Les indemnités prud'homales vont singulièrement diminuer

Les ordonnances réformant le Code du travail "sécurisent" la procédure prud'homale au profit des entreprises. Le plancher des dommages et intérêts accordés en cas de licenciement abusif passe de 6 à 3 mois.
Jean-Christophe Chanut
Avec la réforme du Code du travail, les salariés abusivement licenciés percevront moins de dommages et intérêts aux Prud'homme, car le plancher de ces indemnités est réduit 6 à 3 mois de salaires... Quant au plafond des indemnités - jusqu'à 20 mois -, les juges ne seront absolument pas obligés de l'accorder

La troisième tentative sera donc la bonne. Dès que l'ordonnance relative « à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail » entrera en application, il y aura alors un plafonnement des dommages et intérêts accordés par les Prud'hommes en cas de licenciement abusif. Une vieille revendication patronale qui a déjà failli entrer en vigueur à deux reprises. La première fois dans le cadre de la « loi Macron » de 2015, mais le barème obligatoire avait été retoqué par le Conseil Constitutionnel car il faisait varier les montants des indemnités en fonction de la  taille des entreprises, ce qui créait une inégalité entre salariés. La seconde tentative a eu lieu en 2016 à l'occasion de la loi El Khomri. Le plafonnement des dommages et intérêts était prévu dans une première mouture du projet de loi. Mais pour amadouer les syndicats « réformistes », notamment la CFDT, le gouvernement avait fini par supprimer cette disposition. Cette fois, ce n'est pas le cas, le gouvernement a été jusqu'au bout.

Jusqu'ici donc en cas de licenciement abusif, seul existait un barème indicatif et non obligatoire auquel peuvent se référer les juges prud'homaux. Il va de un mois de salaire de dommage et intérêts pour les salariés ayant moins d'un an d'ancienneté jusqu'à 21,5 mois de salaire pour les salariés ayant 43 ans et plus d'ancienneté.

De 1 à 20 mois d'indemnités au maximum en fonction de l'ancienneté...

En cas de licenciement abusif, la seule contrainte actuellement en vigueur prévue dans le Code du travail est d'accorder un minimum de six mois de dommages et intérêts aux personnes travaillant dans des entreprises de plus de dix salariés ayant au moins deux ans d'ancienneté. Il n'y a pas de plafond, au nom du principe bien établi que le juge cherche à réparer l'intégralité du préjudice. Aussi, selon les circonstances du licenciement et les caractéristiques du salarié abusivement licencié (âge, proximité du marché du travail, charge de famille, etc.), les indemnités varient d'une affaire à une autre et d'une juridiction à une autre. C'est pour cette raison que les organisations patronales évoquent une « loterie de la justice prud'homale ».

À l'avenir, une fois les ordonnances applicables, les juges seront contraints par un barème qui variera (voir tableaux ci-dessous), pour les employés licenciés abusivement d'une entreprise de 11 salariés et plus, de un mois de salaire (moins d'un an d'ancienneté) à 20 mois de salaire pour ceux ayant au moins 30 ans d'ancienneté. Mais attention, il s'agit d'un plafond. Le plancher, lui, est fixé à 2 mois de salaire pour les salariés licenciés ayant au plus 1 an d'ancienneté et à 3 mois pour les salariés ayant davantage d'ancienneté. Ce qui signifie que pour un salarié licencié abusivement ayant par exemple 20 ans d'ancienneté, le plancher est toujours fixé à 3 mois.

Cas des entreprises à plus de 11 salariés

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Cas des entreprises à moins de 11 salariés

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... mais un plancher limité à trois mois

Or, ce plancher fixe, quelle que soit l'ancienneté, est d'une importance capitale. Cette question est même nettement plus primordiale que celle des plafonds quand l'on connaît le fonctionnement de la justice prud'homale. Les Prud'hommes sont en effet une juridiction paritaire avec des juges issus du collège salariés et d'autres, issus du collège employeurs. Or, le plancher oblige les juges, y compris ceux du collège employeurs. Plus le plancher est donc haut, plus c'est bénéfique pour le salarié. À l'inverse, il sera extrêmement rare que les juges du collège employeurs acceptent d'accorder des indemnités égales au plafond. Par exemple, il n'est pas du tout certain qu'un salarié abusivement licencié ayant 20 ans d'ancienneté puisse obtenir le maximum de 15,5 mois.

On remarquera aussi que la législation actuelle prévoyait un plancher de 6 mois. Il sera donc à l'avenir divisé par deux...

C'est d'ailleurs pour cette raison que dans la majorité des affaires, en cas de licenciement abusif, les salariés obtiennent six mois, voire sept mois de dommages et intérêts. Il arrive parfois que ces indemnités montent à huit ou dix mois, mais il s'agit alors de salariés qui avaient au moins dix ans d'ancienneté. Quant à l'octroi de dommages et intérêts encore supérieurs, il s'agit de cas exceptionnels avec des circonstances aggravantes.

