Loi travail : quelles chances les opposants ont-ils de l'abroger ?

Conseils des prud'hommes, questions prioritaires de constitutionnalité, ... Malgré la promulgation de la loi travail divers recours sont possibles pour abroger ses dispositions.
Jean-Christophe Catalon
"il va y avoir une bataille juridique à mener", a prévenu Jean-Claude Mailly, indiquant que les "services juridiques travaillent d'arrache-pied pour trouver des axes de recours".

L'épisode semblait terminé, mais la contestation contre la loi travail se ravive. Alors que le texte a été adopté puis promulgué dans l'indifférence générale cet été, les syndicats sont bien décidés à reprendre le combat en cette rentrée. Philippe Martinez et Jean-Claude Mailly, leaders respectifs de la CGT et de FO, se sont réunis mercredi à Nantes avec leurs homologues de la FSU, de Sud et de l'Unef pour échanger sur les actions à mener.

Outre la manifestation du 15 septembre prochain, "il va y avoir une bataille juridique à mener", a prévenu Jean-Claude Mailly, indiquant que les "services juridiques travaillent d'arrache-pied pour trouver des axes de recours". Une étude qui se poursuivra certainement à la fête de l'Huma, à laquelle le patron de FO participera pour la première fois et où plusieurs candidats à la présidentielle seront présents.

Dépôt de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), rappel des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) ratifiées par la France, les arguments ne manquent pas pour abroger la loi travail. Mais ces recours ont-ils une chance d'aboutir ?

"Le Conseil constitutionnel n'est pas une voie de recours sérieuse"

En juillet dernier, les députés frondeurs du PS ont réuni 61 signatures autour d'un recours porté au Conseil constitutionnel. Celui-ci a censuré cinq mesures secondaires, mais ne s'est pas prononcé sur les dispositions les plus contestées, notamment sur l'inversion de la hiérarchie des normes et le licenciement économique. En faisant ce choix, "le Conseil constitutionnel a laissé ouverte la voie des QPC", analyse Emmanuel Dockès, professeur de droit du travail à l'université Paris-Ouest Nanterre.

Avant d'être étudiée par les sages, toute demande de QPC doit être validée par le Conseil d'État ou la Cour de cassation. "La transmission en tant que tel au Conseil constitutionnel a un impact politique car cela signifie que la demande est sérieuse, qu'il existe un doute sur la validité du texte", souligne Emmanuel Dockès. Dans un tel scénario, il est tout à fait possible de s'attendre à ce que "la décision de transmission se fasse avant l'élection présidentielle", estime le professeur de droit du travail.

Par la suite, si les sages valident la QPC, la disposition sera purement et simplement abrogée. Une éventualité qui a "peu de chances d'aboutir", pointe Emmanuel Dockès. Ces dernières années, les sages ont eu tendance à rendre des décisions en faveur de la liberté d'entreprendre, plutôt qu'à la protection des salariés. La censure de la "loi Florange" en est un exemple parmi d'autres. "Le Conseil constitutionnel n'est pas une voie de recours sérieuse", en conclut l'universitaire.

De longues batailles aux prud'hommes

L'application de la loi travail risque aussi de créer des litiges, dont la bataille judiciaire se déroulera aux conseils de prud'hommes. Ces derniers, à la différence du Conseil constitutionnel, peuvent statuer sur la base des traités internationaux.

La France a ratifié plusieurs conventions de l'OIT, dont certaines seraient remises en cause par la loi travail selon les représentants des salariés. Les conventions 87 et 98 portant sur l'exercice de l'activité syndicale sont notamment évoquées. Dès qu'un accord d'entreprise remettra en cause un accord de branche, comme le prévoit le contesté article 2 de la loi El Khomri, les syndicats pourront saisir les prud'hommes. De même, des salariés licenciés via les nouvelles dispositions sur les licenciements économiques pourront, eux, invoquer la convention 158 de l'institution onusienne.

L'exemple du contrat nouvelles embauches

De telles procédures prennent habituellement du temps. Mais la nature très sensible et politique de l'application de la loi travail amènerait les conseils de prud'hommes à "traiter les dossiers plus rapidement" que pour les affaires courantes, selon Emmanuel Dockès.

