Les GM&S dans l'attente de concret, et d'une décision favorable de justice

La justice se penche ce mardi sur l'avenir de l'équipementier automobile en difficulté GM&S Industry, dont les salariés creusois se battent pour obtenir un sursis en vue d'une reprise, un des premiers dossiers sociaux à gérer pour le gouvernement d’Édouard Philippe et son ministre de l’Économie Bruno Le Maire.

Une semaine après une manifestation nationale qui avait rassemblé 2.000 à 3.000 personnes à La Souterraine (Creuse), moins de 6.000 habitants, le personnel de GM&S remet ça avec un rassemblement "national" à Poitiers, juste avant que le tribunal de commerce n'examine le dossier vers 16h30. Dans le même temps, le reste des 279 salariés continuera l'occupation d'usine à "La Soute".

Le tribunal se prononce sur une liquidation ou reprise de l'emboutisseur, deuxième employeur privé de Creuse, en redressement judiciaire depuis décembre. Il devrait intégrer la donne changée au cours des dernières 48 heures, le nouveau ministre de l'Économie Bruno Le Maire ayant annoncé dimanche que PSA et Renault, principaux clients de GM&S, augmenteront leurs commandes de 10 à 12 millions d'euros, et de 5 à 10 respectivement.

Ces engagements, qui selon Bercy devraient permettre d'atteindre un chiffre d'affaires 2017 proche de 25 millions d'euros, "ne sont qu'un tout petit pas", a estimé lundi le numéro un de la CGT (majoritaire chez GM&S), Philippe Martinez. "Un sursis", insistaient les salariés, avec bon espoir d'éviter une liquidation mardi, sachant que l'équilibre de l'entreprise requiert un carnet de commandes de l'ordre de 35 à 40 millions d'euros annuels.

"Ce n'est pas la fin de l'histoire, mais une étape importante", a affirmé lundi depuis Berlin Bruno Le Maire, dont le ministère exprimait l'espoir que les commandes en hausse de PSA et Renault "rendent possible la continuité de l'exploitation et la poursuite des discussions sur la reprise de l'entreprise".

Pérennité des volumes et des modèles

"Ce n'est pas seulement une question de chiffre d'affaires ou de volume, c'est une question de pérennité de volume", souligne à l'avocat des salariés, Me Jean-Louis Borie. "S'ils nous mettent des commandes sur des modèles de moteur en fin de vie, bientôt abandonnés, quid de la pérennité ?"

Du tribunal poitevin, les salariés de GMS attendent une prolongation de la période d'observation du maximum possible, six mois, mais avec la ferme intention que le dossier ne traîne pas dans l'intervalle, sur une cession. D'autant que l'aide à la trésorerie fournie par la Région Nouvelle Aquitaine ne permettrait de tenir que jusqu'à fin juin. La prolongation pourrait être assortie d'une nouvelle date limite de dépôt d'offres de reprise, puis d'un point d'étape courant juin.

Le groupe stéphanois GMD (Groupe Mécanique Découpage), avait tranmsis une lettre d'intention pour GM&S. Ce spécialiste de plasturgie, fonderie, emboutissage avait déjà manifesté un intérêt en 2014, lors du précédent redressement judiciaire du site, mais l'Italien Gianpiero Colla, sur le papier plus prometteur en terme d'emploi, lui avait été préféré.

Mais l'intérêt renouvelé de GMD étant antérieur aux annonces de Bercy, une offre de reprise nouvelle, ou actualisée, devrait intégrer celles-ci. Dans sa mouture initiale, l'offre prévoyait une activité compatible avec 90 à 100 emplois à La Souterraine, inacceptable pour les salariés, ou pour les élus du territoire. Le député-maire PS de Guéret Michel Vergnier espère cette fois "une offre sereine et sérieuse".

Le nom de l'emboutisseur Magnetto, filiale basée à Aulnay-sous-Bois de l'Italien CLN Group, avait aussi été évoqué, mais sans intérêt tangiblement exprimé à ce jour, même s'il n'était pas "hors course", précise-t-on de source proche du dossier.