Pour l'avenir, avec l'abaissement du plancher, il faut donc s'attendre à une baisse généralisée du montant des dommages et intérêts.

Cependant, ce nouveau barème d'indemnités ne sera pas applicable en en cas de nullité du licenciement pour un motif de harcèlement, de discrimination ou de violation d'une liberté fondamentale. Dans de tels cas, l'indemnité minimale ne pourra pas être inférieure à six mois de salaire. Il faut donc s'attendre à une multiplication des contentieux ayant ces trois motifs pour origine...

Les "fautes de forme" auront des conséquences limitées

Par ailleurs, les ordonnances « sécurisent » aussi la procédure de licenciement au profit des entreprises. À l'avenir, en cas de vice de forme lors d'un licenciement, la sanction ne pourra plus excéder un mois de dommages et intérêts, alors qu'aujourd'hui la sanction pouvait aller jusqu'à la nullité du licenciement, par exemple, en cas d'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement.

De fait, jusqu'ici, la lettre de licenciement « fixait » les limites du litige, l'employeur ne pouvait pas arguer devant les prud'hommes de faits non mentionnés dans la lettre de licenciement. À l'avenir, les motifs mentionnés dans la lettre pourront être modifiés par l'employeur, voire même à la demande du salarié... Ce n'est qu'après ces éventuelles modifications que la lettre fixera les limites du litige... Les avocats des salariés aux prud'hommes risquent de ne pas du tout apprécier cette modification.

Des indemnités de licenciement revalorisées

Alors, pour faire avaler cette pilule bien amère aux syndicats, la ministre du Travail a fait un geste - notamment devant l'insistance de Force Ouvrière - sur les indemnités de licenciement versées par les entreprises au moment du départ du salarié. À l'avenir, les indemnités légales de licenciement seront au minimum égal à 25% d'un mois de salaire par année d'ancienneté au lieu de 20% actuellement. Alors, certes, de nombreuses conventions collectives prévoient des indemnités conventionnelles déjà supérieures aux indemnités légales. Mais selon Force Ouvrière, de nombreuses indemnités conventionnelles vont être tout de même concernées, car, souvent, leurs premiers niveaux n'atteignent pas les 25% du salaire mensuel.

Ainsi, avec cette histoire de plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif et, parallèlement, de hausse des indemnités de licenciement, on se retrouve dans une situation un peu ubuesque : les entreprises qui auront abusivement licencié leurs salariés verseront moins de dommages et intérêts... mais toutes les entreprises, y compris donc celles procédant tout à fait légalement à des licenciements... devront verser des indemnités de licenciement supérieures.

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 27
à écrit le 04/09/2017 à 21:51
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Le retour à la féodalité! L'humain devient un kleenex: on le prend, on l'use et on le jette^. Plus de formation, plus de risque: virer abusivement sera en soit une économie. Le retour de bâton risque d'être lourd de conséquence car toute actio...

à écrit le 04/09/2017 à 12:00
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Bonjour, Je ne défend ni le patronat ni les salariés mais juste une communication au niveau humain. En France il y a trop de dérives dans le monde du travail , beaucoup pense avec acquis peu pense avec valeurs et compétences et souvent pour pallier...

à écrit le 03/09/2017 à 18:11
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La laisse du chien... Arbeit macht frei ! dachau 1940, l'esclavage c'est la liberté, Orwell 1984

à écrit le 03/09/2017 à 8:47
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Et pendant ce temps les grands patrons continuent de percevoir des parachutes dorés qui coutent des milliers d'années de travail (et bien plus en indemnités prud'homales) quel que soit leurs résultats et leur ancienneté... C'est beau de voir que pour...

le 03/09/2017 à 14:34
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Ce n'est pas pareil:les grands patrons risquent leur fortune pour leur entreprise et ont des semaines de travail de 70 heures.Pas comme ceux qui travaillent peu et utilisent les prudhommes pour s'enrichir au dépend des patrons

le 03/09/2017 à 18:33
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@Rogger Comme Arnaud Lagardère et son top model , il a l'air d'en baver , le pauvre.

à écrit le 02/09/2017 à 22:55
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bref les patrons voyous se voient le droit d'agir en toute impunité (déjà que les sommes étaient des fois limites). Je ne vois pas en quoi les patrons respectueux y trouveront un mécanisme leur permettant de développer l'emploi, à moins que le gouver...

à écrit le 02/09/2017 à 18:32
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REM ne sera ni de Gauche ni de dro..pardon ni de gauche.

