la douleur

CCI France, la tête nationale des chambres de commerce et d'industrie, a signé lundi un contrat d'objectifs et de performance (COP) avec l'État, sur fond de coupes financières et centralisation du réseau.
Grégoire Normand
Bourse et chambre de commerce à Marseille.
Bourse et chambre de commerce à Marseille. (Crédits : Christophe.Finot/Wikimedia commons/CC)

Cette réforme pourrait laisser des séquelles. Ce lundi 15 avril, le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, est venu signer le nouveau contrat d'objectifs des chambres de commerce et d'industrie (CCI) dans les locaux du siège de CCI France à Levallois-Perret. Devant le ministre, le président de CCI France, Pierre Goguet a salué en préambule "le courage et l'engagement [des collaborateurs] dans une période difficile de profonds changements avec de fortes restrictions budgétaires. Je forme le voeu que les transformations sociales qui s'annoncent se déroulent au mieux pour eux". En juillet 2018, Bruno Le Maire avait annoncé une réduction drastique de 400 millions d'euros des crédits alloués au réseau consulaire dans le contexte "d'une restructuration" visant à recentrer les CCI sur des missions prioritaires d'ici 2022.

 > Lire aussi : CCI : le gouvernement prévoit des coupes drastiques

De son côté, le ministre a déclaré que "les CCI étaient en train de mourir à petit feu. Ce statu quo n'était pas tenable [...] Rompre les liens entre l'État et les CCI n'est pas possible non plus[..] Vous étiez financés sur une taxe, vous allez être financés sur une prestation. Je ne connais pas beaucoup d'institutions publiques qui auraient eu le courage de passer d'une taxe affectée à une prestation".

Un nouveau contrat

Le récent vote du volumineux Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) à l'Assemblée nationale comporte un volet sur la transformation de ces organismes. La contractualisation entre l'État et les CCI va reposer sur :

- un contrat d'objectifs et de performance (COP) qui prévoit les missions prioritaires des CCI financées par la taxe pour frais de chambres (TFC). Ce contrat comporte "des indicateurs d'activité et de performance adaptés aux priorités retenues";

- des conventions d'objectifs et de moyens conclues entre les CCI de région, le préfet de région et CCI Fance.

> Lire aussi : Privatisations, épargne, seuils sociaux : ce que contient le projet de loi Pacte

Des missions plus précises

Dans son adresse, Pierre Goguet a expliqué que "ces missions certes recentrées sont stratégiques pour chercher des nouveaux points de croissance dans notre pays. Elles regroupent le soutien à l'entrepreneuriat, l'appui aux entreprises dans leurs mutations digitales, écologiques, l'amélioration de leur compétitivité, l'internationalisation avec la team France export". Dans le contexte des "gilets jaunes" et de la période post-grand débat, Pierre Goguet a défendu le rôle de ces instances :

"Sur la représentation des entreprises, nous continuerons d'agir aussi bien en tant que corps intermédiaire pour faire remonter à l'État les attentes des entreprises  comme ce fût le cas récemment pour le grand débat, les consultations citoyennes pour l'Europe,ou l'impact des blocages des 'gilets jaunes' sur les commerçants dont nous rendons compte à Bercy tous les lundis. Les CCI n'ont jamais eu peur d'être évaluées. Au contraire, nos résultats en termes de pérennité d'entreprises accompagnées, de chiffres d'affaires réalisés à l'international, d'insertion des apprentis dans l'emploi font notre fierté".

Le ministre de l'Économie a évoqué de possibles missions sur le continent européen. Il faut que "nous réfléchissions à la manière dont on peut renforcer le réseau européen des CCI et dont nous assurons que les CCI sont les têtes de pont du développement économique français dans le marché unique européen. Le second sujet que nous abordons souvent avec le chef de l'État est la protection de nos technologies et de nos PME les plus sensibles". Les CCI pourraient ainsi se voir confier de nouvelles missions sur ces deux créneaux.

Nouvelle organisation

Dans le cadre de cette réforme voulue par le gouvernement, le réseau des chambres doit se réorganiser avec des ressources budgétaires bien moindres.  De profondes interrogations demeurent sur les possibles sources de financement comme l'a rappelé Pierre Goguet :

"La loi Pacte contient des dispositions importantes pour notre réseau et sa transformation sociale avec le renforcement de la tête de réseau, la coordination et la mutualisation de certains services dans les territoires.  J'en profite pour saluer le soutien important des députés et sénateurs à notre réseau pendant ces discussions afin qu'ils disposent de ces outils indispensables pour faire face aux réductions trop importantes à nos yeux de nos ressources. Il restera à trouver un financement adapté pour mettre un dernier outil essentiel, la gestion prévisionnelle des emplois et des carrières".

Pour limiter les dégâts, Pierre Goguet a rappelé "une garantie importante de la part du gouvernement si la transformation envisagée conduit à de la casse sociale, à l'aggravation de la fracture territoriale ou à la fermeture d'école de formation alors il faudra se remettre autour de la table [...] Après tant d'années d'efforts, je fais le voeu que les CCI dans cette dynamique et légitimité retrouvées, puisse enfin reconstruire sans craindre en permanence de nouvelles décisions douloureuses".

Face  à certaines craintes, le locataire de Bercy s'est dit prêt à accompagner les chambres en difficulté dans les territoires plus ruraux. "Il n'est pas question que les CCI dans les territoires ruraux puissent souffrir de cette réforme [...] C'est plus difficile dans un territoire reculé de vendre des prestations économiques. Nous avons décidé que pour les CCI qui sont dans des territoires possédant au moins 70% de communes en zone de revitalisation rurale, nous allons définir un seuil minimal d'activité consulaire et nous allons apporter un soin à ces CCI."

Craintes sociales

L'année dernière, de multiples mouvements du personnel dans plusieurs régions ont alerté les pouvoirs publics sur les conséquences possibles des départs ou des suppressions de postes sur la vie des entreprises. Si aucun chiffre précis n'a été évoqué pendant le point presse, un rapport de l'inspection générale des finances évoquait la perte de 2.000 à 4.000 emplois.  Bruno Le Maire a souligné également "la transformation du statut des agents qui vont passer du public vers le privé. Ils vont avoir accès au régime général d'assurance-chômage". Pour le personnel, de nombreux doutes subsistent.

Grégoire Normand
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