"Les choses sont très claires et je les ai dites aux syndicats : il faudra faire des efforts en terme de compétitivité de l'entreprise", a mis en garde lundi Bruno Le Maire.

Les salariés de GM&S, qui en sont à leur troisième redressement judiciaire en huit ans, attendent pour leur part qu'un "vrai industriel" atteste la compétitivité du site.

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Retour sur six mois d'incertitudes

Manifestations, blocage du site et négociations se succèdent depuis six mois pour la survie de l'équipementier automobile GM&S, en redressement judiciaire, sur lequel doit se prononcer mardi le tribunal de commerce de Poitiers.

  • Redressement judiciaire

Spécialisée dans l'emboutissage, l'assemblage et la tôlerie, l'entreprise GM&S Industry (ex-Altia) qui emploie 283 personnes sur la commune de La Souterraine (Creuse) est placée en redressement judiciaire le 2 décembre 2016 par le Tribunal de commerce de Poitiers. Le site industriel qui avait été repris en 2014 par un entrepreneur italien, risque la liquidation judiciaire faute de trésorerie suffisante.

  • Mobilisations

Rapidement les employés de GM&S Industry se mobilisent et montrent leur détermination: le 6 janvier François Hollande est accueilli lors d'un déplacement à Brive par 200 salariés. Le 23 janvier une cinquantaine d'entre eux bloquent l'autoroute A20. Les accès à deux sites de Renault et PSA dans l'Yonne et dans l'Allier sont bloqués le 25 janvier par les mêmes salariés.

  • Sursis

Le Tribunal de commerce de Poitiers décide le 1er février de prolonger la période d'observation pour l'entreprise en redressement jusqu'au 23 mai. "Un sursis supplémentaire bienvenu", commente le délégué CGT, Vincent Labrousse. Le Premier ministre Bernard Cazeneuve promet le 10 février que son gouvernement mettra "tout en oeuvre" pour redonner une "perspective industrielle" à GM&S. "Je ne peux pas garantir que nous y arriverons, ce serait mentir aux salariés, mais ce que je peux leur garantir c'est que nous mettrons tout en oeuvre pour y arriver", déclare-t-il.

  • Blocage

Après s'être invités à Paris sur les Champs-Elysées, 150 salariés de GM&S bloquent l'accès  de l'usine PSA de Poissy (Yvelines) le 19 avril pour réclamer davantage de commandes. "La production se fait normalement", affirme la direction de PSA qui se fait toutefois livrer des pièces par hélicoptère.

  • Négociations

Une réunion se déroule au ministère de l'Économie le 27 avril en vue d'un possible rachat en présence des représentants syndicaux et des représentants des constructeurs Renault et PSA. "Renault et PSA ont décidé de débloquer leur production et de mettre le curseur de notre côté pour certaines productions", déclare le délégué CGT, Vincent Labrousse. Les discussions s'enchaînent les jours qui suivent pour tenter de sauver le site.

  • Échec

Mais le 10 mai, les représentants syndicaux annoncent "l'échec des négociations". Dès le lendemain des salariés commencent à détruire du matériel sur le site: ils découpent en deux une presse et écrasent une machine-outil. Selon Vincent Labrousse, l'usine a été "piégée" à l'aide de bonbonnes de gaz et de bidons d'essence.

  • Manifestation

Le 16 mai, Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou participent avec plus d'un millier de personnes à une manifestation de soutien aux 279 salariés de l'équipementier automobile, organisée par la CGT à La Souterraine, après une table ronde entre syndicats, constructeurs et élus qui ne donne rien.

  • Efforts de Bercy

Le nouveau ministre de l'Économie Bruno Le Maire s'engage le 19 mai à déployer "tous les efforts nécessaires pour garantir l'accroissement des commandes" des constructeurs automobiles clients de GM&S. Après s'être entretenu durant le week-end avec le PDG du groupe Renault, Carlos Ghosn, et le président du directoire de PSA, Carlos Tavares, il annonce que Renault devrait doubler ses commandes pour les porter de 5 à 10 millions d'euros et PSA les augmenter de 10 à 12 millions d'euros.

(avec agence)

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