Les chefs d'entreprise ont-ils pris le pouvoir ?

Enrôlés dans le camp de La République en marche (LREM), les dirigeants d'entreprise ont fait une entrée remarquée à l'Assemblée nationale. Ils sont désormais 41 sur 577, contre 19 lors de la législature précédente. Cette vague entrepreneuriale sera-t-elle assez forte pour réformer l'économie française ?
Fabien Piliu
Emmanuel Macron a décidé de confier une partie du pouvoir à la société civile et en particulier à des chefs d'entreprise.

Depuis deux quinquennats, les bonnes surprises dans le domaine économique sont rares. Trop peu de statistiques macroéconomiques permettent de faire oublier la croissance molle, le sous-investissement chronique, le déficit commercial abyssal et surtout le chômage de masse. Seul motif de satisfaction, l'élan entrepreneurial.

Certes, cet engouement doit être relativisé. Un créateur d'entreprise sur deux étant un demandeur d'emploi, il est juste de rappeler que, si les Français se sentent une âme d'entrepreneur, c'est parce qu'ils désespèrent de trouver un emploi salarié, l'indispensable sésame qui permet de se loger, d'avoir une couverture sociale, de contracter un prêt.

Il n'en reste pas moins que cette effervescence entrepreneuriale que symbolisent les jeunes pousses de la French Tech donnent des raisons d'espérer en des jours meilleurs pour l'économie tricolore... à condition que ces aventures entrepreneuriales ne se terminent pas rapidement.

Trop de contraintes administratives et fiscales

Or, comme l'indique les statistiques portant sur la sinistralité des entreprises, la longévité des jeunes entreprises est assez faible. Si, selon l'Insee, 1 entreprise sur 7 existe encore trois ans après sa création, elles sont moins nombreuses deux ans plus tard. C'est notamment le cas des jeunes entreprises de croissance. Selon une étude publiée début 2015 par Bain & Company et le fonds d'investissement RAISE France, 1 sur 4 disparaît au bout de cinq ans. Ce pourcentage grimpe à 1 sur 2 au bout de six ans d'existence. En cause ? L'étude cite en particulier les contraintes administratives et fiscales. Une chose est certaine, les barrières à l'embauche ne sont pas celles qui entravent le plus le développement des entreprises, comme le précise la dernière note de conjoncture de l'Insee...

Les choses peuvent-elles changer ? La simplification est en marche depuis... 1954.

Par ailleurs, tous les ministres récemment passés à Bercy, qu'ils soient de droite, de gauche ou du centre, ont promis de pacifier les relations entre l'administration fiscale et les entreprises. En voulant accorder le droit à l'erreur aux chefs d'entreprises, Gérald Darmanin, le nouveau ministre de l'Action et des Comptes publics ne déroge pas à la règle.  Si l'on ne peut mettre en cause la volonté gouvernementale de bien faire, force est de constater qu'aucune enquête ne témoigne de progrès spectaculaires en ce domaine. Pour l'instant.

Des entrepreneurs au gouvernement et à l'Assemblée nationale

En nommant quelques chefs d'entreprise au gouvernement - François Nyssen, Mounir Mahjoubi - et des non-professionnels de la politique issus de la société civile, Emmanuel Macron, le président de la République espère faire bouger les lignes. Sur ce point, il a le soutien des Français. Publié fin mai, un sondage OpinionWay réalisé pour l'éditeur de logiciels Salesforce indiquait que 69% des salariés interrogés étaient plutôt favorables à une entrée au gouvernement des dirigeants d'entreprise. Ils étaient même 14% à considérer que ce serait " une très bonne chose ".

Les résultats des élections législatives témoignent de cette volonté des Français de porter des chefs d'entreprises au pouvoir. Il y aura 41 chefs d'entreprise au palais Bourbon contre 19 auparavant. A noter, le nombre de députés appartenant jusqu'ici au secteur privé a également fortement augmenté. Sur les 180 cadres qui entrent à l'Assemblée - ils étaient 134 lors de la précédente législature -, 59% viennent du privé, contre 39% en 2012. Le nombre de professions libérales passe de 74 à 103 députés et celui des agriculteurs de 9 à 13.

Avec des chefs d'entreprise au gouvernement et à l'Assemblée nationale, l'exécutif a-t-il donc les mains libres pour lancer les réformes capables de simplifier la vie des entreprises et leur offrir enfin les conditions de se développer rapidement ? Ce n'est pas un enjeu mineur. Une accélération de la croissance tricolore n'est possible que si les entreprises grandissent plus vite pour atteindre une taille critique leur permettant d'embaucher, d'innover et d'exporter. Rappelons que la France ne compte que 4.400 ETI de plus de 250 salariés, soit deux fois moins qu'en Italie - qui affiche chaque mois une balance commerciale excédentaire - et trois fois moins que l'Allemagne.

L'administration dans le viseur

Le problème, c'est que le gouvernement et sa nouvelle majorité ne peuvent rien, ou pas grand-chose, sans le soutien de l'administration qui assure la mise en place technique de ces réformes. Or, nombreux sont les experts, les anciens ministres qui expliquent la lenteur des réformes, voire les blocages, par la mauvaise volonté des administrations fiscales, sociales et sanitaires, entre autres. Ont-ils raison ? Ont-ils tort ?