Le contrat nouvelles embauches (CNE) est un parfait exemple. Cette mesure autorisait l'employeur à licencier un salarié sans justifier le motif sur une période donnée. Début 2006, soit six mois après la promulgation de la loi, un conseil des prud'hommes a rendu une décision en faveur du salarié sur la base de la convention 158 de l'OIT.

Un an plus tard, l'Institution onusienne a déclaré le CNE contraire au droit international. En 2008, le CNE est abrogé. Concernant la loi travail, il ne serait pas surprenant que des conseils de prud'hommes rendent des décisions début 2017.

127 décrets à publier

Les dispositions les plus contestées sont déjà appliquées. Mais d'autres, notamment celles concernant les dérogations au temps de travail, n'entreront en vigueur qu'à la publication des décrets. Le patron de la CFDT, Laurent Berger, a réclamé une parution rapide de ces textes suite aux menaces de Philippe Martinez de les bloquer. La majorité sera publiée en octobre, selon un échéancier publié au Journal officiel ce vendredi.

Le travail risque de prendre du temps, beaucoup de temps. Pour faire appliquer toutes les dispositions des 123 articles de la loi El Khomri, le ministère du Travail doit rédiger pas moins de 127 décrets. "Pour les fonctionnaires du ministère du Travail, il est impossible de produire tous ces textes rapidement", selon Emmanuel Dockès. "On voit d'ailleurs que tous les décrets de la loi Macron ne sont pas encore publiés un an après son adoption", note l'universitaire.

Jean-Christophe Catalon
Commentaires 25
à écrit le 14/09/2016 à 8:53
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Petit coquin pour l'abroger il suffit de marcher, marcher encore, mais avec Martinez et son copain Mailly.

à écrit le 13/09/2016 à 14:34
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Ah oui ! Ce rapport a été vendu à 12 millions d'exemplaires en 37 langues. Il a été réactualisé en 2012 avec les mêmes conclusions. Au regard de la culture dont vous vous drapez. Je suis fortement étonné que vous n'en ayez pas entendu parlé. Ce q...

à écrit le 12/09/2016 à 23:23
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Voir M. Mailly défiler pour un sujet dont le mot principal est travail est comique car ce monsieur n'a jamais travaillé dans un entreprise privé et pour ce qui est du public ou assimilé un stage sans grande valeur à la sécu. D'ailleurs cette foutaise...

le 13/09/2016 à 9:26
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Quel drôle de raisonnement, pensez vous qu'un ministre connaisse le monde du travail qu'un religieux celui des familles etc Si vous êtes contre les syndicats , rendez vos congés payés, ne vous faites plus remboursez vos soins, refusez toutes les ava...

le 14/09/2016 à 8:59
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Et les cocottes, en papier bien sûr, c'est fatigant; marchez , derrière Martinez,, c'est un plaisir, enfin un vrai chef de syndicat, il a un nouveau moyen de pression : " tous en grève "

à écrit le 12/09/2016 à 14:54
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De nombreuses personnes qui s'expriment ici bénéficient d'avantages qui ont été obtenus dans le passé par les syndicats. Il faut aller jusqu'au bout de certains raisonnement et refuser tous ces avantages. Ceci dit, la robotisation va modifier les em...

le 12/09/2016 à 18:54
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Ce que les citoyens souhaites, c'est juste de retrouver ces anciens syndicats qui aujourd'hui n'existe plus. Ils prennent les cotisations des syndiqués, Vivent un train de vie bien meilleurs que ceux des syndiqués et quand faut aller au charbon plus ...

le 13/09/2016 à 7:29
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Heureusement que vous avez précisé par le passé et encore le lointain car le passé récent type PSA Aulnay, Continental et la SNCM ....... a bien changé l'idée d'un syndicalisme défenseur des salariés. Aujourd'hui la CGT, FO et SUD ont comme actions p...