à écrit le 02/09/2017 à 18:15
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Deux invités sur France info toute à l'heure , pour nous expliquer les bienfaits de cette loi travail sur l'organisme des salariés.Deux éditorialistes de journaux de droite ,un anglais , un allemand.Le matraquage des esprits continuent de plus belle ...

à écrit le 02/09/2017 à 16:41
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Je persiste et signe. Le problème du chômage de masse que, malheureusement, nous subissons en France n'est pas lié à ce critère. On ne fabrique et on ne commercialise pas assez, et à des prix compétitifs, des produits de grande consommation qui se ve...

à écrit le 02/09/2017 à 11:03
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On ne touche pas à l'essentiel: 1 :la composition du tribunal .2 patrons et 2 salariés alors que 1 patron 1 juge professionnel 1 salarié c'est mieux pour garantir une bonne justice 2 :la lenteur de la procédure :il faut attendre plus d'un an pour o...

à écrit le 02/09/2017 à 10:56
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"un peu ubuesque"....c'est tellement outrancier que vous avez eu besoin de rajouter un peu...Je trouve que vos articles tendent beaucoup vers l'édito, pas ce que j'attends d'un journaliste économique.

à écrit le 02/09/2017 à 10:15
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Nos grands élus prennent le parti de ceux qui ont effectivement permis leur élection : les détenteurs du capital (banques, assurances, communication (presse, télé) instituts de sondages...) pour protéger leurs intérêts. Ces politiciens leurs sont red...

à écrit le 02/09/2017 à 7:31
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Ce point est celui que je ne peux pas accepter et cela montre que le Président a plus de respect pour des entrepreneurs voyous car un licenciement abusif n’est plus ni moins qu’acte de voyou, que pour un salarié. Cette disposition montre le peu de re...

le 03/09/2017 à 6:43
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D'un côté des voyous et de l'autre des gentils salariés , telle est votre vision de l'entreprise . Une entreprise n'a pas la vocation de faire du sociale , son but est de dégagé des bénéfices et de grandir . Quel entrepreneur ( digne de ce nom ) dés...

le 03/09/2017 à 8:34
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Mais quand un salarié se comporte mal ou nuit à l'entreprise, le patron dispose de moyen pour le licencier...

le 03/09/2017 à 16:03
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Un patron n'a pas tout pouvoir dans son entreprise .Dans certains cas heureusement , dans d'autres dommage . Un patron ne peut rien faire si le salarié ne fait plus qu'acte de présence . Si le salarié payé a plein temps ne réalise qu'un mi- temps ( ...

le 03/09/2017 à 17:15
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Vous avez lu mon commentaire en diagonale je fustige les patrons voyous que je sépare des Entrepreneurs. Pour ce qui de licencier un salarié qui ne respecte pas l’Entreprise sous toutes ses formes le licenciement n’est pas un problème, il demande de ...

à écrit le 01/09/2017 à 20:51
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La gauchocratie et ses réseaux prennent une grosse claque...heureusement..! après 40 ans d'abus...!

à écrit le 01/09/2017 à 20:17
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La gauchocratie , finalement doit admettre ..que 60 ans de désinfo socialo/socialiste ridicule ...touche à sa fin..

le 01/09/2017 à 22:10
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Quand certains se retrouveront licencié à 50 ans avec une pauvre indemnité sans espoir de retrouver un boulot, ils seront effectivement probablement nostalgiques des années socialistes

le 02/09/2017 à 9:00
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Bonjour, je suis de droite, votre commentaire un niveau qui montre qu'en France les patrons magouilleurs sont plus respectés qu’un salarié correct. Votre commentaire laisse aussi sous entendre que les petits minables de patrons qui refusent de payer ...

à écrit le 01/09/2017 à 20:17
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Mais pourquoi un plafond et un plancher ??? Pourquoi pas tout simplement un barème ? (Plus besoin de prudhomme dans 80% des cas) => 2 mois pour 2 ans de travail c'est vraiment pas beaucoup, du casi CDD en fait Il aurait mieux fallu mettre 3 mois mini...

le 01/09/2017 à 22:03
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C'est guère plus élevé qu'une prime de précarité en effet.

à écrit le 01/09/2017 à 17:03
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Je trouve que le ministère et l'état se complique trop la vie , pour rassurer et donner la liberté et la confiance à tous il faut supprimer le CDI et autoriser le CDDvpour tous comme ça personne n'aura peur de rompre et personne ne perd de l'argent, ...

à écrit le 01/09/2017 à 16:51
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Certains préjudices ne peuvent pas se réparer avec de l'argent, les affaires pénales et civils pourront augmenter . Tout n'est pas argent , les délits restent des délits qu'on soit salarié ou gérant.

le 02/09/2017 à 12:45
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@citoyen ordinaire: quelle naïveté ! " Selon que vous serez puissant ou misérable" est toujours d'actualité et comment va faire le pauvre diable pour se payer un avocat ?

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