Une chose est certaine, le gouvernement a bien l'intention de mettre les administrations sous tension. Avant et après sa victoire, Emmanuel Macron a prévenu : il a bien l'intention de changer ou, au contraire, de confirmer l'intégralité des postes de direction dans la fonction publique, cette stratégie ayant pour objectif de rendre plus performante l'action publique.  En agissant ainsi, le nouveau président de la République romprait avec les traditions. En France, les gouvernements passent, l'administration reste. A titre de comparaison, ce n'est pas le cas aux Etats-Unis. Au pays de l'Oncle Sam, lorsqu'un président arrive à la Maison-Blanche, toutes les responsables des grandes administrations sont remplacées afin de s'assurer que les nouvelles équipes mettent rapidement en place la politique du nouveau chef de l'Etat et de son gouvernement.

Aller plus vite que lors du quinquennat précédent

Lors du quinquennat précédent, les tensions ont été vives entre le gouvernement  et l'administration. On se souvient notamment de la passe d'armes entre Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, et Ramon Fernandez, le directeur du Trésor nommé par Nicolas Sarkozy en 2009 et prolongé à son poste par François Hollande, le premier reprochant au seconde de bloquer son projet de réforme fiscale. Après cet épisode, en mai 2014, Ramon Fernandez fut certes remplacé par Bruno Bézard, un ancien conseiller de Lionel Jospin. Mais, comme Emmanuel Macron le confia pendant la campagne présidentielle, cette opposition entre l'Etat et le Trésor aurait retardé d'au moins deux ans le lancement de réformes fiscales importantes. Bis repetita ? L'Elysée semble ne pas vouloir prendre de risque.

Fabien Piliu
Commentaires 13
à écrit le 22/06/2017 à 10:59
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Oui voilà il est bien connu que si la france est en déficit ce n'est pas à cause de l'évasion fiscale des grandes fortunes françaises qui nous coûtent 80 milliards chaque année, non c'est forcément à cause de l'administration. Votre article sans ...

à écrit le 22/06/2017 à 6:50
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Vous avez raison le vrai pouvoir est dans le haute administration aux mains des énarques qui pensent détenir la vérité, il faudrait donc des changements notables aux postes clės de haute fonction publique.

à écrit le 22/06/2017 à 1:32
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@ BONJOUR : Mais qui y a t il détonnant que le patronat rentre en force au gouvernement .... Il ne faut pas oublier que le sieur MACRON est l'homme du patronat et des banques ... Alor le comble c'est de voire le représentant de la C.G.T. appeler à vo...

à écrit le 21/06/2017 à 22:12
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A y regarder mieux, on devrait surtout s'apercevoir que les énarques et les fonctionnaires sont là et bien là...aux vrais postes de direction et d'influence. Mais il n'est pas encore temps de s'apercevoir qu'on a surtout marché dedans.

à écrit le 21/06/2017 à 19:11
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41 , soit moins de 10% pour une prise de pouvoir c'est un peu juste ; j'aime autant voir des gens qui connaissent la vraie vie que des professionnels de la politiques encroutés dans leurs privilèges ( encore qu'il en reste quelques uns )

à écrit le 21/06/2017 à 18:48
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La seule chose qui compte c' est le résultat final" , quelque soit les méthodes ? Mensonges, manipulations, accusations, trahisons, ne pas parler du fond, parler à l' émotionnel, faire peur injustement, dépenser des fortunes, être copains avec les mé...

le 22/06/2017 à 7:21
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Je suis d accord avec vous....tres inquiétant....sans colonne vertébrale....juste une impressionnante mécanique intellectuelle......mais sans structuration.... Seul point positif......je crois au il a instauré le chaos....il peut en sortir du bon......

à écrit le 21/06/2017 à 18:24
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Combien de fonctionnaires?

à écrit le 21/06/2017 à 18:18
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"Publié fin mai, un sondage OpinionWay réalisé pour l'éditeur de logiciels Salesforce indiquait que 69% des salariés interrogés étaient plutôt favorables..." Donc avant les législatives et le fort taux d’abstention.

à écrit le 21/06/2017 à 17:38
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Tiens comme c'est bizarre, quand je disais que l'administration ne travaillait que pour elle même et peu pour les français.... aurais-je eu raison ? Ce n'est pas à l'administration de décider quoi faire, elle est un support pour la politique et le pe...

à écrit le 21/06/2017 à 17:35
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41 sur 577 : youhou et bien ca fait pas lourd! et après vous pouvez m'expliquer votre titre "Les chefs d'entreprise ont-ils pris le pouvoir" ???

le 21/06/2017 à 18:34
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C'est seulement pour leur donner de l'importance et calmer les "pigeons". Les entrepreneurs savent qu'il ne sont pas entendus et que c'est la finance décide. Elle a les moyens de sponsoriser le candidat de son choix. Un système totalitaire se met pro...

à écrit le 21/06/2017 à 17:27
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il ne lui manque que la couronne et le sceptre royal et hop voici le roi micron. Il va réellement finir par croire qu'il est adoré du peuple français. La photo ne trompe pas, cet air suffisant, compatissant avec les sans-dents, enfin le Roi Soleil.

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