à écrit le 12/09/2016 à 12:12
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tous ces prétendus défenseurs des salariés et des chômeurs feraient mieux de manifester pour qu on est une formation professionnelle digne de ce nom. Pourquoi ne le font ils pas? j ai une petite idée sur la question...

le 12/09/2016 à 18:57
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Parce qu'ils sont comme nos patrons, c'est plus un parapluie qu'ils ont en commun au dessus de la tête mais plusieurs parasols... Et les formations (qui sont aujourd'hui plus une autorisation de casser qu'une formation pour nous apprendre quelque cho...

à écrit le 12/09/2016 à 11:55
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De toutes manières, CGT, FO, FSU, SUD nous ont habitué à privilégier le chômage à l'emploi. Ce n'est pas par hasard que le taux de chômage en France soit bien au-dessus de celui de la moyenne européenne. Ces syndicats ont toujours combattu, sous couv...

le 12/09/2016 à 14:39
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je préfère un chômeur à un SDF, question d'humanité.....

le 13/09/2016 à 8:52
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la différence n'est qu'une question de temps, pour ce qui de l'humanité mot qui semble bien loin de nos institutions dites économiques: politique, Medef ne pas confondre avec Entrepreneur et syndicats de salariés plus précisément CGT, FO, SUD, ne par...

à écrit le 12/09/2016 à 11:35
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L'enlisement des conflits dans un magma réglementaire est la méthode préférée des français: exceptions, privilèges distribués, dérogations, spécificité professionnelle etc. Un modèle tient la route depuis 1946, celui de la fonction publique. Appliquo...

à écrit le 12/09/2016 à 10:48
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A chacun son rôle; à l'Assemblée Nationale de voter les Lois, les syndicats n'ont pas leurs mots à dire, même si leurs avis (consultatifs) sont importants..

à écrit le 12/09/2016 à 10:28
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Je le reconnais l'homme à moustache. C'est Philippe Martinez qui propose de généraliser le passage aux 32 heures de travail par semaine pour permettre la création de quatre millions d’emplois...........................comme les 35 heures !!! Mais les...

le 12/09/2016 à 14:35
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" C'est Philippe Martinez qui propose de généraliser le passage aux 32 heures de travail par semaine..." oui, et alors ??? Amazon, aux USA, temple du libéralisme et du travail précaire, vient de mettre en place un test grandeur nature pour instit...

à écrit le 12/09/2016 à 9:45
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Merci pour ce bon article. Maintenant je pense que des manifestations contre ce système économique et politique injuste et inhumain, bien emmenées, aurait plus de succès, le ras le bol général se faisant sentir. Cela sera toujours le problème...

le 12/09/2016 à 12:17
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ça sent furieusement le totalitarisme vos idées ,méfiez vous, le Maoisme on sait ce que ça a donné. Vous êtes libres de vivre comme vous voulez et d'aller vivre ou vous voulez, comme les autres.

le 12/09/2016 à 13:25
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Il faut aller en Uruguay !!! Encore un partisan de loufoques, comme Chavez, qui a réussi a ruiné un pays riche avec des slogans infantiles.

le 12/09/2016 à 13:27
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"repenser notre modèle économique reposant indéfiniment sur la production et la consommation" Il serait effectivement temps, depuis le Club de Rome de 1972, ce modèle est dénoncé comme une hérésie. D'autant que viendra s'y ajouter le changement cl...

le 12/09/2016 à 14:36
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je partage pleinement votre analyse, citoyen blasé....

le 12/09/2016 à 18:19
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à citoyen: Avez vous lu l'article de Mujica dans le monde diplomatique ? Non. Merci de le lire avant de venir exposer vos ressentiments, le monde diplomatique est un journal complet et objectif il ne fait pas mal à la tête promis juré. Maduf: ex...

le 13/09/2016 à 12:35
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Désolé mon commentaire à encore du mal à passer. L'algorithme de La Tribune semble à la peine. "je fais l’effort de citer des sources..." Moi aussi, le Club de Rome, ce qui ramène au fameux rapport scientifique du MIT publié à l'époque. Le Club...

à écrit le 12/09/2016 à 8:31
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Tant que l'on ne sera pas en opposition aux directives de Bruxelles, nous continuerons a supporter de soi disant "réformes" issue du dogmatisme de l'UE! Sans illusions!

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