Même interdit de loi, Emmanuel Macron reste à la manœuvre

Même si son projet de loi « Nouvelles opportunités économiques » ne verra pas le jour, sa philosophie reste présente. Mais le ministre de l’Économie fait tout pour que ses propositions pour faciliter la vie des entreprises se retrouvent dans d’autres textes.
Jean-Christophe Chanut

C'était le 9 novembre 2015. Avec un sens certain de la mise en scène, en compagnie de quelques vedettes du monde entrepreneurial, le ministre de l'Économie présentait ce jour-là à Bercy son projet pour de « Nouvelles opportunités économiques » (#Noé). Un texte destiné à tout faire pour faciliter la création et le développement des entreprises. Lors de ce véritable show, Emmanuel Macron triomphant annonçait :

« Je porterai une série de réformes qui permettront d'innover plus vite dans tout un tas de secteurs économiques avec des simplifications normatives. »

Et d'ajouter : « Je ferai une première série de propositions à la mi-décembre, puis un point au début de janvier, et il y aura un texte de loi présenté en janvier. »

Patatras ! Le 20 janvier, Emmanuel Macron apprend que l'Élysée et Matignon ont tranché, il n'y aura pas de loi « Macron II ». Officiellement, le locataire du troisième étage de Bercy est victime d'un risque d'embouteillage. Il y a en effet deux autres projets de loi importants à faire adopter avant l'été : le texte porté par la ministre du Travail, Myriam El Khomri, réformant le code du travail (qui fait déjà polémique à gauche) et le projet sur « l'éthique et la transparence financière » défendu par le « patron » de Bercy, Michel Sapin, le ministre des Finances. Alors exit le projet #Noé de Macron qui, finalement, sera intégré par amendements aux lois Sapin et El Khomri.

La « patte » de Macron dans le projet de loi El Khomri

Officieusement, l'histoire est un peu différente. François Hollande et Manuel Valls n'ont surtout pas envie de s'offrir un nouveau « psychodrame » à l'Assemblée nationale. L'obligation de recourir en 2015 à l'article 49-3 de la Constitution pour faire adopter la loi « Macron I » afin de contourner le blocage des « frondeurs » du PS a marqué les esprits. Pas question de renouveler un tel épisode en laissant Emmanuel Macron, qui fait figure de héraut de la dérégulation, et de repoussoir pour une partie de la gauche, présenter un nouveau texte. Et ce d'autant plus que l'article 49-3 ne peut être dégainé qu'une seule fois par session. Or, son utilisation sera peut-être - au grand dam de François Hollande - nécessaire pour faire adopter le projet de loi de Myriam El Khomri sur la réforme du droit du travail... qui a fait sortir même Martine Aubry de ses gonds : « Pas nous, pas ça, pas la gauche », a-t-elle écrit dans une tribune dans Le Monde la semaine dernière, cosignée avec Daniel Cohn-Bendit.

Alors Emmanuel Macron a dû remballer ses ambitions... Du moins en apparence. Car il est incontestable que le projet de loi de Myriam El Khomri porte sa patte. On retrouve en effet dans le texte le plafonnement des indemnités prud'homales, cher au ministre de l'Économie, mais aussi une nouvelle définition du licenciement économique en faveur de laquelle plaidait Emmanuel Macron. De même, pour sa plus grande satisfaction, le projet de loi prévoit l'extension du Compte personnel d'activité (CPA) - un mécanisme qui permet d'attacher des droits sociaux à la personne, notamment aux indépendants et professions libérales, alors que se développe le travail en indépendant modèle Uber.

Incertitudes et négociations en coulisses

Dans la loi Sapin devrait figurer la réforme du régime des micro-entrepreneurs (nouvelle appellation des auto-entrepreneurs). L'objectif, selon Emmanuel Macron : doubler sur deux ans les seuils de chiffres d'affaires admis pour exercer une activité avec ce statut (actuellement fixés à 32 .900 euros annuels pour les activités de services et à 82. 200 euros pour la vente de marchandises) et ouvrir un droit d'option à la micro-entreprise pour les artisans. Emmanuel Macron voudrait aussi faciliter l'accès au crédit pour les startups, via une hausse des plafonds de microcrédits accordés pour la création de ces entreprises : de 10 .000 à 12 .000 euros pour les personnes morales et de 3 .000 à 5 .000 euros pour les personnes physiques. Autre disposition portée par le ministre de l'Économie : faciliter l'accès à certaines professions artisanales, les coiffeurs par exemple, en n'exigeant plus forcément un diplôme. Le sort de ces mesures est entre les mains de Michel Sapin, avec lequel Emmanuel Macron cherche un compromis.

Interdit d'occuper le devant de la scène pour ne pas indisposer une bonne partie du PS, on peut donc faire confiance à Emmanuel Macron pour continuer de distiller en coulisse ses petites recettes... Voire préparer en secret un programme pour la présidentielle ? ν

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 4
à écrit le 04/03/2016 à 8:24
Signaler
Surtout enfonçons -nous! Du moment que la classe dirigeante garde ses avantages, le pays peut-bien sombrer!

à écrit le 03/03/2016 à 13:32
Signaler
Les gens du PS : des gens qui n'ont pu s'inscrire au centre ou à droite du fait de la concurrence.

le 05/03/2016 à 12:19
Signaler
Votre réflexion est amusant car entre 1997 et 2012 elle était presque la même si ce n'est que PS était remplacé par UMP... Mais bon il ne sert a rien de râler contre ces incompétent et de ne pas voter le jour des élections !

à écrit le 03/03/2016 à 13:04
Signaler
Faciliter la vie des multinationales plutôt, la politique économique que nous impose notre classe dirigeante depuis au moins 20 ans et qui n'a que des échecs économiques comme bilans. La servilité à un tel point ça commence à bien se voir.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.